« Il faut vraiment que tu t’accroches, je te jure, l’action décolle à partir du huitième épisode, et là, ça devient complètement hallucinant, tu ne regretteras jamais d’avoir enduré toutes les longueurs ! »

Ce plaidoyer de patience dans la consommation d’une télésérie au déploiement longuet, je l’ai entendu aussi souvent qu’Isabelle Boulay a eu mal à l’amour – et mal dans les yeux – depuis 1998.

J’ai moi-même imploré régulièrement votre tolérance dans les pages de notre amour, c’est-à-dire ce journal électronique. Oui, c’est ardu au début, mais persistez ! Votre attente sera récompensée à la 39minute de l’avant-dernier épisode sur un total de 12 !

Comme une Roxane Bruneau à son quatrième Tim de la journée, je fais maintenant les choses à ma manière. En fait, je reviens à la règle de base en télé, celle des trois épisodes.

Si après trois épisodes, l’intrigue est bof ! et que le sujet s’avère meh !, fuyez comme la petite Fugueuse, tirez la plogue, déguerpissez, ça ne s’améliorera jamais assez pour (re)capter votre attention.

La règle de trois demeure fiable pour jauger notre intérêt pour une télésérie. En général, les premiers épisodes ont été réécrits et polis plusieurs fois avant d’aboutir en ondes. Si ceux-ci sont mauvais, il y a de fortes chances que les suivants, moins travaillés, pataugent dans la même piètre qualité.

C’est cruel pour les créateurs qui poncent leurs scénarios depuis des années. Mais dans le contexte actuel d’offre télévisuelle hyper abondante, étalée sur une ribambelle de plateformes numériques, une série doit décoller fort et vite, à défaut de quoi elle tombera dans les limbes aux côtés de Martin, Vicky et Simon de Survivor Québec.

Bande-annonce de The Idol

Par exemple, après le premier épisode de The Idol, c’était évident que ça sentirait longtemps les œufs pourris et la clope de l’actrice-cheminée humaine Lily-Rose Depp. Après le troisième, le ratage était complet, surtout après cette scène dégueulasse où le gourou à queue de rat (The Weeknd) battait sa copine avec la brosse à cheveux en bois qu’utilisait sa mère décédée pour la torturer. Que dire, à part que c’est gênant de mettre en ondes de la télévision aussi ridicule et rétrograde en 2023 ?

Le pire, c’est que je refuse de débrancher The Idol. Masochiste, je resterai jusqu’à la fin, prévue dimanche à 21 h sur Crave et Super Écran, pour mieux haïr chacune des secondes de cette série épouvantablement misogyne. Oui, je suis rendu là dans la haine. C’est grave. Et malsain.

Mais jamais aussi tordu et déviant que ce qui se déroule dans la maison de la star de la pop Jocelyn (à prononcer Josse-Line), où vit une communauté de musiciens hippies, dont des mineurs, qui tripent sur les colliers à décharges électriques et la masturbation devant un microphone. Du grand n’importe quoi.

L’entourage de Jocelyn sait que le gourou à queue de rat est un fou furieux, mais personne n’intervient. Super. D’émission sur la toxicité de l’industrie musicale à Hollywood, The Idol a métastasé en plongée dans une secte à la Charles Manson, beau prétexte pour garnir les épisodes de scènes de sexe gratuit et de chansons ronflantes de The Weeknd.

À l’opposé du spectre, l’excellente série dystopique Silo de la plateforme Apple TV+ a aisément passé le test des trois épisodes. Après le premier, c’était clair comme « les lumières dans le ciel » que je me rendrais au dixième avec un enthousiasme frôlant celui d’Anick Dumontet à Roue de fortune.

J’ai adoré Silo et la finale, en ligne depuis vendredi, a ouvert de grandes portes pour la deuxième saison, qui s’annonce foisonnante.

Pour les retardataires qui n’ont pas visité les 144 étages du silo en question, l’alerte au divulgâcheur clignote ici sur un écran rétro de type VIC-20 en lettres vertes sur fond noir. C’est bon ? Parfait.

Bande-annonce de Silo

Enfin, un des 10 000 habitants du silo a vu l’extérieur du gigantesque cylindre et n’a pas été foudroyé en marchant quelques mètres sur la surface de la Terre toxique et post-apocalyptique. Contrairement à ses camarades qui ont posé le pied dehors avant elle, l’ex-shérif et mécanicienne Juliette Nichols (Rebecca Ferguson) portait une combinaison fabriquée avec « de bons matériaux », merci à sa maman de substitution Martha Walker (Harriet Walter). Et Juliette n’a pas été bernée par l’image truquée de prés verdoyants qui a été transmise dans la visière de son casque d’astronaute.

L’air extérieur est irrespirable, c’était vrai. Par contre, nous avons appris qu’il existe d’autres silos que celui gouverné par le flegmatique et despotique Bernard Holland (Tim Robbins), comme on a pu le voir dans la scène finale, qui a aussi montré une ville, sûrement abandonnée, à l’horizon.

C’est évident que Juliette cognera à la porte du silo voisin dans le prochain chapitre, car personne ne lui permettra de rentrer à la maison, cela enfreindrait toutes les règles du Pacte et provoquerait sûrement une rébellion.

Cette série de science-fiction, qui dépeint un monde souterrain ayant échappé à une catastrophe planétaire, a été une des belles surprises du printemps. C’est intelligent, captivant et remuant. Une autre règle de trois bien respectée.