Cet automne, Anglesh Major est au petit écran dans STAT, Les révoltés et Aller simple : survivre. Il est même monté sur la scène du Centre Bell vendredi soir pour le 20e anniversaire des Disques 7ième Ciel. Notre journaliste raconte le parcours de l’acteur et beatmaker de 32 ans.

Le cégep Marie-Victorin

« Je n’aurais jamais fait ce métier-là si je n’étais pas venu ici. Jamais ! », insiste Anglesh Major en franchissant l’entrée du cégep Marie-Victorin, dans Montréal-Nord.

Au secondaire, l’art dramatique était pour ses camarades la classe vacances, mais pour lui, ç’a été un éveil. « Je faisais semblant de dire que c’était plate comme tout le monde, mais au fond, je trippais. »

Or, Anglesh Major était un garçon effacé sur les bancs de l’école secondaire Louis-Riel. « Le genre d’élève que tu ne remarques pas. »

Malgré son caractère introverti, le jeune homme a opté pour l’option théâtre du programme en Arts, lettres et communication du cégep Marie-Victorin. « Quand je suis arrivé ici, je ne connaissais personne. Je ne me sentais pas à ma place », confie-t-il.

Après un an, Anglesh a songé à tout abandonner, mais le professeur et responsable du programme Pierre Brodeur a tout fait pour l’en empêcher. Celui qui allait devenir son mentor lui a fait comprendre qu’il y avait d’autres formes de théâtre que celui avec un grand T. « Il m’a fait comprendre que le théâtre, c’est d’être humain, que c’est d’être soi. Je lui dois beaucoup. »

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Anglesh Major, assis avec notre journaliste dans un café du cégep Marie-Victorin, dont la journée portes ouvertes a lieu samedi.

Le nid familial

Quelques semaines avant notre entrevue, Anglesh Major avait donné une conférence au cégep Marie-Victorin. Il a touché les gens en racontant comment son père a réagi quand il lui a annoncé son désir de monter sur les planches.

« Mon fils, j’ai foiré. »

Anglesh a plutôt fait valoir à son père la chance et l’éventail de possibilités qu’il lui avait donnés en le faisant immigrer d’Haïti à l’âge de 3 ans : « Tu m’as offert le plus beau cadeau du monde et laisse-moi le déballer. »

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE

Anglesh Major avec le prix du comédien de l’année (dans la catégorie théâtre) qu’il a remporté au 6e gala Dynastie, soulignant l’excellence noire, en 2022.

Anglesh a grandi loin de sa mère qui est restée en Haïti. Après de multiples demandes de son fils, elle a finalement pu venir le rejoindre à Montréal l’été dernier. Résultat : du bonheur, mais aussi beaucoup d’adaptation à une nouvelle vie.

Se sentir à la maison, à la bonne place, peut prendre du temps et son fils en sait quelque chose.

Après le cégep, Anglesh Major a fait le saut à l’École de théâtre du cégep de Saint-Hyacinthe avant d’être retranché de la cohorte. Un échec qui n’a pas étanché sa soif de jouer, si bien qu’il a rejoint les rangs de l’École supérieure de théâtre de l’UQAM.

Anglesh Major se souvient d’une fois en particulier où il s’est senti embarrassé de faire une lecture de Michel Tremblay. Pendant sa formation, il a même eu du coaching pour camoufler son accent créole. Mais pourquoi avoir l’impression de devoir être quelqu’un d’autre ?

PHOTO FOURNIE PAR RADIO-CANADA

Anglesh Major dans Je voudrais qu’on m’efface, série adaptée du roman d’Anaïs Barbeau-Lavalette

En 2017, Anglesh Major s’est joint, à la demande de son ancienne enseignante Luce Pelletier, à la distribution de la pièce J’appelle mes frères (de Jonas Hassen Khemiri). C’était un premier grand rôle pour lui. Le deuxième est venu avec le personnage de Richardson dans la série Je voudrais qu’on m’efface, diffusée sur ICI Tou.tv.

Jouer un criminel d’origine haïtienne du quartier Saint-Michel qui vend de la drogue ? Anglesh Major voulait éviter ce personnage stéréotypé, mais une rencontre avec Eric Piccoli l’a fait changer d’avis. « Il y a tout dans ce rôle-là : un méchant, un gentil, un charmeur, un craintif », lui fait valoir le réalisateur.

