Avec le projet de loi C-27, le Canada a une occasion en or de devenir un modèle international en matière d’encadrement de l’intelligence artificielle (IA). Mais la lenteur de son adoption fait en sorte que « la fenêtre pour agir se referme rapidement », dénoncent les 75 signataires d’une lettre ouverte publiée ce mercredi dans La Presse.

Le groupe est constitué de chercheurs en intelligence artificielle et d’universitaires comme Yoshua Bengio, Catherine Régis et Graham Taylor, de PDG d’entreprises technos comme Sam Ramadori (Brainbox) et Frantz Santellemy (LeddarTech), ainsi que de responsables d’organismes liés à l’IA comme Julien Billot, de Scale AI. Elle constitue une suite logique à l’appel lancé par quelque 20 000 experts le 29 mars dernier demandant un moratoire mondial de six mois sur le développement de l’IA. Cet appel interpellait par ailleurs les décideurs politiques pour établir une gouvernance de l’IA.

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« Il ne fait aucun doute que l’IA offre un grand potentiel de croissance économique et d’opportunités sociétales, notamment pour relever certains des défis les plus pressants de notre époque en matière de santé et d’environnement, précise-t-on d’emblée dans la lettre. Bien que ces développements soient impressionnants, il est important de reconnaître que les systèmes d’IA présentent des risques qui doivent être pris au sérieux et encadrés rapidement. »

Un long processus

Le projet de loi C-27, déposé en juin 2022 par le gouvernement Trudeau et qui fait l’objet d’un bras de fer avec l’opposition conservatrice qui en retarde l’adoption, est une mesure « excellente » en ce sens, estime en entrevue Yoshua Bengio, qui a contribué à la rédaction de la lettre ouverte. « On serait sûrement en avance sur d’autres pays. Il y a des choses qui pourraient être améliorées […], mais il y a urgence d’agir, parce qu’il y a des progrès assez rapides en IA. »

Le chercheur souhaite que le projet de loi C-27 et sa troisième partie appelée « Loi sur l’intelligence artificielle et les données », qui vise notamment à empêcher l’utilisation imprudente de cette technologie, soit adopté avant la fin de la session parlementaire, à la mi-juin. Un an après son dépôt, le projet de loi n’en est qu’à sa deuxième lecture.

M. Bengio rappelle qu’une large consultation sera ensuite menée avant d’établir le libellé précis de cette loi. « Il faut commencer tout de suite le processus, qui va prendre du temps. Ce que j’ai demandé au ministre, c’est qu’on accélère le pas. Le processus de consultation de deux ans, c’était le plan initial, avant que ChatGPT n’arrive. » Il suggère que certains aspects pourraient être encadrés par règlements, après l’adoption de la loi. « La technologie bouge vite, alors que c’est difficile de changer les lois. »

L’adoption d’un encadrement de l’IA aurait des avantages économiques, soulignent les signataires de la lettre. « Si le Canada devenait l’un des premiers pays à adopter sa législation, il enverrait un signal fort aux entreprises du monde entier : elles peuvent et doivent se tourner vers le Canada et les entreprises canadiennes si elles veulent développer ou acquérir des systèmes d’IA dignes de confiance et responsables qui respectent les droits humains et protègent le bien-être des utilisateurs. »