Fermé pendant deux ans pour être entièrement restauré, le Musée d'art de Joliette accueille jusqu'en janvier une exposition de la photographe Geneviève Cadieux, qui étrenne ce joyau muséal créé à l'origine par les clercs de Saint-Viateur en 1943. La Presse a visité l'exposition.

Annoncée comme une rétrospective de la période 1985-2012, l'exposition Voilà le meilleur portrait que, plus tard, j'ai réussi à faire de lui - Passages vers l'abstraction est à l'origine une commande de l'ex-directrice du MAJ, Gaëtane Verna, qui avait choisi le commissaire indépendant Vincent Bonin pour exprimer un certain regard sur la production de Geneviève Cadieux.

Extirper de 27 ans de pratique un échantillon éclairant l'éclectisme de la grande dame de la photographie montréalaise, avec évidemment la lentille au coeur de sa démarche, la chose n'était pas facile. D'autant que les espaces disponibles représentaient un défi.

Présentée dans une autre configuration en Nouvelle-Écosse au printemps, l'expo tire la première partie de son titre, Voilà le meilleur portrait que, plus tard, j'ai réussi à faire de lui, de la légende d'une image du Petit Prince, d'Antoine de Saint-Exupéry. Une image que le frère de Geneviève Cadieux avait modifiée, jeune, ayant effacé dans le livre tous les visages du Petit Prince.

Saint-Ex et Bellocq

Lors d'une expo antérieure à Berlin, Cadieux avait mis en parallèle une peinture de cette image étêtée avec une photo du photographe louisianais Ernest Joseph Bellocq (1873-1949), qui avait l'habitude de «griffer» tous les visages des femmes qu'il photographiait (souvent nues) afin, semble-t-il, de protéger leur identité.

Cette association d'images est présentée dans une vitrine en prélude de l'exposition, à l'entrée de la salle où Geneviève Cadieux a reconstitué l'installation Ravissement qu'elle avait présentée en 1985 lors de l'expo Aurora Borealis du Centre international de l'art contemporain de Montréal.

Il s'agit d'une installation en trois parties sur le thème de la représentation de la femme, le ravissement étant compris autant dans le sens de l'appropriation que dans celui d'un état d'âme joyeux. La première partie, présentée dans le noir, consiste en la projection d'une partie de l'image de deux femmes nues, debout et face à face, cette partie se superposant sur une autre image, plus grande.

La deuxième partie est un diptyque de deux photos de femmes (dont une est Anne-Marie Cadieux, très jeune) adoptant une même attitude de séduction, de relâchement et d'ouverture. Et pour le troisième élément, l'artiste a placé des caches noirs sur des parties de corps de femmes. Ravissement avait marqué Aurora Borealis et a été acquise par le Musée des beaux-arts de l'Ontario (AGO).

Pas de deux

Dans une deuxième salle, Vincent Bonin a placé l'installation vidéo Pas de deux, de 2012, une projection de 12 minutes, à deux canaux, où l'on voit Anne-Marie Cadieux et le neveu de l'artiste exécuter certains gestes, notamment de karaté, parfois au ralenti. Un travail esthétique, poétique et mystérieux, entre photo et vidéo, sur le mouvement du corps dans l'espace.

Dans la troisième salle ont été scénographiées huit oeuvres: trois diptyques, un triptyque, une sculpture, deux grandes photos et une oeuvre sonore. Appartenant au musée, la sculpture Souffle est constituée de trois boules de verre de Murano qui font penser à des globes oculaires. L'oeuvre se réfère au souffle nécessaire pour les créer, un souffle qui s'apparente à une parole artistique. Le verre réfléchissant évoque aussi une surface révélée par la photographie.

La poésie de Cavafy

Parmi les oeuvres de cette salle, retenons l'oeuvre sonore Abandon, qui découle d'un texte du poète égyptien Constantine Cavafy (1863-1933). Une lecture en français et en anglais, courte et forte, sur le corps et la mémoire du corps: ses blessures. L'installation audio est adéquatement placée à côté du diptyque Le corps du ciel qui comprend la célèbre ecchymose dialoguant avec des nuages menaçants.

On retrouve aussi dans la salle le diptyque À fleur de peau, de 1987, qui comprend une plaque de plomb dans laquelle l'artiste a gravé la phrase Voilà le meilleur portrait que, plus tard, j'ai réussi à faire de lui en braille. La plaque gris anthracite est accompagnée d'un miroir constitué de feuilles de métal argenté. Une création sur les perceptions, l'aveuglement et donc le toucher et la vue.

Enfin, rappelant L'origine du monde de Gustave Courbet, le diptyque photographique Loin de moi, près du lointain, avec ses poils pubiens et ce sexe masculin au repos, est un regard féminin sur l'intimité, qu'elle soit féminine ou masculine, et sur la vie évidemment. Une oeuvre sur le paysage du corps et qu'une prise de vue rapprochée rend abstraite et pas du tout obscène.

Voici une exposition bien pensée, variée, nourrissante, avec des points de vue et des réflexions dans tous les sens du mot. Un parti pris audacieux et fondé sur l'oeuvre de Geneviève Cadieux qui en appelle d'autres...

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Voilà le meilleur portrait que, plus tard, j'ai réussi à faire de lui - Passages vers l'abstraction, au Musée d'art de Joliette, jusqu'au 3 janvier 2016.

Les Impatients à Joliette

L'organisme Les Impatients s'est associé avec le service public de santé de Lanaudière pour créer des ateliers au Musée d'art de Joliette destinés aux personnes ayant des problèmes de santé mentale.

Les ateliers sont d'une durée de deux heures. Une dizaine de personnes y participent. Chaque semaine, un atelier est donné au Centre hospitalier régional de Lanaudière pour les personnes ayant des problèmes de déplacement et deux autres se tiennent au musée.

«Comme le but du projet est de briser l'isolement et de sortir les gens de leur milieu, le musée se voulait tout indiqué afin de plonger les participants dans un lieu de beauté inspirant et propice au rétablissement», explique Valérie Falardeau, psychiatre au CHRDL.

Les Impatients viennent en aide, depuis plus de 20 ans, à des personnes souffrant de problèmes de santé mentale par l'entremise de l'expression artistique.