Les critiques ont été unanimes. Et pour Anglesh Major, ce fut une révélation. « Être acteur, c’est jouer quelqu’un d’autre, mais avec une part de soi. »

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Anglesh Major sur le plateau de STAT, où il tient le rôle de l’urgentologue Marco.

Le CHUM

« Une grande partie du métier, c’est le contact avec la vraie vie », dit Anglesh Major, qui a travaillé au CHUM à l’entretien ménager pendant huit ans. Une expérience qui lui a momentanément donné envie de devenir neuropsychologue. « J’en ai vu des affaires, mais j’étais particulièrement touché par tout ce qui concerne la mémoire, raconte-t-il. La mémoire, c’est l’accumulation de ce que nous sommes. »

« Un hôpital, c’est froid de l’extérieur, mais c’est tellement humain à l’intérieur », poursuit celui qui tient le rôle d’un urgentologue dans la quotidienne STAT.

Un rôle pour lequel il est allé auditionner avec « naïveté » – mot qu’il emploiera à plusieurs reprises pendant notre entretien. Il a même fallu que son agente lui rappelle que STAT allait remplacer le phénomène télévisuel District 31 (dans laquelle il avait eu un petit rôle).

PHOTO FOURNIE PAR DUCEPPE

Anglesh Major sur scène au Théâtre Duceppe

Chez Duceppe

Avant STAT, une autre offre qu’il a acceptée avec « naïveté » est celle d’Alexandre Goyette pour reprendre l’unique rôle de la pièce acclamée King Dave, au Théâtre Duceppe.

C’est quand Anglesh Major a commencé les répétitions qu’il a compris que beaucoup d’acteurs auraient refusé de faire un monologue de 100 minutes.

Mais la pression ne venait pas seulement des pages et des pages de texte à apprendre par cœur. Les médias, dont La Presse, parlaient du « premier acteur noir à défendre un spectacle solo dans un grand théâtre montréalais ».

Des shows de théâtre pas bons, ce n’est pas grave. Mais là, si je chokais, les gens auraient dit : c’est pour ça.

Anglesh Major

À un moment donné, en répétition, Anglesh Major a « cassé » pendant un enchaînement. « Tu vas me dire ce qui se passe », lui a lancé son metteur en scène Christian Fortin. Anglesh s’est confessé : il avait peur de décevoir sa communauté. « Ce n’est pas un carburant, a rétorqué Fortin. Tu es le personnage d’une œuvre. Reste dedans. »

La critique a couvert d’éloges Anglesh Major. Ensuite, il a multiplié les rôles jusqu’à STAT, notamment dans Cérébrum, Une affaire criminelle et Larry.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Anglesh Major dans les coulisses du Centre Bell

Le Centre Bell

Vendredi soir, Anglesh Major s’est même produit au Centre Bell pour le 20e anniversaire des Disques 7ième Ciel, le label des Koriass et de FouKi, avec qui il a sorti le minialbum Ephemeres en 2021.

Comme bien des jeunes, Anglesh Major a d’abord voulu devenir rappeur. Au lieu d’acheter des beats, il a décidé de les produire. Plus tard, il s’est initié à la scène montréalaise à l’Ausgang Plaza dans le cadre des soirées Loop Sessions.

Un jour, il était en studio avec D4vid Lee quand Imposs a débarqué à l’improviste pour lui offrir une collaboration quelques heures plus tard. Imposs, ce monument du rap québécois et membre de Muzion ? Anglesh se pince encore.

Il se pince aussi de savoir que son idole Timbaland le suit sur Instagram et a même aimé quelques-unes de ses publications. « Je n’ai pas encore osé lui écrire, mais je veux être prêt s’il me dit : “Viens-t’en” »

« Je fais moins de musique en ce moment et ça me manque », confie Anglesh Major.

À l’inverse, Anglesh Major fait beaucoup de doublage. Le rêve que caresse l’adepte de l’art martial muay thaï ? Se faire confier un rôle très physique comme en a interprété son idole Denzel Washington.

C’est lancé dans l’univers.

Qui est Anglesh Major ?

  • Acteur et musicien de 32 ans en vedette dans plusieurs séries télé cet automne, dont STAT, Les révoltés et Aller simple : survivre.
  • Anglesh Major est de la distribution de la pièce M’appelle Mohamed Ali, qui sera présentée au Théâtre Diamant du 25 au 27 avril 2024.
  • Il a sorti en 2021 un microalbum intitulé Ephemere.