Quelle est votre vitesse de croisière dans vos lectures en ce moment ? Êtes-vous à jour dans vos piles de livres ? Satisfait ou mécontent de ce qu’on vous a suggéré ? Déjà en train de choisir les titres que vous allez offrir à Noël ?

Moi, comme d’habitude, j’ai perdu le contrôle, mais depuis le temps, j’ai appris à accueillir le chaos. D’ailleurs, je ne devrais pas dire qu’on est au mitan de l’automne, c’est trop poétique ou vieillot, il serait plus juste de dire qu’on est à la mi-temps de la rentrée littéraire, qui ressemble parfois à un match de lutte où on a envie de lever le pouce pour avoir une pause. Je ne vais pas me plaindre, c’était mon rêve dans la vie, mais je reçois tellement de livres qu’une forme d’angoisse bien spécifique m’afflige à chaque livraison : d’un coup que ce nouveau livre-là m’intéresse plus que celui que je suis en train de lire ?

Je vous jure, c’est une lutte de tous les instants que de finir un roman qui est haut dans l’ordre de priorités lorsqu’un autre nous fait de l’œil.

J’envie parfois l’amoureux, qui a la liberté de lire ce qu’il veut, lui qui vient de passer au travers de l’œuvre de Mordecai Richler, le seul romancier de son automne.

La preuve que je reçois trop de livres : six mois après mon déménagement, et même si j’ai fait au maximum mes changements d’adresse, le nouveau locataire de mon ancien appartement reçoit encore des colis envoyés chez lui à mon nom. Pendant ce temps-là, j’essaie de ne pas penser aux boîtes de livres qui ne sont toujours pas ouvertes au sous-sol.

De nombreuses tentations dans la fournée automnale ont fait dévier mon programme de lectures, au premier rang Ce que je sais de toi d’Éric Chacour que j’avais raté, sorti au début de l’année (pendant que je déménageais, justement), et qui s’est retrouvé dans les listes des prix Femina et Renaudot, en plus de remporter tout récemment la Bourse de la découverte de la Fondation Prince Pierre de Monaco. Je comprends les louanges. Ce roman, bouleversant, se déroule entre Le Caire des années 1980 et le Montréal d’avant les attentats de 2001 aux États-Unis. Tarek, qui est médecin, choisira l’exil pour avoir aimé un homme, ce qui ne pardonne pas dans la société égyptienne ; la rumeur fera que son dispensaire sera attaqué. Pendant une bonne partie du livre, nous ne savons pas qui est le narrateur qui décrit la vie de Tarek, et je me garde bien de vous le dire, sinon je révélerais l’une des nombreuses surprises de ce roman où percent la tendresse et la réconciliation au travers des soubresauts politiques.

J’aime bien apprendre par détour, dans le récit d’un amour impossible, quelques bribes d’histoire.

Reçu à l’avance et lu aussitôt, le nouveau Pierre Bayard, Hitchcock s’est trompé – « Fenêtre sur cour » contre-enquête. Je vais vous en parler bientôt puisque j’aurai enfin la chance de rencontrer cet essayiste, d’une espèce rare, car le jeu fait partie de son art, et dont j’ai lu tous les livres. Non seulement je l’ai lu à l’avance en oubliant des urgences, mais je n’ai pas pu m’empêcher évidemment d’aller revoir le film d’Hitchcock pour augmenter le plaisir.

Et pendant que je suis plongée dans Une détresse contrôlée de Marilyse Hamelin et Les mascarades du Wisconsin de Thomas C. Spears, deux livres qui abordent les violences intergénérationnelles chacun à leur façon, il y a Qimmik, le nouveau roman de Michel Jean qui vient de sortir, l’essai Porter plainte de Léa Clermont-Dion, et prochainement Voix éclairs tonnerres de Myriam J. A. Chancy qui porte sur le séisme en Haïti et aussi Kanatuut, la chasseresse de Natasha Kanapé Fontaine. Je n’ai même pas eu le temps d’aller acheter le dernier Rabagliati, que je m’offre toujours en cadeau.

Quand je pense que très bientôt, il faudra revenir sur les 12 derniers mois pour dresser nos incontournables de l’année, ce moment préféré des amateurs de listes.

Et vous, où en êtes-vous dans votre bilan de lectures ? Quelles sont vos découvertes ? Car c’est loin d’être fini, il y a le Salon du livre de Montréal qui point à l’horizon, et je suis curieuse de savoir quelles sont les dédicaces que vous allez pourchasser.