L’entrée en vigueur de nouvelles dispositions fiscales sur la revente précipitée de propriétés immobilières va décourager les adeptes de cette pratique controversée, estime un expert du domaine, surtout dans un contexte de ralentissement de l’activité immobilière et de baisse de prix.

Le gouvernement fédéral a modifié la loi, car il considère que les reventes précipitées (aussi appelées flips) contribuent à l’inflation dans le prix de l’immobilier.

Depuis le 1er janvier, il y a une présomption, quand la revente d’un immeuble survient à l’intérieur d’un an après son achat, de considérer le revenu net réalisé à la revente comme un revenu d’entreprise, d’expliquer le professeur de fiscalité de l’Université de Sherbrooke Tommy Gagné-Dubé.

« Auparavant, il fallait déterminer si, quand il y avait vente d’un immeuble, c’était un revenu d’entreprise ou un gain en capital, poursuit le fiscaliste. C’était une situation de fait. Un bulletin d’interprétation de l’Agence du revenu du Canada (ARC) identifie différents facteurs dont il faut tenir compte pour évaluer la situation, dont l’intention du contribuable, la période de détention et la profession du contribuable. »

La différence est considérable sur le rendement après impôt de l’opération immobilière. Le revenu net d’entreprise est imposable à 100 %, alors que le gain en capital est imposable à 50 % seulement.

De plus, le propriétaire de l’immeuble faisant l’objet d’une revente précipitée en moins de 12 mois ne peut plus profiter de l’exemption sur le gain en capital d’une résidence principale.

Il y a des exemptions prévues en cas de décès, séparation, perte d’emploi et violence conjugale, notamment.

Depuis 2016, un contribuable doit obligatoirement remplir le formulaire T2091 quand il vend sa résidence principale en y indiquant l’année d’acquisition.

Au premier coup d’œil, le professeur considère que les nouvelles dispositions ont du mérite sans ajouter au fardeau bureaucratique. « Ça vient faciliter la tâche de l’ARC », dit-il, puisqu’il n’y aura plus de débat à faire quand la revente survient à l’intérieur de 12 mois, sauf exception.

Les adeptes des flips n’ont qu’à attendre 12 mois et un jour pour ne pas être couverts par la nouvelle disposition, ont critiqué certains au moment de l’adoption du projet de loi.

« L’effet de la mesure paraît en effet assez limité puisque le gouvernement prévoit seulement des revenus de l’ordre de 15 millions à terme », reconnaît le professeur Gagné-Dubé. « Il faudra voir si ce n’est pas le premier pas vers une période de présomption plus longue », ajoute l’universitaire.

Les maisons mal entretenues vont se vendre difficilement

Le cas échéant, ce serait une erreur, d’après le spécialiste du marketing immobilier Gilles Ouellet, à qui nous avons demandé de commenter la mesure.

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Gilles Ouellet, spécialiste du marketing immobilier

Selon lui, la disposition fiscale qui vient d’entrer en vigueur va décourager les flips. Or, ceux-ci ont leur utilité en rendant le marché plus liquide, soutient-il. Ses adeptes, explique-t-il, achètent un logement mal entretenu dont personne ne veut, le rénovent et le revendent à profit.

Les maisons en manque d’amour, détenues depuis des années par des propriétaires aujourd’hui âgés, vont se vendre plus difficilement dorénavant et à un prix beaucoup plus bas, prédit-il. La revente précipitée avec profit est déjà devenue plus difficile, selon lui, avec le ralentissement de l’activité immobilière découlant de la remontée des taux hypothécaires.

« À terme, ça va avoir un impact négatif sur l’état du parc immobilier. C’est évident », soutient M. Ouellet.