Un expert des questions d’habitation suggère de faciliter la rénovation majeure ou la démolition de logements existants si le but est d’augmenter l’offre, quitte à autoriser les évictions de locataires.

Le professeur émérite à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) Mario Polèse a présenté son mémoire portant sur le projet de loi 31 mardi à l’Assemblée nationale. Celui-ci modifie des dispositions en matière d’habitation.

Contrairement à bien des intervenants, l’universitaire voit d’un œil favorable le projet de loi qui maintient le système de contrôle des loyers en place sans introduire de nouveaux obstacles à la construction neuve. En outre, il s’est dit d’accord avec les resserrements proposés au dispositif de la cession de bail.

« Le maintien du droit de librement céder son bail à autrui n’est pas le bon moyen pour lutter contre des hausses abusives de loyer, écrit M. Polèse. Le maintien du système actuel risque de créer un marché secondaire de baux qui n’était pas l’objectif au départ. De plus, ça tombe sous le sens que le locateur ait un droit de regard sur l’arrivée d’un nouveau locataire. »

Le premier ministre François Legault avait ouvert la porte, la semaine dernière, à retirer du projet de loi les articles resserrant la cession de bail.

Éviction pour le bien de l’offre

Dans son mémoire, le professeur Polèse y va d’une proposition audacieuse : faciliter l’ajout d’offre de logements dans le cadre des pouvoirs dévolus au Tribunal administratif du logement (TAL).

« Pour des demandes introduites devant le TAL de rénovation majeure ou de démolition, nécessitant des évictions, que celui-ci tienne compte, avec préjugé favorable, de l’intention du propriétaire d’accroître, de façon significative, l’offre de logements locatifs, que ce soit par l’agrandissement ou le remplacement de l’immeuble existant ou toute autre transformation permettant l’ajout significatif d’unités. L’inclusion de logements sociaux (avec, on l’espère, financement public assuré) sera un facteur favorable additionnel à prendre en compte. »

En parallèle, le professeur mentionne qu'il serait souhaitable que les compensations versées aux locataires qui subissent l'éviction soient bonifiées à l'aide de fonds publics.

Le mémoire n’explique pas comment le TAL s’assurerait que le propriétaire donne réellement suite à son projet d’augmenter l’offre une fois la décision rendue.

Le professeur recommande d’appliquer la même logique pour toute amélioration majeure qui va dans le sens de la transition énergétique et de la lutte contre les changements climatiques.

Autre suggestion originale, Mairo Polèse soumet l'idée de renforcer l'indépendance du TAL qui assume un double mandat : le droit des locataires à des hausses de loyer raisonnables et au maintien des lieux et le mandat de voir à la conservation et à l'amélioration du parc locatif. L'exemple qui lui vient en tête est celui de l'indépendance de la Banque du Canada.

«Je serais favorable à laisser au TAL la pleine liberté d'établir les méthodes de fixation du loyer, à condition en parallèle de lui donner les appuis nécessaires en matière d'analyse économique, sociale et juridique », lit-on dans son mémoire. Il insiste aussi pour que les décisions du TAL soient bien comprises et transparentes par les parties, ce qui ne serait pas toujours le cas actuellement.

Désuète aux yeux des propriétaires, la grille de fixation des loyers n'a pas été modifiée pour la peine depuis son introduction en 1981. Une tentative de la moderniser au début des années 2000 est restée sans suite.