Faut-il protéger davantage les droits d'auteurs ou la vie privée des internautes? Le Parlement européen tente de trouver un équilibre, sur fond de polémique autour des moyens employés en France pour lutter contre le piratag

Les eurodéputés ont inclus mercredi dans une série de projets de loi visant à réformer le marché européen des télécoms le fait qu'aucune restriction aux droits et liberté des internautes ne puisse être imposée sans une décision judiciaire préalable.

«L'Europe interdit la riposte graduée» et «le gouvernement français doit revoir sa copie», a indiqué le socialiste français Guy Bono.

Il faisait allusion au projet du gouvernement français de s'attaquer au piratage sur la Toile via un projet dit de «riposte graduée», prévoyant l'envoi de messages d'avertissement aux internautes qui téléchargent des contenus illicites, voire la suspension de leur accès internet.

Cette punition jugée disproportionnée et la perspective de voir les fournisseurs d'accès à internet se transformer en «policiers du net" a provoqué beaucoup de critiques en France comme en Europe.

Les eurodéputés avaient déjà appelé en avril, dans un texte non-contraignant, à «éviter l'adoption de mesures (...) telles que l'interruption de l'accès à internet» des pirates.

Ils ont aussi écarté mercredi l'idée d'une «police» exercée par les fournisseurs d'accès.

Dans un amendement , ils ont stipulé que les règles européennes «n'exigent pas des fournisseurs qu'ils contrôlent les informations transmises par l'intermédiaire de leurs réseaux, ni qu'ils prennent des sanctions ou engagent des poursuites judiciaires à l'encontre de leurs clients en raison d'informations transmises».

«Il appartient aux autorités répressives compétentes de prendre des sanctions ou d'engager des poursuites judiciaires», ajoute l'amendement.

«Ce serait une mauvaise chose de demander aux fournisseurs d'accès à internet d'examiner les contenus et de faire d'eux des sortes de shérifs adjoints», a commenté Alexander Alvaro, l'eurodéputé libéral allemand qui a travaillé sur les questions liées aux données privées.

Mais les eurodéputés ont tenu à équilibrer le texte en reconnaissant que «les autorités réglementaires nationales devraient pouvoir obliger les fournisseurs à mettre (des) informations à disposition de leurs clients». Dont, entre autres, «des mises en garde concernant les infractions au droit d'auteur».

Les auteurs font valoir que la mesure ne vaut pas seulement pour les téléchargements pirates, mais aussi pour les annonces de disparition d'enfant ou la lutte contre la pédopornographie.

La question des droits d'auteurs a empoisonné les débats sur la réforme des télécoms, par laquelle Bruxelles espère améliorer la concurrence et les services offerts aux consommateurs et sur laquelle les eurodéputés votaient mercredi en première lecture.

«J'aurais souhaité qu'on n'ouvre pas le débat sur la propriété intellectuelle» qui est «collatéral» au paquet télécoms, a regretté l'eurodéputée socialiste Catherine Trautmann, un des rapporteurs de ce paquet.

Les réactions étaient très partagées mercredi.

Les Verts, par la voix de leur co-président Daniel Cohn-Bendit, «regrettent de pas être parvenus à éliminer toutes les ambigüités qui pourraient ouvrir la voix à une riposte graduée».

En revanche, l'association de producteurs de cinéma et de télévision Eurocinéma a demandé aux États membres, qui doivent aussi donner leur avis, de rejeter l'obligation d'une décision judiciaire avant toute restriction aux libertés.

Elle a aussi regretté que les régulateurs du marché des télécoms ne soient pas chargés de gérer la coopération entre les opérateurs et le secteur de la création.