Surtout connu pour ses jeux en ligne en Asie, le géant chinois NetEase n’est pas associé à un jeu vidéo narratif de grande envergure. C’est l’ambition de son nouveau studio Bad Brain annoncé ce mardi, dont les antennes de Montréal et de Toronto se consacreront à une franchise originale, un monde ouvert baignant dans l’horreur et l’aventure, inspiré des films cultes des années 1980.

Cette grande production, un « AAA » dans le jargon, se veut dans la lignée des œuvres au scénario fort à la God of War, The Last of Us et The Legend of Zelda. Une vidéo de lancement quelque peu irrévérencieuse diffusée sur YouTube donne un aperçu de l’esprit du nouveau studio Bad Brain. Un PDG misant sur les tendances payantes de l’heure – métavers, jetons non fongibles et monétisation agressive – voit le cerveau de ses collaborateurs exploser et se libérer.

« On voulait faire quelque chose qui sorte de l’ordinaire, pour s’amuser des tendances de l’industrie, s’amuser de nous-mêmes, précise Guillaume Apesteguy, directeur créatif chez Bad Brain Game Studios. Pour nous, c’est un vrai projet passion, on a eu la chance avec NetEase de rencontrer un partenaire qui nous permet d’être libres du point de vue créatif, sans avoir de pression immédiate. »

Créateurs libres recherchés

Avec ses quelque 31 000 employés et des revenus frôlant les 14 milliards US en 2022, NetEase est considéré comme le numéro deux du jeu vidéo en Chine derrière Tencent. Son catalogue de 24 jeux actifs, sur une centaine produits depuis sa fondation en 1997, comprend surtout des jeux mobiles et pour PC très populaires en Asie. Knives Out, Naraka : Bladepoint et Identity V sont les plus connus. Le géant chinois ne cache cependant pas son intention de tâter du marché plus prestigieux, mais plus risqué du jeu narratif à grand déploiement, ayant notamment acquis Quantic Dream, développeur des bijoux narratifs Detroit : Become Human et Beyond : Two Souls, en août 2022.

Mené par Sean Crooks, producteur chez Ubisoft Montréal, Toronto et Grande-Bretagne depuis 12 ans pour des jeux comme Watch Dogs et Just Dance, le groupe de vétérans recruté pour Bad Brain a été séduit par l’approche de NetEase, raconte M. Apesteguy. « Leur première question, ç’a été : "Quel jeu voulez-vous faire ?" Pour eux, c’est une opportunité de laisser des créateurs canadiens s’exprimer librement. Nous sommes convaincus que c’est la meilleure façon d’avoir des jeux de qualité, des équipes motivées qui œuvrent passionnément à ce qu’elles veulent créer. »

Entre Spielberg et King

Une vingtaine de personnes font partie de l’équipe de départ de Bad Brain, qui sera répartie en parts égales entre Montréal et Toronto sans spécialisation. La taille définitive de l’équipe et la date de lancement ne sont pas encore établies. « Il est encore relativement tôt dans le processus de création, répond le directeur créatif. Faire un jeu en monde ouvert, ça prend du temps. » Le fait d’être une propriété à 100 % de NetEase apporte « une certaine sécurité financière tout en […] donnant l’autonomie créative », se réjouit-il.

Le premier jeu de Bad Brain se veut « une rencontre entre Steven Spielberg et Stephen King », résume-t-il, dans le même esprit années 1980 que la série Stranger Things, avec sa musique et ses films cultes. « C’est quelque chose avec lequel on a tous grandi dans l’équipe. Si on veut toucher les joueurs, il faut que ça nous touche. »

Ce jeu ne sera pas de type « univers persistant », précise-t-il, celui qui fait saliver les studios avec sa promesse de revenus réguliers. « On est plus concentrés à livrer de la qualité que de la quantité. On aime mieux que le joueur vive une expérience mémorable plutôt que d’essayer absolument d’aller chercher plus de son temps. »

NetEase en bref

  • Siège social à Hangzhou, en Chine
  • 31 119 employés en date du 31 décembre 2022
  • Valeur boursière de 56,5 milliards US
  • Revenus nets de 13,99 milliards US en 2022, profits nets de 2,9 milliards US
  • A ouvert son premier studio à Montréal en 2019
  • Détient des parts minoritaires dans Behaviour Interactive (Montréal) et 100 % de la propriété de Quantic Dream (Montréal et Paris)