Catherine Gaudet présente au Festival TransAmériques sa nouvelle création pour quatre têtes chercheuses et corps mouvants. Plongeon dans les affres de l'individu et de ses contradictions intérieures.

Avec Au sein des plus raides vertus, la chorégraphe Catherine Gaudet poursuit le travail amorcé avec Je suis un autre: une danse-performance qui ne renie pas une certaine théâtralité et où l'appareillage entier du corps est utilisé - membres, visage et, surtout, la cage thoracique et la gorge comme caisses de résonance de la voix et du souffle, qu'il se fasse cri, chant ou râle animal.

Explorant les zones troubles de la psyché et de l'inconscient, Gaudet se tient loin - bien loin - de la mièvrerie et du superficiel. On ne peut que saluer la profondeur et la ri-gueur de son travail, exigeant à la fois pour le spectateur et pour le danseur.

Dans cette création, Gaudet explore cette ligne de faille entre le paraître et le ressenti où, même en voulant se montrer à la face du monde selon ce qui est exigé des bien-pensants, surgissent les zones d'ombre qui se tapissent sous la façade de la mascarade sociale. Une façade qui craque et laisse voir les peurs, les envies refoulées et les pensées inavouables qui y grouillent.

C'est d'ailleurs ces bien-pensants et les règles sociales héritées d'une certaine pudibonderie religieuse que Gaudet s'affaire à déficeler dans cette pièce ponctuée de références au sacré et à la religion: dans le chant liturgique qui ouvre la représentation, dans cette lumière divine qui tombe sur un danseur isolé et figé, les yeux levés vers le ciel, voire dans cette sexualité à la fois refoulée et bestiale qui anime les danseurs.

Le mouvement des corps et du souffle y devient une extension de l'être et de ce qu'il cherche à faire paraître, mais aussi (et surtout) à dissimuler. Une constante tension anime les déplacements des quatre interprètes, qui se muent par moments en bête à quatre têtes, se séparent pour mieux se retrouver, dans un phrasé chorégraphique extrêmement dense, où Gaudet laisse heureusement s'immiscer un peu d'air et d'espace.

D'enfant à bourreau

Tout est sujet à exposer les contradictions intérieures des interprètes, confinés à un espace carré réduit - leur propre enfer et purgatoire - en dehors duquel ils ne s'aventureront pas: les chants sacrés s'émiettent en comptines enfantines, les pleurs deviennent des rires exaltés, les compliments, des invectives rageuses, et le sourire charmeur et naïf, un rictus figé et faux.

L'enfant bonasse côtoie - et devient - le bourreau manipulateur, les tendres caresses dans les cheveux se transforment en geste mécanique et désincarné de celui qui cherche le réconfort et l'amour sans pouvoir le donner.

La grande force de cette pièce est d'exposer ces zones grises de la psyché humaine sans jamais basculer dans les feux de l'enfer ou la blanche rédemption. À la fin, l'individu doit apprendre à vivre avec ses contradictions et ses démons, à l'image du solo final et exutoire de Francis Ducharme.

Ne serait-ce que pour voir et ressentir les quatre fabuleux et très justes interprètes que sont Ducharme, Dany Desjardins, Caroline Gravel et Annik Hamel, Au sein des raides vertus vaut certainement le détour.

____________________________________________________________________________

Au Théâtre La Chapelle jusqu'au 31 mai.