Le Hezbollah transpose ses techniques de guerre sur Internet. Comme ses militants dispersés dans les montagnes du sud du Liban, les sites Web du groupe se déplacent après chaque attaque virtuelle. Jusqu'à passer par Montréal.

Le Hezbollah transpose ses techniques de guerre sur Internet. Comme ses militants dispersés dans les montagnes du sud du Liban, les sites Web du groupe se déplacent après chaque attaque virtuelle. Jusqu'à passer par Montréal.

La semaine dernière, la compagnie d'hébergement québécoise IWeb Technologies a reçu un courriel anonyme l'avisant que l'un de ses serveurs était utilisé pour héberger le site de la chaîne de télévision du Hezbollah, Al-Manar. En 24 heures, le site était fermé.

Mais ce n'était vraisemblablement que pour réapparaître ailleurs, sur un autre serveur d'une autre entreprise, dans un autre pays.

Rien d'étonnant là-dedans, dit José M. Fernandez, professeur adjoint de génie informatique à l'École polytechnique de Montréal. «On vit dans une passoire aujourd'hui en matière de sécurité des serveurs.»

Et IWeb ne fait pas plus mauvaise figure que les autres, ni au Canada ni sur la planète, croit M. Fernandez. Selon lui, il existe des millions de serveurs vulnérables dans le monde, à la merci de ceux qui désirent héberger clandestinement un site. Une simple malchance donc pour l'entreprise québécoise.

Le Hezbollah - considéré comme une organisation terroriste au Canada depuis 2002 - a ainsi l'embarras du choix pour héberger ses pages de propagande, de recrutement et de financement. Et tout cela à l'insu des propriétaires du serveur. Une fois le nid trouvé, il n'a qu'à informer ses sympathisants par courriel ou sur des blogues du nouvel emplacement du site.

Bien qu'il arrive souvent à IWeb de fermer des sites reliés à des activités criminelles, c'est la deuxième fois seulement que cette société est confrontée à un cas de présumées activités terroristes. «Nous avons eu une plainte il y a quelques mois voulant que le Hamas héberge sur l'un de nos serveurs un site qui recrutait des kamikazes», relate Sylvain Leclerc, directeur des ventes et du marketing chez IWeb Technologies.

Patrouilleurs patriotiques

Trouver un emplacement aux sites est peut-être un jeu d'enfant, mais des «patrouilleurs» veillent au grain pour les chasser de la Toile.

Aux États-Unis, des «contre-terroristes indépendants» se sont d'ailleurs regroupés sous le nom de Society for Internet Research dans le but de traquer les sites jihadistes. Ils les dénoncent ensuite auprès des entreprises d'hébergement, les avertissant qu'ils pourraient faire face à des sanctions de la part des autorités états-uniennes.

«Ce qu'on peut soupçonner, dit José M. Fernandez, c'est que derrière ces bons citoyens patriotiques, des efforts sont aussi menés en parallèle secrètement par des agents des services officiels» - israéliens et états-uniens dans ce cas-ci.

M. Fernandez explique que ce genre de guerre froide sur Internet n'est pas une première. La «première guerre de pirates informatiques» (First Hacker War) a été déclenchée par des internautes chinois et états-uniens en avril 2001, à la suite d'un accident entre un avion-espion de la marine américaine et un chasseur chinois.

Les pirates s'étaient alors mis à infiltrer et modifier des sites d'importantes compagnies de l'autre pays. Les autorités des deux États étaient également soupçonnées de faire secrètement la même chose, raconte ce professeur qui donne un cours sur la criminalité informatique à Polytechnique. Et l'expérience s'est par la suite répétée parallèlement à d'autres guerres «chaudes».

Simultanément à la guerre sur le terrain, Israéliens et militants du Hezbollah combattent virtuellement, avec un peu les mêmes techniques. «Le Hezbollah ne veut pas mettre ses sites sur des adresses connues et publiques, car il sait que les services secrets américains et israéliens sont à ses trousses», expose José M. Fernandez.

Il préfère donc les éparpiller un peu partout sur la Toile pour éviter que ses ennemis puissent frapper un grand coup.