Harry Manx a goûté pour la première fois aux instruments à cordes l'an dernier en Australie où il a réenregistré des chansons de son répertoire avec des musiciens de l'Opéra de Sydney. Depuis, il ne veut plus s'en passer.

Ce soir au Monument-National, le sympathique Canadien d'adoption de 62 ans sera donc accompagné du Quatuor esca comme il l'était à la salle André-Mathieu de Laval, en mai. Pour ce mordu de blues et de musique indienne, ce concert nouveau genre représente un défi.

«C'est une belle leçon, ajoute-t-il. Je suis le seul qui n'ait pas de partition devant moi. Je ne lis pas la musique, mon truc est intuitif. Mais je me souviens des chansons...»

L'idée d'ajouter des instruments à cordes à ses chansons lui est venue alors qu'il écoutait la radio classique de la CBC en se baladant en voiture sur les routes du Canada. La puissance des cordes l'a frappé et il s'est dit qu'elles pourraient rafraîchir et enrichir ses chansons.

Al Green, Jimi et le Boss

Manx a toujours été fier de son adaptation du standard Summertime qui misait sur la tension entre le blues et le raga indien. Mais dans sa nouvelle mouture de la chanson de Gershwin, les cordes font ressortir la mélodie, estime-t-il.

«J'ai toujours voulu que cette mélodie happe l'auditeur et c'est ce à quoi s'emploient les cordes. Je ne les encourage surtout pas à imiter les cordes dans les films de Bollywood. La fusion peut parfois sombrer dans le quétaine si on n'y prend pas garde.

«Je voulais plutôt un son classique occidental qui se marie avec mon truc de blues et de musique indienne.»

Manx revisite des chansons plus anciennes de son propre répertoire qu'il n'avait pas jouées depuis un bon moment sur son récent album Faith Lift - oui, notre homme a toujours un faible pour les jeux de mots. Il y reprend également Love and Happiness d'Al Green.

«Parfois, une chanson va m'interpeller même si je sais que l'artiste qui l'a créée l'a superbement bien rendue. Si je ne peux pas l'améliorer, je peux la refaire à ma façon. Donc, de temps en temps, j'apprends une chanson de quelqu'un d'autre qui m'inspire vraiment, d'Al Green, de Jimi Hendrix, de Bruce Springsteen...»

En 2006, Manx a croisé Springsteen sur la scène d'un festival de guitare dans la région de New York où il lui a emprunté sa chanson I'm on Fire qu'il a jouée avec sa guitare bricolée à partir d'une boîte de cigares.

«À l'époque, ça m'a un peu remonté le moral, se souvient Manx. Bruce m'a demandé si je jouais quelque part à New York et je lui ai raconté que j'avais joué une fois dans une boîte de blues du Village devant cinq personnes. Il m'a dit: "T'en fais pas, quand j'ai débarqué ici au début, personne ne voulait m'engager." Or l'un des cinq spectateurs dans la boîte de blues en question organisait ce festival de guitare. Il est venu me voir après le show et m'a invité à son festival où, m'a-t-il dit, il y aurait un peu plus de monde. Il y avait environ 5000 spectateurs...»

Du Pakistan au Japon

«Je n'ai pas eu de forte poussée d'écriture ces dernières années, Dieu sait pourquoi. Ça va et ça vient», ajoute Manx qui se défend pourtant d'être en panne d'inspiration. Il s'empare aussitôt de son téléphone et nous fait entendre de nouvelles compositions emballantes, enregistrées avec son ami guitariste Kevin Breit, ainsi qu'une reprise de Mustt Mustt du regretté chanteur pakistanais Nusrat Fateh Ali Khan et une chanson d'Okinawa qu'il a déjà jouée dans la rue au Japon. «Je veux mettre des cordes là-dessus», lance-t-il.

Cet homme du monde était un adepte de la simplicité volontaire bien avant que ça devienne tendance. Il a tourné lui-même avec son téléphone les images de trois vidéoclips récents en se promenant en rickshaw dans les rues de Pune, en Inde.

C'est également un homme modeste qui est reconnaissant pour le succès qu'il a obtenu après avoir gagné son pain comme musicien de rue jusqu'à la mi-quarantaine.

«Ce n'est pas parce que j'ai un talent si exceptionnel, c'est plutôt la façon dont les étoiles étaient alignées, affirme-t-il. Les gens se sont identifiés à ma voix, c'est un miracle et je m'en réjouis. Je ne suis pas vraiment un chanteur, je marmonne fort. Les vrais chanteurs, comme Michael Bublé, se servent de leur voix comme d'un instrument de musique. Moi, c'est plutôt le style vocal d'un J.J. Cale qui m'a inspiré. Tout le monde a toujours essayé de comprendre comment J.J. Cale faisait de la musique aussi simple, presque zen. Il a montré la voie et on l'a suivi. C'est ce que font les bons artistes.»

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Au Monument-National ce soir, à 20 h.

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, archives LA PRESSE

Ce soir au Monument-National, Harry Manx sera accompagné du Quatuor esca comme il l'était à la salle André-Mathieu de Laval, en mai.