Le Bureau de la concurrence doit se pencher sur « l’abus de position dominante » de la plateforme Facebook, disent les représentants de grands médias canadiens. Ils réclament une enquête sur le blocage des nouvelles qu’a décrété Meta dans la foulée du projet de loi C-18 sur les nouvelles.

Selon Médias d’Info Canada, l’Association canadienne des radiodiffuseurs et Radio-Canada, les pratiques du géant californien « sont de toute évidence conçues pour mater les entreprises de presse canadiennes, les empêcher de participer et d’accéder au marché de la publicité, et réduire considérablement leur visibilité ».

De son côté, le Bureau de la concurrence dit « surveiller la situation de près » et confirme qu’il mène « un examen préliminaire de cette affaire », dans un courriel à La Presse.

Selon les plaignants, « le comportement anticoncurrentiel de Meta, qui a attiré l’attention des organismes de réglementation du monde entier, renforcera sa position déjà dominante dans la publicité et dans les médias sociaux et nuira au journalisme canadien », mentionne le communiqué des trois organisations.

Le projet de loi C-18 doit forcer Meta (Facebook, Instagram, Threads) et Alphabet (Google, YouTube) à négocier des ententes avec les médias pour compenser la diffusion de leur contenu.

Depuis des mois, les deux géants de la techno menacent de supprimer l’accès aux nouvelles canadiennes si Ottawa va de l’avant avec sa nouvelle loi. Adoptée en juin, elle doit entrer en vigueur en décembre, mais Meta a déjà mis sa menace à exécution, annonçait l’entreprise le 1er août.

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« S’abstenir de discriminer »

Les demandeurs de l’enquête souhaitent que le Bureau de la concurrence force Meta « à s’abstenir de discriminer ou de pénaliser, par algorithme ou autrement, le contenu des organismes d’information canadiens sur ses plateformes ».

Selon eux, Meta cherche à « dicter unilatéralement les règles du jeu ». Le blocage des contenus « diminuera indubitablement la visibilité » des nouvelles et nuira à leur capacité à toucher des revenus de publicité ou d’abonnement, ajoutent les organismes dans le cadre de leur sortie publique.

« Si l’on permet à Meta d’agir impunément, elle pourrait causer des dommages importants à la capacité des organismes d’information canadiens » à faire leur travail, qualifié d’« essentiel au fonctionnement d’une société libre et démocratique » dans le communiqué du 8 août.

Médias d’Info Canada représente la presse imprimée et numérique, dont La Presse. L’Association canadienne des radiodiffuseurs est le porte-parole national des radios et des télédiffuseurs privés.

En quête d’informations

« Le Bureau recueille des informations afin de déterminer si ces comportements pourraient relever de la Loi sur la concurrence, y compris les façons dont ces comportements spécifiques pourraient nuire à la concurrence, mentionne l’organisme fédéral dans un courriel à La Presse. Nous sommes ouverts à recevoir toutes informations sur les effets anticoncurrentiels que ce comportement pourrait avoir. »

Le chien de garde de la concurrence dit qu’il doit « effectuer un examen approfondi et complet des faits avant de conclure qu’il y a eu infraction ». S’il conclut que les agissements de Meta violent la loi, « le Bureau n’hésitera pas à prendre les mesures qui s’imposent », assure l’organisme.

Précédents internationaux

Dans leur plainte, les représentants des médias et Radio-Canada mentionnent d’autres interventions gouvernementales contre les agissements des géants du web dans le monde.

En 2020 notamment, l’Autorité française de la concurrence a ordonné à Alphabet (Google) de négocier avec les éditeurs de presse pour fixer une telle rémunération, rappellent-ils. Meta a ensuite accepté de payer également des droits pour la reproduction et la diffusion de leurs contenus dans l’Hexagone.

La plainte des représentants des médias canadiens mentionne aussi les efforts de l’Australie. « Après des menaces de blocage, Meta et d’autres géants du Web ont éventuellement choisi de négocier avec les entreprises de presse et une solution a été trouvée », précise le document envoyé au Bureau de la concurrence.

Le texte souligne aussi les efforts de la Californie, où sont installés Meta et Alphabet. L’État américain le plus peuplé souhaite imposer les bénéfices publicitaires que leurs plateformes tirent de la distribution d’articles.

« En réponse, Meta a menacé de bloquer tous les contenus de nouvelles sur ses plateformes en Californie », dénonce la plainte.

Lisez Facebook commence le blocage des nouvelles

Meta n’a pas réagi à la plainte des médias au Bureau de la concurrence. Dans une déclaration écrite, la porte-parole de Meta Canada, Rachel Curran, affirmait le 1er août qu’Ottawa est au fait des préoccupations du géant numérique et prétendait qu’il était « impossible » pour lui de se conformer à C-18.

Lisez la plainte de Médias d’Info Canada, l’Association canadienne des radiodiffuseurs et Radio-Canada au Bureau de la concurrence