À en juger par la quantité astronomique de courriels que j’ai reçus au sujet de ma chronique sur la qualité du français dans les médias, ce sujet vous préoccupe hautement.

Tout comme moi, vous avez des dadas qui écorchent vos oreilles. Voici donc un florilège de ces choses que vous souhaiteriez ne plus entendre quand vous ouvrez la radio ou la télé.

La palme d’or de vos sources d’irritation va au fameux « je vous partage » qui s’est insidieusement infiltré dans notre langue. Pierre, Caroline et Denise n’en peuvent plus d’entendre « je vous partage l’information » ou « je vous partage mon secret ».

On peut « partager une tarte » et on peut « partager des idées » , dans le sens où on accepte l’opinion de quelqu’un d’autre. Mais on ne peut utiliser ce verbe au sens de « communiquer ». Bref, on ne partage pas son point de vue.

Le deuxième prix va indéniablement à « adresser », que plusieurs personnes utilisent à tort. On adresse une lettre et on peut adresser la parole. Mais sous l’influence du verbe anglais « to address », certains l’utilisent dans le sens d’« aborder », « résoudre » ou « traiter ». On aborde un sujet, on ne l’adresse pas.

Transportons-nous au rayon des liaisons « mal-t-à-propos » pour décerner le troisième prix. Le lauréat est la liaison que l’on fait avec la terminaison des chiffres vingt et cent auxquels certains accolent un « s » comme dans « vingt-z-enfants » ou « cent-z-étudiants ». Jean-François, Suzanne et Arlyne disent qu’il ne faut pas avoir peur de faire la liaison avec le « t ».

En revanche, certains mettent des « t » là où il n’y en a pas, comme dans « t’es-t-une bonne chanteuse ». Danielle se demande d’où sort ce « t ». Pour sa part, France fait de l’urticaire chaque fois qu’elle entend « ça va-t-être ».

Tiens, une autre chose que l’on peut régler en deux secondes : les « de d’autres ». Si on parle « d’autre chose », on n’a plus besoin du « de ». Ah ! Comme la vie est simple parfois !

Chantal n’en revient pas d’entendre des gens dire qu’ils vont « porter leur enfant à la garderie ». Elle a aussi remarqué l’utilisation du mot « genre » et de son accord avec celui qui l’accompagne, comme dans « une genre de personne ».

Revenons sur le célèbre « ça l’a », qui a inspiré quelques chroniques à mon ancien collègue Pierre Foglia. Guylaine me jure qu’elle a entendu cette perle d’un spécialiste de la littérature à une émission de Radio-Canada.

À ce sujet, il est toujours gênant d’entendre des experts s’exprimer en faisant des fautes. Joanne a entendu récemment une enseignante dire « le livre que j’enseigne avec ». Nicole a écouté une entrevue avec un professionnel de l’aviation parler « d’une avion ». Ouille !

Au sujet du féminin et du masculin, Caroline est fatiguée d’entendre parler « d’une escalier », « d’une ascenseur », « d’une orteil » et « d’une autobus ». Moi aussi.

Tout comme moi, vous n’en pouvez plus d’entendre les sempiternels « comme que » ou « quand que ». Guylaine ne peut plus supporter les « quand qu’on dit », « quand qu’on fait » et « quand qu’on est là ».

Éveline veut dénoncer l’emploi du « assemblant », comme dans « il a fait assemblant de me croire ».

Pour ce qui est des incontournables « si j’aurais », « la problématique », « ça fait du sens » et « bon matin », comment faire pour les déraciner de notre langue ? Il y a des jours où je songe à inventer un appareil qui produirait une petite décharge électrique chaque fois qu’on utilise ces expressions.

Dans ma chronique, je disais que nous n’osons pas corriger les autres au Québec comme on le fait en France. Bref, notre tolérance aux erreurs est plus grande. Un abaissement de ce seuil et un changement de mentalité changeraient beaucoup de choses.

« On s’habille en mou, on pense mou, on parle mou, m’a écrit Jean-François. C’est partout. À la télé, on marmonne tout le temps. »

De nombreux lecteurs me disent qu’ils n’hésitent pas à corriger leurs petits-enfants ou leurs amis. Mais certains ont baissé les bras. C’est le cas de Louis. « Les réactions que cela provoque se retournent invariablement contre moi, et je ne parle pas ici des réactions proches des menaces physiques lorsqu’on ose le faire sur l’internet. »

Il y a les erreurs que nous commettons, mais une langue doit aussi avoir ses couleurs. C’est ce qui va la distinguer. Il faut apprendre à faire la distinction entre les deux. À cet égard, Denise m’a parlé d’un animateur d’émission culinaire qui a tendance à saupoudrer ses phrases de « me, te, se ». L’autre jour, il n’a pas hésité à dire : « Je me mets une banane dans le mélangeur. » Cela a au moins le mérite d’être drôle !

J’espère que cette chronique vous a plu. En tout cas, « ça l’a » fait du bien de l’écrire.

P.-S. Nous faisons tous des fautes, en écrivant ou en parlant. Moi le premier. J’ai la chance de pouvoir compter sur de formidables collègues réviseurs qui posent leur œil de lynx sur mes chroniques. Je profite de l’occasion pour saluer Marie-Hélène Bolduc, Dominique Boucher, Lucie Côté, Michael Flookes, Martin Labrosse, Geneviève Proulx et Anne Rouleau. Ces gens révisent et corrigent l’équivalent de 360 livres par année. Chapeau !