Quitter un emploi bien rémunéré qui ne nous rend pas heureux pour pouvoir faire ce qui nous passionne dans la vie même si ça rapporte peu : voilà le fantasme de bien des gens ! Francis* est décidé à aller de l’avant, mais d’abord, il souhaite atteindre l’indépendance financière.

La situation

Francis, 38 ans, est arrivé au Québec en 2017 et il gagne très bien sa vie comme ingénieur. Cependant, il souhaite quitter son emploi prochainement pour accepter un travail qui le passionne vraiment, mais qui rapporte peu. Il cherche maintenant des solutions pour pouvoir se concentrer sur son nouvel emploi sans s’inquiéter de ses finances. Il s’intéresse à la méthode FIRE (Financial Independence, Retire Early), qui vise à réduire radicalement ses dépenses pour épargner énormément d’argent, l’investir, puis prendre une retraite anticipée et vivre de ses rendements. Sans compter sa propriété, il souhaite avoir 1 million d’investissements, puis réaliser un rendement moyen de 4 % et vivre avec environ 40 000 $ par année. Il espère y arriver en 2031, à 45 ans. Francis se demande d’abord si son projet est réaliste.

De plus, il se demande s’il devrait rembourser son hypothèque pour se débarrasser de sa dette et du risque des fluctuations des taux. « Mais cela ferait que mon revenu passif serait totalement dépendant des marchés financiers, constate-t-il. Mon autre option serait d’investir dans l’immobilier pour diversifier mes revenus passifs avec du locatif, par exemple en achetant un chalet. Mais cela augmenterait significativement ma dette et m’exposerait encore plus à la fluctuation des taux, en plus d’avoir à gérer la location. Qu’en pensez-vous ? »

Le portrait financier

  • Salaire brut : 220 000 $
  • Régime enregistré d’épargne-retraite : 75 000 $ (une partie provient de son employeur)
  • Compte d’épargne libre d’impôt (CELI) : 48 300 $ (maximisé)
  • Épargne non enregistrée : 127 000 $ et 38 000 euros
  • Condominium : 499 000 $ (prix d’achat en 2021)
  • Prêt hypothécaire : 366 000 $ (taux fixe de 1,79 % jusqu’en 2026)
  • Droits de cotisation REER non utilisés : 50 700 $
  • Coût de vie annuel : 60 000 $
  • Épargne personnelle annuelle : 70 000 $

Les conseils

Tout d’abord, Hadi Ajab, planificateur financier indépendant et représentant en épargne collective rattaché à Services en placements PEAK, souhaite féliciter Francis. « C’est certain que son salaire est élevé, environ 130 000 $ net, mais on voit qu’il a le contrôle sur ses dépenses et une excellente discipline, ce qui lui permet d’épargner une somme substantielle chaque année, affirme-t-il. Francis est un bon candidat pour FIRE. »

Hadi Ajab constate d’ailleurs que de plus en plus de gens s’intéressent à ce mouvement. « Alors que traditionnellement, on vise un taux d’épargne qui tourne autour de 10 ou 20 % des revenus bruts de la personne, avec FIRE, on vise entre 50 et 70 %, explique-t-il. Pour y arriver, on fait le contraire de ce que fait la majorité des gens : on priorise l’épargne et on dépense ensuite. »

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Hadi Ajab, planificateur financier indépendant et représentant en épargne collective rattaché à Services en placements PEAK.

Choisir ses placements stratégiquement

Avant de voir si Francis pourra quitter son travail sans crainte dans sept ans, Hadi Ajab suggère d’abord quelques ajustements. En regardant la liste des placements de Francis, il a réalisé que celui-ci devait mieux tenir compte de la fiscalité. Parce que dans ses 127 000 $ de placements non enregistrés, plus de 100 000 $ donnent des intérêts, comme les certificats de placement garantis, les obligations d’épargne du gouvernement et certains types de fonds.

« Or, les intérêts sont imposables à 100 %, souligne le planificateur financier. Il pourrait récupérer plusieurs milliers de dollars en allant vers des placements qui donnent du gain en capital ou des dividendes qui sont moins imposables. S’il tient à ses placements qui donnent des intérêts, il devrait les avoir dans son REER ou son CELI, puisque les sommes croissent à l’abri de l’impôt. »

Hadi Ajab voit un autre problème dans le CELI qui contient des actions américaines.

Le Canada a une convention fiscale avec les États-Unis qui prélève 15 % d’impôt sur les dividendes de source américaine, et ce, même s’ils sont dans un CELI. Ça le pénalise. Il aurait vraiment avantage à revoir son choix de placements.

