Le Théâtre Outremont était bondé lundi soir pour la soirée hommage à la peintre et maître verrière Marcelle Ferron, dont on célèbre cette année le 100e anniversaire de naissance (1924-2001).

Pour donner le coup d’envoi à cette année-anniversaire, la regrettée peintre automatiste et signataire de Refus global en 1948 était notamment représentée par ses filles Diane et Babalou Hamelin, toutes deux très discrètes.

« C’est émouvant, je ne sais pas si je vais tenir toute la soirée, nous a confié Babalou peu de temps avant le début de la cérémonie. Ma mère était une femme formidable, j’ai adoré ma mère, elle était très présente », a simplement voulu dire Babalou, qui a fait carrière comme monteuse de films.

Sa sœur Diane avait elle aussi de bons mots à propos de sa maman. « On est vraiment fières d’elle. Des tableaux, des sculptures, elle nous en a offert plusieurs au cours de sa vie, elle était très généreuse. Généreuse de son temps et de sa personne. On était très près d’elle. »

Leur sœur Danielle Hamelin Lemeunier, qui habite en France, viendra au Québec au printemps.

Parmi les autres invités de marque, mentionnons la présence d’Armand Vaillancourt, qui fêtera bientôt ses 95 ans.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

L’artiste Armand Vaillancourt

C’était une femme exceptionnelle. Elle avait une conscience sociale très forte et en tant que femme, elle a vraiment assumé ce qu’elle était. Moi, je l’ai toujours aimée, c’était une grande artiste.

L’artiste Armand Vaillancourt

Françoise Sullivan, dont on a souligné récemment le centenaire, était également présente. « Marcelle était une femme chaleureuse. J’avais l’impression qu’elle était ma meilleure amie, nous a-t-elle dit. Elle est arrivée plus tard dans le groupe, mais elle s’est tout de suite intégrée. Elle était brillante et très engagée. »

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Sébastien Ricard et Mireille Deyglun ont animé la soirée hommage lundi soir.

Engagée. Féministe. Libre. Vive. Espiègle. Voilà quelques-uns des mots qui sont revenus souvent au cours de cette soirée organisée par Les amis de la Place Marcelle-Ferron, animée par les acteurs Mireille Deyglun et Sébastien Ricard.

Art subversif

L’hommage à Marcelle Ferron consistait pour l’essentiel dans la diffusion de très nombreux extraits d’entrevues télévisuelles qu’elle a accordées au fil des ans – pour la plupart des archives de Radio-Canada –, une façon de nous la rendre très présente.

PHOTO FOURNIE PAR LES AMIS DE LA PLACE MARCELLE-FERRON

Œuvre typique de Marcelle Ferron, avec ses larges coups de spatule

Dès les premiers extraits, on découvre une femme simple d’une extrême vivacité d’esprit, frondeuse et, surtout, heureuse.

On apprend entre autres qu’elle a commencé à peindre pour faire ce que sa mère, morte prématurément de la tuberculose, n’a pas réalisé pleinement. Elle n’avait que 7 ans lors de sa disparition…

De Paul-Émile Borduas, elle confiera qu’il a été son véritable « maître à penser ». Celui qui lui a révélé la beauté de l’art abstrait, auquel elle s’est consacrée. De Refus global qu’elle a signé à l’âge de 24 ans, que le texte « lui allait comme un gant ». Et encore, que ce texte l’a engagée « pour la vie ».

Du Québec du début des années 1950, Marcelle Ferron dira : « J’avais l’impression d’être en prison. » Frondeuse et libre, elle s’exilera ainsi en France en 1953, seule avec ses trois jeunes enfants. « C’était une question de vie ou de mort », dit-elle en parlant du régime de Duplessis et de l’époque désertique du Québec sur le plan artistique.

À son retour au Québec, en 1966, Marcelle Ferron expose un peu partout ses toiles et multiplie les œuvres sur verre-écran, attirée par la lumière et la transparence. Elle s’intéresse de plus en plus aux projets d’art public et au rôle social de l’artiste, cherchant à s’adresser à un plus vaste public.

PHOTO LOUIS-ÉTIENNE DORÉ, FOURNIE PAR LES AMIS DE LA PLACE MARCELLE-FERRON

Les verrières de la station Champ-de-Mars à Montréal

Son projet des verrières dans le métro Champ-de-Mars, inauguré en 1968, demeure l’une de ses œuvres publiques phares.

« Ce que j’apprécie le plus de cette femme, c’est sa liberté, nous souffle le coanimateur Sébastien Ricard. Son courage et son audace. Elle a dénoncé la mainmise du clergé et elle arrive avec son art public et ses verrières. C’est quand même subversif. »

Le mot de la fin lui revient ici. Dans une entrevue filmée à la fin des années 1980, Marcelle Ferron nous dit : « La consécration, c’est quoi ? Personnellement, j’attache peu d’importance à ça. Je n’ai jamais vécu pour faire carrière, j’ai vécu pour vivre, c’est autre chose. Et j’ai peint pour vivre. »