C’est une année revêche et houleuse qui se pointe pour le gala des prix Gémeaux.

D’abord, la fête de la télévision québécoise perd son animatrice vedette, Véronique Cloutier, qui accroche son micro après quatre tours de piste consécutifs.

« Mon instinct me dit qu’après quatre bons galas, dont deux en restrictions sanitaires, il y a le risque du gala de trop, et ça va faire du bien d’avoir du sang neuf », m’explique Véronique Cloutier.

Aussi, Véro concocte toujours les Gémeaux avec son équipe de l’émission Zénith, qui manque de temps pour insérer cet autre contrat à l’horaire. À l’agenda professionnel de Véronique Cloutier, il y a également L’œil du cyclone, qui se tourne l’été, ainsi que l’émission quotidienne Véronique et les fantastiques à Rouge FM. « Depuis quelques années, mes rentrées d’automne sont excitantes, mais épuisantes », poursuit la blonde animatrice.

L’Académie canadienne du cinéma et de la télévision, qui chapeaute la distribution des Gémeaux, n’a pas encore dévoilé l’identité de la personne qui succédera à Véronique Cloutier, dite la Reine Mère, qui aura piloté un total de neuf galas des Gémeaux depuis 2008.

Ce sont de gros, mais jolis souliers à chausser. La rumeur veut qu’un couple agrippe les manettes de la 38cérémonie des Gémeaux, prévue le dimanche 17 septembre sur les ondes de Radio-Canada.

En coulisse, j’entends beaucoup de grogne à propos de l’attribution de ces statuettes dorées. Les principales récriminations ? Le soi-disant contrôle du vote par un noyau influent, la prévisibilité du palmarès final, le mépris des jurys pour la télé populaire – en opposition à la télé plus pointue et prestigieuse – ainsi que l’arrivée des catégories non genrées, qu’aucun membre n’a réclamées.

Après avoir consulté ses équipes, le producteur Guillaume Lespérance, d’A Média, n’a pas inscrit les émissions Bonsoir bonsoir ! et Discussions avec mes parents dans la prochaine course aux Gémeaux. « Discussions avec mes parents est toujours dans le top des émissions préférées du public, mais ne gagne jamais rien. C’est la comédie qui performe le mieux, mais qui n’est jamais nommée. Avec Bonsoir bonsoir !, on n’a jamais rien eu en quatre ans », constate Guillaume Lespérance.

N’oubliez pas que participer aux Gémeaux coûte très cher pour souvent servir de figurant dans la salle. Car non, l’Académie ne sélectionne pas elle-même les émissions les plus méritantes. Elle reçoit les candidatures et facture aux producteurs entre 260 $ et 1390 $ (le chiffre moyen tourne autour de 400 $) pour une seule inscription dans une seule catégorie.

Ainsi, un producteur comme Guillaume Lespérance, qui s’occupe aussi des Mecs et de Tout le monde en parle, peut débourser entre 25 000 $ et 35 000 $ pour entrer dans ce concours.

« Le montant est moins important cette année », enchaîne Guillaume Lespérance, sans préciser le prix exact de sa facture pour 2023. Il ajoute : « J’en ai gagné des Gémeaux et j’en suis très reconnaissant. Mais ça reste très aléatoire. J’ai gagné des Gémeaux que je n’aurais pas dû gagner et j’en ai perdu que j’aurais dû gagner. Je reste solidaire, parce que l’Académie a fait un vrai effort de réforme et qu’elle a éliminé plusieurs catégories. »

En effet, le nombre de prix remis fond de 143 à 92. « C’est primordial que les gens qui gagnent sentent que c’est important », indique la directrice générale de l’Académie au Québec, Mara Gourd-Mercado.

La productrice Fabienne Larouche, qui fabrique À cœur battant, STAT, Le bonheur et Doute raisonnable, a également réduit ses inscriptions dans la campagne aux Gémeaux de 2023. « On s’est inscrit là où on pense qu’il y a une logique de compétition. Qui va aller se frotter à Xavier Dolan, avec tout le temps, l’argent et le talent qu’il a eu ? Personne n’a de chance contre lui », constate Fabienne Larouche, qui a déjà déboursé 60 000 $ en droits d’inscription et de participation aux Gémeaux. Elle ne dépense plus de sommes aussi costaudes.

La minisérie La nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé, sortie en novembre sur le Club illico, fera partie de la compétition, confirme la productrice Nancy Grant. Le budget de Laurier Gaudreault n’a jamais été révélé publiquement, mais Xavier Dolan a probablement dirigé le plateau le plus dispendieux de toute l’histoire de la télé québécoise.

L’Académie reconnaît qu’il s’agit d’une année de transition pour les Gémeaux et que tout n’est pas parfait. « Il faut faire confiance au processus », plaide sa directrice générale, Mara Gourd-Mercado.

Luc Dionne, lui, ne veut plus rien savoir de la clique des Gémeaux. Le prolifique auteur, qui a remporté quatre prix pour l’écriture de District 31, ne fait même plus partie de l’Académie.

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE

Luc Dionne au gala des Gémeaux en septembre 2022

« J’ai essayé de changer des choses en m’impliquant dans des comités. J’ai frappé un mur. Je trouve inacceptable que les scénaristes et les réalisateurs ne soient pas présents au gala du soir. Sans auteur, il n’y a pas de séries de fiction. Le fait que l’Académie ne soit pas capable de reconnaître le travail des scénaristes, ça me dépasse. Dans le gala d’après-midi, on est traité comme du bétail », confie Luc Dionne en entrevue.

Celui qui a aussi signé Omertà et Blue Moon se montre très dur envers l’organisation des Gémeaux. « Pour moi, personnellement, c’est fini, le gala des prix Gémeaux. C’est dépassé. Il y a plus de trophées Gémeaux en circulation que de timbres Gold Star. Ça manque de sérieux », tranche Luc Dionne, qui préfère que les gens regardent ses émissions plutôt que de garnir ses tablettes de récompenses en or.

« Le vrai Gémeaux, c’est ça », philosophe-t-il.