En ces temps difficiles pour plusieurs grandes entreprises médiatiques, Québecor cesse de payer son loyer à l’Assemblée nationale pour ses bureaux de la Tribune de la presse. L’entreprise réclame l’accès gratuit aux locaux pour les journalistes.

Le géant des médias et des télécommunications, qui détient notamment le réseau de télévision TVA, Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec, dit avoir pris la décision de « suspendre dès à présent » le paiement de son bail. C’est du moins ce qu’affirme le vice-président aux affaires institutionnelles de Québecor, Jad Barsoum, dans une lettre au secrétaire général de l’Assemblée nationale qu’a obtenue La Presse, datée du 7 août.

Les médias louent des bureaux dans l’édifice André-Laurendeau, derrière le parlement, pour leurs journalistes chargés de couvrir la politique. La Tribune de la presse compte 59 membres, provenant de tous les plus grands médias du Québec. Dix-neuf d’entre eux sont des employés de Québecor.

Plus de 100 000 $ par an

Québecor indique que son loyer s’élève à 8448 $ par mois, « dépassant ainsi le seuil des 100 000 $ par année, et ce, sans compter les taxes applicables ».

Selon Jad Barsoum, exiger de telles sommes « va à l’encontre des principes d’accès et nuit à la vie démocratique ». Sa lettre est adressée à Siegfried Peters, secrétaire général de l’Assemblée nationale.

Il dit avoir communiqué sans succès avec la direction pour l’informer des « enjeux vécus par les médias afin de revoir le paiement dû ».

Contactée par La Presse, l’Assemblée nationale a refusé de commenter la situation.

Graves difficultés

Pour se justifier, l’entreprise invoque la « précarité économique » dans laquelle se trouvent plusieurs grandes entreprises médiatiques comme elle.

« Au cours des derniers mois seulement, Québecor a dû procéder à la suppression de 240 postes. Bell Média a, quant à elle, aussi supprimé un millier de postes et six stations de radio. Postmedia a mis à pied 11 % de son personnel des salles de rédaction », souligne sa lettre.

L’entreprise mentionne « le contexte des revenus publicitaires » chamboulé par Meta (Facebook, Instagram) et Alphabet (Google, YouTube), qui contribue à ses difficultés.

« En 2020, les géants du web ont accaparé plus de 80 % des revenus publicitaires, indique le texte. Force est de constater que l’adoption du projet de loi C-18 n’a pas empêché ces derniers de maintenir la pression sur les médias traditionnels canadiens. Récemment, Meta a mis à exécution ses menaces en bloquant l’accès aux nouvelles depuis ses plateformes Facebook et Instagram aux Canadiens. »

Le 1er août, Meta a annoncé qu’elle mettait à exécution sa menace de cesser de diffuser le contenu des médias canadiens, après l’adoption à Ottawa de cette nouvelle loi sur les nouvelles. À partir de décembre, elle doit forcer les géants du web à négocier des ententes pour compenser la diffusion de leurs nouvelles.

La Tribune de la presse reste neutre

Contacté par téléphone, le président de la Tribune de la presse explique que l’organisme ne prend pas position pour l’instant.

« Ce sont les journalistes qui sont membres de la Tribune, et non les médias, dit Olivier Bossé. Pour cette raison, l’enjeu de la gestion des baux relève de l’administration des médias et la Tribune ne fait aucun commentaire pour l’instant. »

Contactées par La Presse, la direction du quotidien et celle de son concurrent Le Devoir ont refusé de s’exprimer sur la question.

« Nous avons été informés par Québecor de leur démarche et nous suivons la situation de près », a affirmé pour sa part Cogeco Nouvelles, propriétaire de stations de radio comme le 98.5 à Montréal.

Au quotidien Le Soleil, l’éditeur et directeur général Éric Trottier n’avait pas de position à faire valoir non plus. « Bien que, comme l’ensemble des médias, nous sommes aussi aux prises avec une certaine précarité économique, pour les raisons que l’on connaît bien, nous ne remettons pas notre loyer à l’Assemblée nationale en question. »