Neuf mois avant Rosa Parks, en mars 1955, Claudette Colvin, âgée d’à peine 15 ans, a refusé de céder sa place à un passager blanc dans un autobus de Montgomery, en Alabama, ce qui lui a valu d’être arrêtée, puis emprisonnée. Mais contrairement aux autres victimes de la ségrégation américaine, la jeune fille a plaidé non coupable et a poursuivi la Ville.

Même si Claudette Colvin n’a jamais résisté à son arrestation, elle a été accusée d’avoir troublé l’ordre public, d’avoir frappé les agents qui l’ont arrêtée, en plus, bien sûr, d’avoir violé la loi en vigueur sur la ségrégation raciale dans les autobus – qui forçait les Noirs à céder leur place sur demande à un passager blanc (même les places à l’arrière qui leur étaient réservées).

Et malgré l’absence de preuves (notamment par rapport aux coups qu’elle aurait donnés aux policiers), elle a été reconnue coupable des trois chefs d’accusation.

Cette histoire, racontée par la Française Tania de Montaigne dans un petit livre publié en 2015, a d’abord été brillamment adaptée en bédé il y a quelques années – par Émilie Plateau –, puis au Théâtre du Rond-Point de Paris par Stéphane Foenkinos, qui est à l’origine de cette installation en réalité augmentée d’environ 40 minutes, coréalisée avec Pierre-Alain Giraud.

Les créateurs français, qui ont lancé Noire au Centre Pompidou de Paris le printemps dernier, nous plongent dans cette Amérique ségrégationniste grâce à la technologie de la réalité augmentée, qui nous permet de nous situer dans l’espace, tout en faisant apparaître autour de nous les décors et les personnages de cette histoire campée à Montgomery en 1955.

C’est ainsi que durant les premières minutes, on nous montre quelques exemples de cette ségrégation, que ce soit à l’épicerie – où les Noirs devaient soumettre leur liste à l’entrée – ou dans les débits de boissons – où les Noirs étaient interdits d’entrée –, sans oublier les fontaines d’eau, où il y avait toujours une fontaine réservée aux Blancs et une autre pour les Noirs.

Tout ça pour vous dire que l’histoire de Claudette Colvin – narrée par Tania de Montaigne – nous est racontée en même temps qu’on nous rappelle celle de Rosa Parks, avec le souci de répondre à la question que tout le monde se pose : pourquoi l’histoire de Colvin est-elle passée inaperçue, alors que celle de Rosa Parks, qui avait 42 ans lorsqu’elle a vécu le même épisode humiliant, est inscrite dans les livres d’histoire ?

Les créateurs de Noire prennent le temps de bien creuser cette question. Parmi les éléments de réponse les plus intéressants, on note le fait que Claudette Colvin avait la peau plus foncée que Rosa Parks (qui était métissée) et était, par conséquent, plus marginalisée, mais surtout que la cause de Rosa Parks a été portée par Martin Luther King, qui a lancé une campagne de boycottage contre l’entreprise d’autobus.

Claudette Colvin, devenue mère à l’âge de 16 ans, n’avait pas le profil ou le parcours « sans tache » qu’il fallait pour être le porte-étendard de la cause défendue par les militants des droits civiques de l’époque. C’est du moins ce qu’on lit entre les lignes.

Stéphane Foenkinos et Pierre-Alain Giraud ont communiqué avec Claudette Colvin, qui vit aujourd’hui au Texas – elle a 84 ans.

« Elle n’a pas voulu se confier à Tania pour l’écriture du livre, les adaptations bédé et théâtrale, ou pour cette installation, mais elle a corroboré tout ce qui a été dit, nous confirme Stéphane Foenkinos. Moi, je pense qu’elle mérite cette place dans la lumière. Elle a refait sa vie à New York, où elle a travaillé comme infirmière, et mené des luttes syndicales. On a aussi appris que Rosa Parks l’a beaucoup aidée quand elle était plus jeune. »

Voilà une expérience à la fois fascinante et nécessaire, durant laquelle le spectre de Claudette Colvin nous touche et nous habite des heures après l’avoir croisée.

Noire, la vie méconnue de Claudette Colvin, est présentée jusqu’au 26 avril au Centre PHI.

PHOTO PIERRE-OLIVIER MARINIER LESEIZE, FOURNIE PAR PHI

Au début de notre parcours, on se retrouve dans la chambre d’un des jeunes participants à un rave. Par la suite, on embarquera dans une voiture qui se dirigera vers une adresse clandestine.

Beats

Changement de ton, changement de style. Avec Beats, le créateur anglais Darren Emerson nous replonge dans les raves du début des années 1990. À l’époque où les gens se réunissaient par milliers dans des lieux tenus secrets jusqu’à la dernière minute.

Des lieux baptisés Acid House par les corps policiers, qui prenaient un malin plaisir à les dénicher afin de procéder à des arrestations.

On entre dans l’univers ludique d’In Pursuit of Repetitive Beats grâce à un casque de réalité virtuelle où notre espace de jeu est bien délimité. Notre quête se concrétisera en prenant place dans la voiture de trois jeunes qui se passent un joint et qui se rendent justement à un rave.

Avant de pénétrer dans l’entrepôt qui accueillera ces jeunes en transe, qui danseront toute la nuit sous l’effet du cannabis, de la MDMA ou du LSD, le visiteur en apprendra davantage sur le modus operandi de ces raves en Angleterre grâce à des témoignages, dont celui de DJ et d’organisateurs, qui s’expriment en s’animant sur les affiches placardées aux murs des rues que l’on parcourt.

Mention spéciale pour cette bande de fréquence radio géante qui apparaît au sol et qui bouge en fonction de nos pas, en s’arrêtant tantôt sur des entrevues avec divers acteurs-clés de ces années-là, tantôt sur de la musique house, techno ou dub, typique de ces soirées cathartiques.

On ressentira même le froid et le vent en sortant de la voiture de nos compagnons pour rejoindre le groupe qui se déhanche sur les basses crachées par d’immenses haut-parleurs.

Bref, une autre expérience fascinante, et dans ce cas extrêmement divertissante – d’environ 50 minutes –, qui exige du visiteur une certaine interaction et qui lui rappellera – ou lui fera découvrir, c’est selon – le monde des raves, jadis clandestin.

In Pursuit of Repetitive Beats est présenté jusqu’au 28 avril au Centre Phi.

Consultez le site du Centre PHI