Une biobulle installée au complexe des sciences Pierre-Dansereau de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) amène la recherche sur l’activité des virus bactériophages qui se propagent dans l’air encore plus loin – un précédent au Québec.

Dans cette enceinte novatrice en vinyle de 16 m⁠3 créée par l’entreprise américaine Biobubble – d’où son nom – sont nébulisées des particules liquides, appelées aérosols, contenant des virus qui affectent des bactéries.

« Aérosols » : voilà bien un terme que la pandémie de COVID-19 a mis au premier plan. « La pandémie a souligné qu’il manquait énormément de connaissances sur les bioaérosols infectieux, sur leur transmission », indique en entrevue la chercheuse en microbiologie affiliée au projet Geneviève Marchand, de l’Institut Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail (IRSST).

« L’une des façons de mieux étudier les aérosols, c’est la métrologie », poursuit l’experte qui, avec ses collègues, analyse le comportement des virus.

Avancée en aérovirologie

Installée le printemps passé, la biobulle constitue une véritable percée en aérovirologie.

« Le terme même est une percée », blague l’expert en virologie et professeur au département des sciences biologiques de l’UQAM Benoit Barbeau, qui collabore avec Mme Marchand et Loïc Wingert, de l’IRSST, sur ce projet innovant de recherche fondamentale et appliquée.

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

Benoit Barbeau, professeur au département des sciences biologiques de l’UQAM, et Geneviève Marchand, chercheuse en microbiologie de l’Institut Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail.

Financé par le Conseil national de recherches du Canada, le projet est réalisé en partenariat avec l’entreprise privée ADSOL, qui a conçu les prototypes de systèmes d’éclairage testés dans la biobulle.

Fructueuses, leurs méthodes d’analyse pourraient permettre de comprendre le comportement des virus provenant de divers milieux. « La biobulle va nous permettre de mieux comprendre la transmission des virus infectieux et de mieux intervenir, explique Mme Marchand. Pendant la COVID, on disait : “ventilez, gardez-vous loin”, mais c’était comme lancer un 25 sous dans les airs. Si on est capable de bien documenter les méthodes mises au point, ça peut être une avancée intéressante. »

On analyse à quel point ces équipements peuvent inactiver les virus, les tuer. La biobulle nous permet de faire des tests qu’on n’aurait jamais pu faire auparavant.

Geneviève Marchand, chercheuse à l’Institut Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail (IRSST)

La biobulle constitue la seconde phase de leurs expérimentations, amorcées avec ADSOL en 2022 dans une chambre de 0,1 m⁠3, qui ont mené à des résultats concluants. L’enceinte de plus grande envergure a constitué un défi pour l’équipe de recherche, qui a réussi à générer des concentrations élevées de virus. « On en génère plus de 10 millions par mètre cube d’air, précise le professeur. C’est une bonne base pour calculer leur taux d’inactivation. Plutôt que dire que le prototype les inactive de 5 à 10 fois, on peut dire de 1000 à 10 000 fois. »

« Être capable de détecter des virus en quantité importante, c’est une chose, poursuit-il, mais pouvoir dire que ceux qu’on récolte sont 1000 fois moins infectieux, c’est plus important. Car ils ont beau circuler, s’ils ne sont pas capables d’infecter nos cellules, le tour est joué. Il faut donc s’assurer d’avoir la bonne technologie. »

Bref, la biobulle « ouvre beaucoup de portes », conclut Geneviève Marchand, en permettant entre autres de générer différents types ou diverses concentrations de virus, de tester comment ces derniers se dispersent dans une pièce selon la ventilation, l’éclairage ou encore l’humidité…

Cette technologie pourrait ainsi contribuer à réduire les risques de propagation. « C’est le genre d’expérimentations qui aurait permis d’être mieux préparé pour affronter la pandémie en comprenant comment la transmission [de virus infectieux] s’opère », conclut la chercheuse.