Hadi Ajab, planificateur financier

C’est d’autant plus important que Francis a un rendement négatif dans son CELI. « Il est arrivé au Canada en 2017, alors ses droits de cotisation sont de 48 500 $ et il a maximisé son CELI, remarque Hadi Ajab. Or, il a 48 300 $ dans ce compte en ce moment. Il doit choisir des placements qui lui permettront d’avoir un rendement positif moyen, en respectant ses objectifs. »

Maximiser son REER

Le planificateur financier voit aussi que Francis a 50 700 $ de droits de cotisation REER non utilisés. « Je l’invite à les utiliser dès maintenant en pigeant dans son épargne non enregistrée, dit-il. Cela lui permettra de diminuer grandement son revenu imposable, donc il aura un remboursement d’impôt d’environ 26 000 $ en 2025 qu’il pourra aussi investir dans son CELI et dans son épargne non enregistrée en tenant compte de la fiscalité. »

Actuellement, Francis a environ 305 000 $ d’investissement. Avec ces stratégies proposées par Hadi Ajab, il aura environ 434 000 $ l’an prochain. « C’est non négligeable et c’est important de faire ce ménage pour partir sur de bonnes bases », affirme-t-il.

Réaliste ou pas ?

Regardons maintenant si l’objectif d’investissement pour 2031 est réaliste. D’abord, en raison de l’inflation d’environ 2,5 % par année, 1 million aujourd’hui correspondra à 1 190 000 $ en 2031. Hadi Ajab lui suggère donc d’ajouter 190 000 à son objectif.

« Dans sa situation actuelle, en tenant compte de ce que l’employeur investit dans son REER, j’ai calculé qu’il peut épargner environ 86 000 $ par année en réinvestissant aussi ses remboursements d’impôt, indique Hadi Ajab. Il arrive donc pile-poil à 1 190 000 $ pour 2031 avec un rendement de 5 %. »

Or, s’il a un rendement de 4 %, il faudrait que Francis puisse épargner 95 000 $ de plus pendant ces sept ans, donc réduire ses dépenses de 9000 $ par année. « Je lui conseille d’essayer de suivre les deux stratégies en même temps : viser un rendement moyen de 5 % et réduire ses dépenses pour être certain d’atteindre son objectif », indique Hadi Ajab.

Prêt hypothécaire ou pas ?

Quant au remboursement de son prêt hypothécaire, rien ne presse en ce moment avec un taux de 1,79 %, aux yeux du planificateur financier. Mais au moment de le renouveler en 2026, il lui conseille de comparer le taux du prêt hypothécaire offert avec ce qu’il obtient comme taux de rendement net moyen pour ses placements.

« Ainsi, si Francis a un taux de rendement de 5 %, mais que la moitié part avec les impôts, il lui resterait donc 2,5 % de rendement, indique Hadi Ajab. Si son taux hypothécaire est de 5 % d’intérêt, il serait alors peut-être judicieux de sortir une partie de son épargne non enregistrée pour réduire son prêt hypothécaire et, ensuite, le rembourser le plus rapidement possible. »

Par contre, sortir de ses placements pour rembourser sa dette plus rapidement aura un effet sur l’atteinte de son objectif de 1 190 000 $.

Il devra peut-être attendre quelques années de plus pour atteindre cette somme, mais il n’aura plus de dettes. À lui de voir quel objectif il souhaite réaliser en premier : FIRE ou se libérer de ses dettes ?

Hadi Ajab, planificateur financier

Pour ce qui est d’investir davantage en immobilier pour faire de la location, le planificateur financier conseille de prendre cette question complètement à part. « Francis devra se demander s’il a vraiment envie de se lancer dans cette aventure, dit-il. Pour voir si ce sera rentable, il devra regarder le prix d’achat de la propriété, sa mise de fonds, ses dépenses mensuelles liées à cette propriété, ses revenus de location une fois qu’il aura payé l’impôt, ses dépenses qu’il pourra déduire comme les intérêts hypothécaires, etc. »

Il devra aussi considérer que ce ne sera pas sa résidence principale, donc lorsqu’il décidera de la vendre, une partie du gain en capital sera imposable. Enfin, il faudra évaluer l’impact de cet achat sur sa capacité d’épargne.

« C’est certain qu’acheter une nouvelle propriété est un actif intéressant, mais cela fera en sorte que Francis sera plus endetté, qu’il aura moins d’épargne et plus de dépenses, énumère Hadi Ajab. Cela pourrait donc faire en sorte qu’il devra attendre un peu plus avant d’atteindre son objectif FIRE. Mais, il n’y a pas une bonne ou une mauvaise décision. Cela dépend de ce qu’il veut vivre. »

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, le prénom utilisé est fictif.

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