Bell Média demande au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) d’éliminer des exigences réglementaires en matière de nouvelles locales et de contenu local pour ses stations Noovo et CTV.

Pour sa chaîne Noovo à Montréal, Bell souhaite ne plus devoir diffuser au moins 5 heures de programmes locaux chaque semaine. Pour ses stations Noovo, Bell ne veut plus avoir non plus l’obligation de diffuser au moins 4 heures et 15 minutes d’informations reflétant la réalité locale chaque semaine à Montréal et à Québec, ou 2 heures et 30 minutes à Trois-Rivières, à Sherbrooke et à Saguenay.

Dans sa demande datée du 14 juin, mais affichée vendredi sur le site du CRTC, Bell Média soutient que ses stations de télévision locales se sont toujours engagées à assurer la couverture de la politique municipale et provinciale, les évènements culturels locaux et les sports professionnels et amateurs locaux, et que si ses demandes sont approuvées, elle continuera à le faire.

La direction affirme que le fait de disposer de « la souplesse nécessaire » plutôt que de « règles imposées » permettra à l’organisation de fournir un meilleur service d’information aux communautés locales qu’elle dessert.

PHOTO SEAN KILPATRICK, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le 14 juin dernier, BCE – la société mère de Bell Média – a annoncé l’élimination de 1300 postes, l’équivalent de 3 % de son effectif, ainsi que la fermeture ou la vente de neuf stations de radio.

« Bell Média est un chef de file en matière d’information locale, mais pour maintenir les activités liées aux nouvelles à l’avenir, il est temps que le CRTC apporte maintenant des améliorations réglementaires raisonnables qui offriront plus de souplesse dans la façon dont les radiodiffuseurs diffusent les nouvelles locales autant dans les grands marchés que dans les plus petits », a expliqué une porte-parole de l’entreprise dans une déclaration par courriel, après avoir décliné notre demande d’entrevue.

Le geste inquiète la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ).

« Dans le contexte actuel de crise des médias, on remarque que plusieurs entreprises de presse essaient de limiter leur coûts », a indiqué vendredi son président, Michaël Nguyen.

Toutefois, si on ajoute la fin de l’information sur les plateformes de Meta, il est important de rappeler l’importance des nouvelles locales et régionales, qui permettent d’informer la population sur des enjeux qui la touchent directement.

Michaël Nguyen, président de la FPJQ

Bell Média soutient dans sa demande que les conditions qui lui sont imposées ont pour conséquence involontaire de forcer ses stations à faire des choix éditoriaux qui les empêchent de fournir aux téléspectateurs « les informations les plus pertinentes possibles à tout moment ».

« Les évènements qui se produisent en dehors d’un marché local, que ce soit au niveau national ou international, peuvent toujours être importants pour nos téléspectateurs sur ces marchés. Par exemple, des informations pertinentes provenant d’une communauté voisine pourraient être exclues d’un bulletin d’information afin de garantir que nous respections notre obligation de fournir un nombre déterminé d’heures d’informations reflétant la réalité locale », explique-t-on.

Comme TVA

Bell souligne que ses demandes sont semblables à celles formulées par Québecor Média pour TVA, qui font toujours l’objet d’un examen par le CRTC.

« La dure réalité est que la télévision locale n’est pas rentable depuis 2012 », affirme Bell Média dans sa demande.

Le document précise que 94 % des stations de télévision de Bell Média ont généré des pertes d’exploitation en 2020 et qu’en date de l’an passé, ses stations de télévision locales avaient déclaré une perte globale depuis 2012 de 583,7 millions.

Bell Média dit avoir perdu des « dizaines de millions » uniquement pour la production et la diffusion de nouvelles locales.

La direction précise que de 2016 à 2019, la perte d’exploitation annuelle moyenne des nouvelles s’élevait à 28,4 millions.

En 2020 et 2021, en raison de la baisse des recettes publicitaires attribuable à la pandémie de COVID-19, cette perte a grimpé à 51,2 millions, est-il indiqué. Et l’an passé, malgré la reprise des recettes publicitaires, la perte d’exploitation a atteint environ 40 millions.

Géants du web

Bell Média ajoute que les géants du web ont un « impact considérable » sur le marché de la publicité au pays, s’emparant d’une part « massive » des recettes publicitaires des entreprises canadiennes.

Il ne fait aucun doute que la diffusion d’informations locales est une entreprise très coûteuse, et cela a eu un impact négatif sur la santé de nos chaînes de télévision locales.

Extrait du document déposé par Bell Media auprès du CRTC

La demande de Bell Média à l’organisme de réglementation en matière de télécommunications est datée du 14 juin, la même journée où BCE – la société mère de Bell Média – a annoncé l’élimination de 1300 postes, l’équivalent de 3 % de son effectif, ainsi que la fermeture ou la vente de neuf stations de radio.

La direction de BCE avait précisé à la mi-juin que sa décision était une réponse à « des politiques publiques et des conditions réglementaires défavorables ». Les suppressions annoncées englobent une diminution de 6 % chez Bell Média, mais la chaîne Noovo serait épargnée.

Le grand patron de BCE, Mirko Bibic, avait notamment souligné qu’en matière d’information, les pertes d’exploitation chez Bell Média continuent d’augmenter chaque année.

Bell Média en bref

  • Propriétaire entre autres des chaînes de télé Noovo, RDS, TSN, CTV, Vrak, Canal D, Z et Canal Vie, des réseaux radiophoniques Énergie, Rouge et Virgin Radio, du service de télévision sur demande Crave et de 45 000 panneaux d’affichage extérieur d’Astral
  • Revenus pour l’année financière 2022 : 3,25 milliards (+ 7,25 %)
  • Profits pour l’année financière 2022 : 745 millions (+ 2,8 %)
  • 87 % des revenus et 86 % des profits viennent de la télé.