Le centre Expression de Saint-Hyacinthe présente une importante rétrospective du travail de l’artiste montréalaise.

Si vous habitez Montréal, dans la circonscription de Papineau, vous avez peut-être déjà vu l’artiste Kim Waldron. Sur une pancarte, au moins. Puisqu’elle était candidate aux élections fédérales en 2015.

Si vous allez au centre d’art Expression, vous allez la voir. Partout.

Kim Waldron est une artiste qui se met en scène dans son travail. C’est le cœur de sa démarche : vivre l’expérience pour pouvoir en témoigner. Aller sur place en Chine, au Japon ou dans l’actualité politique pour mieux saisir les enjeux qui nous échappent parfois, quand on ne lit que les grands titres.

Il y a une histoire autour de tous mes projets. Et ça anime ma réflexion.

Kim Waldron

Ce qu’on voit dans son travail, et dans cette expo, est le résultat de toutes ces expériences, en photos.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Kim Waldron se met en scène dans son œuvre. Dans cette expo, les corpus de l’artiste sont un peu déconstruits. Les photos les plus anciennes sont en haut, les plus récentes, en bas.

Mais ça n’est que la pointe de l’iceberg, puisque les représentations d’autofiction de Kim Waldron sont le résultat d’une démarche très réfléchie et planifiée qui ne se dévoile pas à la simple contemplation.

« Kim Waldron est une artiste qui a travaillé de façon très sérieuse depuis une vingtaine d’années en questionnant les rôles, les fonctions », précise Louise Déry, l’une des commissaires de la rétrospective.

Dans cette expo, les corpus de Kim Waldron sont un peu déconstruits. Les photos les plus anciennes sont en haut, les plus récentes, en bas. Ce faisant, on laisse beaucoup d’espace entre les œuvres et ça laisse aussi de l’air au visiteur. On n’est pas du tout dans une ambiance anxiogène.

C’est plutôt l’inverse. Et ça change complètement la façon dont on accueille les images. L’artiste elle-même avouait lors de la visite de presse qu’elle était impressionnée par l’ampleur, voire l’amplitude, du résultat final.

Parmi les hasards qui font réfléchir, le fait que l’un des projets de Kim Waldron s’intéresse à la production de viande et que l’exposition est présentée dans un centre d’art qui se trouve au deuxième étage du marché public de la ville, là où des bouchers ont leurs étals. L’art nous ramène (très) souvent à des questionnements concrets.

Kim en Chine

Pour son projet Made in Québec, l’artiste est allée… en Chine, redonner du temps de travail à cette société, nous qui consommons une quantité folle d’objets faits là-bas. Comme les choses sont parfois compliquées dans ce pays, plutôt que de travailler dans les usines, elle y a fait un passage et s’est mise en scène dans ces lieux.

Pour la portion québécoise de son projet No Hero, elle a participé au ménage des berges et du fond d’un lac pour montrer que, lorsqu’il est question de lutte contre les changements climatiques, il n’y a pas de héros qui va débarquer pour nous sauver. Nous devons tous apporter notre contribution.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Trois tableaux montrant l’artiste enceinte réalisés par le peintre chinois Wang Wei, lors d’une résidence en Chine. Cette œuvre est une reproduction de l’autoportrait qui se retrouve sur sa pancarte électorale à l’occasion de l’élection fédérale de 2015, où elle s’est présentée dans Papineau comme candidate indépendante.

Si on voit l’artiste se mettre en scène, inévitablement, on la voit aussi elle, la vraie Kim, puisqu’elle est parfois enceinte dans ses projets, comme sur sa pancarte électorale – elle a finalement récolté 163 votes dans Papineau. Justin Trudeau a remporté l’élection.

Il y a un jeu entre la fiction et la réalité. Elle prend des rôles. Elle personnifie des métiers, des fonctions, des situations de travail.

Louise Déry, l’une des commissaires de l’exposition

La fiction est toutefois absente de cette œuvre hyper personnelle qui témoigne de son parcours médical alors qu’elle a pris des photos durant ses traitements contre le cancer. Le résultat fait écho à cette œuvre de l’artiste américaine Martha Wilson constituée de neuf images de poitrines de femmes.

Les commissaires ont pris cette décision de ne pas mettre d’indications sur les murs, mais de fournir les informations à l’entrée et dans un guide de visite.

N’est-ce pas compliquer la vie des visiteurs qui, déjà, se trouvent devant des œuvres conceptuelles ?

« On ne peut pas faire l’économie d’un petit effort », répond Louise Déry, qui rappelle qu’il n’y a pas d’art sans concept. « L’artiste, dit-elle, a toujours une intention. »

« Les artistes et leurs œuvres tendent la main aux gens, poursuit la commissaire. Ils expriment quelque chose. »

C’est très clair chez Kim Waldron, à qui on a envie de tendre la main, en retour.

Kim Waldron ltée : société civile, à Expression, centre d’exposition de Saint-Hyacinthe, jusqu’au 21 avril

Consultez la page de l’exposition

Qui est Kim Waldron ?

  • Elle a commencé sa pratique artistique professionnelle en 2003.
  • En 2013, elle a été bénéficiaire de la bourse Claudine et Stephen Bronfman en art contemporain et lauréate du prix Pierre-Ayot.
  • En 2015, elle a été candidate indépendante aux élections fédérales dans Papineau – dans le cadre d’un projet artistique.
  • Elle est professeure à l’École des arts visuels et médiatiques de l’UQAM.
  • Ses œuvres ont fait partie d’expositions à la Momenta-Biennale de l’image, au Musée des beaux-arts de Montréal, à la Galerie de l’UQAM et dans le cadre de la Biennale Orange, de Saint-Hyacinthe.