On a beaucoup vu dans le passé de ces entrepreneurs en série qui lancent des entreprises les unes après les autres sans chercher à les pousser plus loin et qui préfèrent tabler sur la soudaine plus-value que génère leur dernière innovation pour passer rapidement à la suivante. Un mode opératoire qui peut sembler lucratif à leurs yeux, mais qui ne s’inscrit pas dans une grande vision de pérennité financière.

Martin Ouellet est un entrepreneur techno qui a fait sa marque dans le monde de l’informatique et qui aurait préféré bâtir à long terme l’entreprise Taleo – un concepteur de logiciels de recrutement et de gestion de personnel – qu’il a fondée à Québec en 1996 et qui a été rachetée à fort prix – près de 2 milliards US – par le géant américain Oracle en 2012.

« Il n’y avait pas de sources de financement disponibles à l’époque, il a fallu aller du côté des fonds américains pour assurer notre croissance et, rapidement, on a perdu le contrôle de Taleo après son inscription au NASDAQ, en 2005 », rappelle Martin Ouellet.

S’il a encaissé un joli pactole lors de la vente de Taleo à Oracle en 2012, Martin Ouellet affirme qu’il aurait préféré que le contrôle de l’entreprise reste au Québec.

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Martin Ouellet, à la fois entrepreneur techno et bien-être

Aujourd’hui, il ne reste plus grand-chose de l’époque où Taleo employait 300 personnes à Québec, ils ont tout déplacé dans des pays à moindres coûts comme l’Inde.

Martin Ouellet

Martin Ouellet s’est repris en lançant en 2016 l’entreprise Voilà, qui est devenue aujourd’hui Evolia, une plateforme de gestion d’horaire et de recrutement de travailleurs sur horaire variable, qui emploie aujourd’hui une cinquantaine de spécialistes à Québec et à Montréal.

Evolia gère notamment les horaires de quelque 12 000 infirmières de plusieurs CISSS et CIUSSS au Québec, permettant ainsi de limiter le recours au très controversé TSO (« temps supplémentaire obligatoire »).

Mais entre Taleo et Evolia, Martin Ouellet a aussi cofondé en 2013, avec sa conjointe Amélie Beaumont, Yoga Fitness, « une entreprise de cœur », comme il l’a décrite, qui connaît un succès certain dans la région de la Vieille Capitale, avec aujourd’hui trois succursales à Sainte-Foy, à Lebourgneuf et à Lévis.

« Quand on a vendu à Oracle, j’avais des sous à investir et Amélie m’est arrivée avec ce projet de centre de yoga et d’entraînement. C’était une première de réunir les deux types d’activités dans un même lieu. Elle a pris en charge les opérations, je me suis occupé du modèle d’affaires », m’explique Martin Ouellet.

Plan d’affaires et exécution

Amélie Beaumont, qui a été durant 11 ans journaliste à Radio-Canada à Québec, à Toronto, à Montréal et à Sherbrooke, s’est passionnée pour le yoga à l’âge de 25 ans. Elle a suivi plusieurs formations de professeur et, en 2013, elle était prête à se lancer dans l’aventure.

« On a créé à Sainte-Foy un centre de yoga chaud qui se pratique dans un local chauffé à 40 degrés et avec 40 % d’humidité et on l’a couplé à un centre de fitness où les gens qui veulent s’entraîner peuvent le faire dans ces conditions particulières », m’explique la copropriétaire de Yoga Fitness.

Un succès immédiat ?

« Lorsqu’on a inauguré le centre, on a fait un gros évènement média avec des personnalités d’affaires de Québec, les joueurs du Rouge et Or, plus de 200 personnes étaient là. Le lendemain, pas un client et ç’a été comme ça toute la semaine », se rappelle Martin Ouellet en riant.

Dix ans plus tard, la situation s’est confortablement inversée alors que les trois centres de Yoga Fitness accueillent quelque 24 000 visiteurs par semaine qui viennent assister à l’un des 1000 cours de yoga ou séances de fitness qui sont donnés par une cinquantaine de professeurs et de coachs, sept jours sur sept, de 6 h à 22 h…

Si Martin Ouellet s’occupe à temps plein de sa nouvelle entreprise Evolia, il épaule tout de même sa conjointe Amélie Beaumont, directrice générale, pour tout ce qui touche la stratégie, l’expansion et les finances de Yoga Fitness.

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Amélie Beaumont, copropriétaire de Yoga Fitness

On forme une bonne équipe, on ne se marche pas sur les pieds. Je voulais réaliser mon projet et je m’y suis complètement investie. Aujourd’hui, on est profitable, on est en expansion et on vend du bien-être, c’est très gratifiant.

Amélie Beaumont

« Comme le dit Amélie, c’est une entreprise de cœur, je ne le fais pas pour l’argent. Je suis un entrepreneur créatif et je le fais pour le plaisir », souligne pour sa part Martin Ouellet.

Cela dit, l’entrepreneur techno souhaite toutefois poursuivre le développement d’Evolia tout en s’assurant que sa destinée reste bien ancrée sur le sol québécois et pour longtemps. « Heureusement, les capitaux sont maintenant beaucoup plus accessibles pour le développement d’entreprises technologiques au Québec, on va être là pour de bon », se réjouit-il.