De retour de mes vacances à la campagne, ce n’est ni Barbie ni Oppenheimer que j’avais envie de voir en premier au cinéma, mais Sound of Freedom. Pourquoi ? Parce que pendant mon absence, deux ou trois personnes m’ont écrit en m’accusant de boycotter ce film. Pourquoi moi ? Qu’est-ce que j’ai encore fait ? Et c’est quoi, cette production ?

En allant lire sur Sound of Freedom, réalisé par Alejandro Monteverde, ma curiosité a été piquée au vif. Aux États-Unis, on dit que c’est l’un des plus récents chapitres de la guerre culturelle entre les conservateurs et les progressistes. Très librement inspiré de la vie de Tim Ballard, un Américain controversé qui a fondé l’organisme Operation Underground Railroad dont la mission est de combattre le trafic sexuel d’enfants, Sound of Freedom est accusé par certains d’être un film de propagande des théories conspirationnistes de la mouvance QAnon.

IMAGE TIRÉE DU FILM

James Caviezel

Entre autres parce que l’acteur principal qui incarne Ballard, James Caviezel (le Jésus dans La Passion du Christ de Mel Gibson), soutient ces théories, dont l’une des plus délirantes affirme que les membres de « l’élite mondiale » (principalement démocrate) s’abreuveraient du sang des enfants par un réseau pédophile sataniste. Ce qui est en soi un scénario qui me parle, digne d’un film d’horreur.

Les tensions sont tellement vives chez nos voisins que les critiques qui ont démoli Sound of Freedom se sont fait traiter de pédos.

Sur les sites de cinéma, des hordes de fans donnent un maximum d’étoiles au film, tandis que Donald Trump en a fait l’éloge après avoir offert une projection privée à son club de golf.

Mais l’aventure de cette production est fascinante. Financée par des fonds indépendants en grande partie mexicains, sa sortie a été retardée lorsque Disney a racheté la 21 st Century Fox en 2019, avant d’être récupérée par Angel Studios, une entreprise établie en Utah, qui a même utilisé le sociofinancement pour le distribuer. Il n’en fallait pas plus pour faire croire que les « élites » font tout pour nous empêcher de voir Sound of Freedom, qui a pourtant pris l’affiche, même ici au Québec, grâce à Vincent Guzzo, qui y a vu un potentiel commercial. Il a fallu créer rapidement des sous-titres en français, bourrés de fautes comme si ç’avait été traduit par Google Translate, et d’ailleurs le titre francophone est un calque direct du titre anglophone : Son de liberté. Ce qui sonne bizarre, car pourquoi pas LE son de LA liberté ? M’enfin.

Mais nous avons là un film indépendant, hors du système hollywoodien, qui entre parfaitement dans la catégorie du cinéma d’exploitation, un genre ayant eu de beaux jours dans les années 1960-1970. Il y en a des bons, il y en a des mauvais, mais il faut une gimmick, et que le film coûte peu cher pour un maximum de profits. C’est le cas de Sound of Freedom, dont le budget est de 14,5 millions de dollars, et qui vient de franchir aux États-Unis le cap des 150 millions aux guichets. Au Québec, l’engouement est moindre, mais le film était tout de même huitième au box-office dans la semaine du 21 juillet.

Qui sait, peut-être qu’avec la grève des scénaristes et des acteurs à Hollywood verra-t-on le retour des films d’exploitation, comme dans le bon vieux temps. Je me demande aussi si derrière le succès surprise de Sound of Freedom aux États-Unis, il n’y aurait pas un ras-le-bol contre les Disney et Netflix devenus trop « wokes » pour certains.

Au cinéma avec mon chum, je me suis frayé un chemin parmi les filles habillées en rose pour Barbie et j’ai acheté deux billets pour Son de liberté. Nous n’étions que cinq dans la salle, nous incluant avec trois personnes âgées.

Honnêtement, ce n’est pas le navet que je craignais. Un peu long et laborieux, étonnamment pudique et émotif, avec très peu de scènes d’action, mais personnellement, je préférerai toujours un Sound of Freedom à un autre maudit film de superhéros en costumes.

Caviezel, toujours aussi beau, passe son temps à pleurer en gros plan, et on le comprend, vu la nature de son travail, même si le film enfonce des portes ouvertes. À part des écœurants et des psychopathes, qui est pour le trafic d’enfants ? Je me demandais ce que l’actrice Mira Sorvino faisait là-dedans, mais son rôle se résume à dire au revoir à son mari quand il part en mission. On voyage pas mal, il y a de très belles scènes tournées en Colombie, on a parfois l’impression d’une petite complicité à la Tintin et Capitaine Haddock en voyant Caviezel et son acolyte (Bill Camp), avec qui il monte une opération pour sauver des enfants enlevés par des individus sans scrupules. Mais j’ai été un peu déçue de ne rien apprendre sur la secte pédosatanique buveuse de sang, car le scénario veut rester crédible.

Par contre, j’ai été vraiment impressionnée par le message de la fin, quelque chose que je n’avais jamais vu au cinéma. Pendant le générique, il y a un décompte d’environ deux minutes qui nous prévient d’un message spécial, si bien qu’on reste jusqu’au bout. Puis apparaît James Caviezel, la gorge nouée, les larmes aux yeux, qui nous implore de soutenir ce film qui pourrait devenir, selon lui, « La case de l’oncle Tom pour l’esclavage du XXIsiècle », rien de moins. « Vous êtes les auteurs », dit-il. Puis un code QR que nous pouvons scanner avec nos appareils est proposé pour acheter des billets de cinéma à ceux qui n’en ont pas les moyens, dans l’esprit de « donner au suivant ».

ÇA, c’est de la gimmick, monsieur !

Franchement, des documentaristes devraient voler l’idée. Mais paraît-il que ça se traduit dans certains États par des salles vides dont les billets ont pourtant été vendus.

Peu importe, les producteurs doivent être contents, les propriétaires de salles, aussi.