On associe généralement l'âge avancé d'un artiste mythique à ses réalisations passées... et à une époque révolue, malgré le respect qu'on lui doit. À 74 ans, John Cale échappe-t-il à cette fatalité?

Sa dernière participation au Velvet Underground, dont il a été l'un des cofondateurs, remonte à septembre 1968. Un demi-siècle plus tard, l'artiste californien d'origine galloise ne souhaite certes pas effacer cet épisode crucial de son CV, mais il mène depuis une carrière fertile en «recherche et développement», n'a cessé de puiser tant dans l'expression rock que dans les musiques sérieuses ou expérimentales.

Inutile d'ajouter que John Cale, joint il y a quelques jours à Los Angeles, refuse d'être perçu comme une relique.

«Je ne me formalise pas qu'on m'associe encore au Velvet Underground, mais j'ose croire que mon public s'intéresse davantage à ce que je fais aujourd'hui. Mes fans actuels, qui sont issus de toutes les générations, sont toujours prêts au changement. Mais je suis conscient que d'autres s'en tiennent à mon lointain passé et je reste très fier de cette contribution au Velvet. J'y reviens à l'occasion, d'ailleurs; récemment à Paris, j'ai participé à un concert avec plusieurs artistes pour commémorer les deux premiers albums, "la banane" [The Velvet Underground & Nico] et White Light/White Heat. J'ai eu beaucoup de plaisir!»

Ouvert aux réminiscences lorsque l'occasion s'y prête, John Cale ne se berce pas d'illusions sur la gestion de son patrimoine.

«Ça peut être défendable si on procède à un recyclage créatif: tu dois revoir le matériel, ton chant, ton personnage. J'essaie en ce sens d'interpréter des chansons que je n'ai jamais faites devant public; j'aime réarranger mon vieux matériel, en changer le tempo, le faire revivre autrement.»

Branché sur le hip-hop

Toute sa vie, l'artiste d'origine galloise a cherché la rencontre entre la sauvagerie et le raffinement, entre le lyrisme et la brutalité, entre la tête et les tripes, entre la révolution et l'assomption du passé. Ça risque fort de se poursuivre cette semaine à Pop Montréal.

«Je compte y présenter un mélange de présent et de passé, un peu à la manière de mon récent M: Fans [relecture de l'album Music For a New Society]. En fait, ce que je présente de soir en soir se fonde sur la nature même du contexte.»

«Chaque concert doit être construit sur mesure; il faut réagir à ce contexte en absorbant l'énergie de l'auditoire, pour décider comment démarrer et comment conclure, comment meubler chaque espace.»

Il est très difficile, en fait, de nommer l'art de John Cale. Le musicien en est fort aise: 

«Je puise dans différentes formes: rock, bruitisme, électronique, musique contemporaine instrumentale, drone; je n'écris pas une chanson à la manière de Bruce Springsteen... J'aime beaucoup le rythme et le groove, je finis souvent mes recherches par du hip-hop. Par exemple, j'aime beaucoup le travail de Vince Staples, je suis très branché sur le trap d'Atlanta. Je dirais que mon travail consiste en une sorte de design sonore. Les références sont forcément multiples, j'essaie d'absorber un maximum d'informations, je lance ma ligne partout où je passe.»

De manière à rester connecté au présent et à évoluer artistiquement, John Cale évite de se voir dans une perspective historique. «La notion que j'ai de moi-même ne m'aide pas. Je préfère me concentrer sur ce qui m'intéresse aujourd'hui, car je peux alors persuader mes collaborateurs et mon public en communiquant ce qui me fait vraiment vibrer. Par exemple, j'ai déjà été obsédé par l'échantillonnage numérique, alors que je donne maintenant priorité aux instruments "naturels", bien que je maintienne encore la tension entre cette instrumentation et un environnement électronique. C'est une cohabitation très heureuse, il s'agit de tenter de nouvelles combinaisons à chaque occasion qui se présente.»

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Au Rialto ce soir, 20 h, dans un programme partagé avec Helena Deland.

En conférence au Musée des beaux-arts vendredi, 17 h.