Les dirigeants de la Caisse de dépôt ne craignent pas les défis. Au moment où ils en ont plein les bras à lancer officiellement le Réseau express métropolitain (REM), ils veulent maintenant bâtir un parc de résidences universitaires de 1000 lits sur le flanc du mont Royal, là où l’acceptabilité sociale constitue un enjeu.

Le regroupement de résidences prendrait le nom de Cité universitaire de Montréal. Un site web est en fonction.

Le modèle est la Cité universitaire de Paris, dans le 14e arrondissement. Créée en 1925, elle compte aujourd’hui 40 « maisons », dont la Maison des étudiants canadiens, hébergeant au total 6000 étudiants. Certains des immeubles sont signés Le Corbusier.

PHOTO TIRÉE DE WIKIPÉDIA

La Cité universitaire de Paris

« Le concept sera toutefois différent » à Montréal, explique dans un entretien Élise Proulx, chef du développement économique Québec chez Ivanhoé Cambridge, filiale immobilière de la Caisse de dépôt. « À Paris, ce sont des maisons représentant chacune des pays. Ici, ce seront des résidences multiétablissements. On va y loger des étudiants québécois, canadiens et étrangers. » Les places seront accordées selon un mécanisme d’allocation proposé par Québec.

L’idée d’engager Ivanhoé Cambridge dans ce projet est venue au terme d’une rencontre avec les responsables de la Société québécoise des infrastructures (SQI), laquelle a la responsabilité des bâtiments de l’ancien hôpital Royal Victoria qui n’ont pas été remis à l’Université McGill. Mme Proulx était à la recherche de projets structurants susceptibles d’avoir un impact, comme la Cité universitaire.

La Caisse, le gouvernement et la SQI ont ainsi conclu une entente de principe pour mener une étude de faisabilité sur la conversion de six bâtiments du campus de l’ancien Royal Victoria en résidences étudiantes d’environ 1000 lits.

L’entente a fait l’objet d’un communiqué le jeudi 29 juin en début d’après-midi. La nouvelle passée presque inaperçue réjouit Stéphane Paquet, président de Montréal International, dont l’un des mandats est d’attirer des étudiants étrangers. « Tout ce qui renforce la position de Montréal comme ville universitaire est une bonne nouvelle, dit-il au téléphone. Même si Montréal score bien comme ville étudiante dans les palmarès, il faut continuer d’y investir, y compris dans des résidences. »

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L’ancien hôpital Royal Victoria

Le contenu de l’entente de principe reprend des dispositions de l’entente qui a ultimement conduit à la réalisation du REM de l’Ouest. Elle prévoit notamment que la Caisse pourra réaliser elle-même le projet et en devenir propriétaire, seule ou avec des partenaires, qu’elle touchera un rendement adéquat de son investissement et que le surrendement sera partagé entre elle et le gouvernement du Québec.

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L’ancien hôpital Royal Victoria

De son côté, le gouvernement québécois fait construire des résidences pour loger des étudiants sans en assumer seul la facture. La Cité peut aussi contribuer à asseoir le statut de Montréal comme ville universitaire internationale.

Quoique emballant sur bien des aspects, le projet poursuivi n’est pas sans péril puisque construire des logements est propice à la manifestation du syndrome « pas dans ma cour ». Mais Mme Proulx ne s’en fait pas outre mesure. L’Office de consultation publique de Montréal a publié un rapport en mai 2022 à la suite d’une consultation sur l’avenir du site, « donc une partie du travail sur l’acceptabilité sociale a déjà été faite », selon elle. « Les étudiants n’ont pas de voiture, donc ça n’augmentera pas la circulation automobile », ajoute-t-elle.

L’idée de considérer le site comme cité universitaire a d’ailleurs été tirée d’un mémoire présenté par trois experts devant l’OCPM.

Consultez le mémoire

Un rapport dans 18 mois

La Caisse et sa filiale immobilière Ivanhoé Cambridge se donnent de 12 à 18 mois pour produire leur analyse et ensuite faire rapport au gouvernement avec un plan de match et une estimation des coûts. Québec décidera ensuite d’aller de l’avant ou non avec la Caisse. Rendues à ce stade, les parties signeront une entente de développement.

L’entente actuelle précise la portée du mandat, soit la conversion de six bâtiments : le pavillon Hersey, le pavillon Ross Memorial, le pavillon des Femmes, la buanderie, le pavillon du Centenaire et la chaufferie. La Cité serait détenue par emphytéose. La protection patrimoniale accordée au site empêche l’ajout de bâtiments sur le site, signale Mme Proulx.

IMAGE TIRÉE DU SITE DE LA CITÉ UNIVERSITAIRE DE MONTRÉAL

Aperçu de la future Cité universitaire de Montréal

Le gouvernement pourrait devenir actionnaire de la Cité, mais avec des actions sans droit de vote. Il n’est pas exclu qu’il subventionne en partie sa construction.

Les coûts engagés lors de l’étude de faisabilité ne devront pas dépasser 10 millions. La Caisse assume cette facture, mais se fera rembourser si le projet n’est pas retenu par Québec.

Dans le cadre de son analyse, la Caisse a l’obligation de consulter les parties prenantes.

Un projet vieux d’au moins 20 ans

Le projet d’une cité universitaire à l’image de celle de Paris est dans l’air depuis au moins l’époque de Gérald Tremblay comme maire de Montréal.

Ville étudiante, Montréal compte 15 établissements universitaires et 350 000 étudiants, dont 50 000 internationaux.

Il manque des places en résidence depuis toujours. L’actuelle crise du logement a empiré la situation au point de nuire aux inscriptions.

Lisez « Sans toit pour la rentrée »

Une enquête de 2017 de l’Unité de travail pour l’implantation de logement étudiant (UTILE) donne la proportion de la population étudiante locataire qui est logée dans une résidence étudiante publique. La moyenne provinciale est à 12 %. Montréal est à 11 % et l’Université de Montréal est à 4 %.

Il manque à ce point de places en résidence que le marché privé y a vu une occasion d’affaires sans apporter de solution durable à la pénurie. D’anciens hôtels du centre-ville ont notamment été transformés en tours de résidences étudiantes, comme Evo sur le boulevard Robert-Bourassa, à l’entrée sud-ouest du centre-ville.