Pierre* et Ginette*, 70 ans, songent à prendre leur retraite, mais n’ont aucun REER. Leur plan tient-il quand même la route ?

La situation

Alors que Pierre* travaille toujours à temps plein et reçoit un salaire annuel de 85 000 $, Ginette* garde des animaux, ce qui lui procure 6000 $ par année. Le couple a aussi commencé à retirer ses rentes des deux gouvernements.

Leurs deux enfants dans la mi-quarantaine ont quitté le nid familial depuis belle lurette, sont financièrement indépendants et n’ont pas eu d’enfants.

« Mon épouse et moi sommes à un tournant important de notre vie », nous écrit Pierre, qui envisage de réduire ses heures de travail pendant deux à trois ans avant d’embrasser une retraite complète.

Jusqu’à présent, le couple n’a jamais eu de plan, raconte au téléphone son fils, qui a convaincu son père de nous demander de l’aide.

Pierre a été tout d’abord entrepreneur, puis a travaillé quelques années dans la construction pour ensuite être embauché au gouvernement tandis que Ginette s’est concentrée sur la gestion du foyer et les enfants.

« Mon père est tanné, mais n’a pas le choix de continuer à travailler, explique le fils. Il est cependant très en forme. Il gagne encore des Ironman dans des catégories plus jeunes que son âge.

« Ma mère, par contre, a des problèmes de santé. Elle ne s’intéresse pas du tout à ses finances. Pour elle, c’est tabou et elle dit qu’il arrivera ce qui arrivera », raconte le fils qui s’inquiète pour ses parents.

Les septuagénaires habitent actuellement dans un bungalow évalué à 750 000 $, avec une hypothèque restante de 250 000 $.

Le couple loue une des pièces de la maison avec salle de bain depuis 2011, l’année de l’achat de la propriété, ce qui lui rapporte 500 $ par mois.

« Nous envisageons de vendre notre maison pour investir le produit de la vente et devenir locataires d’un logement moins onéreux. L’idée est de subvenir à nos besoins à travers les revenus générés par ces investissements », explique Pierre, qui, avant de prendre cette décision, souhaite avoir l’opinion d’un spécialiste.

La stratégie est-elle viable ? Combien leur rapportera-t-elle pour vivre ?

« Sans fonds de retraite préétabli, il est crucial pour nous d’ajuster notre train de vie en fonction de nos ressources financières futures », explique Pierre.

Le couple continue de mettre ses économies dans ses comptes d’épargne libre d’impôt (CELI) à raison de 10 000 $ chaque année. Mais il a dû vider récemment les comptes pour payer de nouvelles fenêtres.

« Quelles seraient vos recommandations pour la gestion de notre portefeuille et le décaissement de nos actifs ? », demande le septuagénaire.

Les chiffres

Pierre*, 70 ans

  • Salaire : 85 000 $
  • SV : 713 $/mois
  • RRQ : 1026 $/mois
  • Pension ancien employeur : 855 $/mois
  • REER : aucun
  • CELI : 5000 $
  • Placements non enregistrés : aucun
  • Maison valeur : 750 000 $
  • Hypothèque : 250 000 $
  • Revenus de location : 500 $/mois

Ginette*, 70 ans

  • SV : 713 $/mois
  • RRQ : 175 $/mois
  • Pension ancien employeur : aucune
  • REER : aucun
  • CELI : 5000 $
  • Placements non enregistrés : aucun

L’analyse

Sylvain B. Tremblay, planificateur financier, vice-président gestion privée chez Optimum gestion de placements, a fait l’analyse du dossier.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Sylvain B. Tremblay, planificateur financier, vice-président gestion privée chez Optimum gestion de placements

Dans un premier temps, il a simulé le fait que les deux septuagénaires cessaient complètement de travailler dès cette année.

« J’ai fait un scénario de décaissement à partir de 2024, explique le planificateur. Les deux touchent la pension de la Sécurité de la vieillesse (SV), la rente de retraite du Régime de rentes du Québec et monsieur a la pension de son ancien employeur.

« C’est un revenu de base conjoint de 41 784 $, calcule Sylvain B. Tremblay. C’est aussi un revenu fractionnable, ce qui fait que la facture d’impôt totale pour le couple est d’environ 3000 $. »

La vente de la maison

Dans un deuxième temps, le planificateur financier a simulé la vente de la propriété. Sur les sept pièces de la maison, le couple en loue une avec salle de bains et obtient un revenu de 500 $ par mois. Cette location correspond à 21 % de la propriété.

« Si le couple a déclaré ces revenus de location et appliqué des dépenses d’entretien et d’intérêt, ça veut donc dire que lors de la vente de la maison, il devra payer de l’impôt sur une portion du gain en capital. »

Pierre affirme qu’il a payé sa maison 260 000 $ et qu’il n’a pas fait de rénovation majeure.

Si la maison est vendue 750 000 $, il faudra soustraire de cette somme le coût à l’achat de 260 000 $. Le gain réalisé sur la maison serait alors de 490 000 $.

« Comme on peut présumer que le couple a déclaré les revenus de location et des dépenses, il y aurait 21 % de ce gain taxable. L’impôt à payer serait calculé sur 102 900 $ de gain et la facture fiscale s’élèverait à 25 750 $. »

Le taux d’inclusion est de 50 %, parce que le montant est en dessous de 250 000 $, précise le planificateur.

Quelle somme le couple aurait-il au bout du compte ? Pour avoir la réponse, il faut soustraire 25 750 $ des 750 000 $. À ce solde de 724 275 $, il faut encore soustraire l’hypothèque restante de 250 000 $.

Le planificateur a choisi de jouer de prudence et d’utiliser 450 000 $ de gain comme somme à placer.

Dans ce plan de retraite, Sylvain B. Tremblay enlève les cotisations au CELI, car, dit-il, ce n’est plus le temps d’épargner.

Si Pierre est convaincu que son train de vie annuel s’élève à 85 000 $, les calculs du planificateur démontrent plutôt qu’il s’agit de 63 000 $ net d’impôt. Si ce montant est bien le bon, le plan de Pierre et de Ginette pourrait fonctionner.

Combler le manque avec les placements

À partir des 450 000 $ en placements, ils pourraient combler ce qui manque pour atteindre les 63 000 $, considérant que les revenus de retraite sont de 41 784 $.

« Pour le portefeuille, j’ai mis des rendements de 5 % brut, donc 3 % net, une fois l’impôt payé, explique l’expert. Je leur conseille un portefeuille constitué de 60 % de revenus fixes et de 40 % en actions. De cette façon, avec un revenu annuel de 63 000 $ net, indexé à 2 %, le couple pourrait se rendre jusqu’à 92 ans », soutient-il.

Et si les rendements sont plutôt de 4 % brut, donc 2,5 % net, le couple peut avoir ce train de vie annuel de 63 000 $ jusqu’à 88 ans. Les revenus sont indexés à 2 %.

Sans indexation, le portefeuille sera vide à 91 ans.

À partir de 85 ans, je leur verse 80 000 $, dont 56 000 $ proviennent des différentes pensions. Est-ce que c’est assez ou pas ? C’est toujours la grande question.

Sylvain B. Tremblay, planificateur financier, vice-président gestion privée chez Optimum gestion de placements

Pierre et Ginette disent qu’ils veulent déménager dans un logement moins onéreux. Actuellement dans leurs dépenses, ils remboursent un prêt hypothécaire de 1714 $ par mois. Ils pourront donc se trouver un appartement avec un loyer à ce prix. Mais ce serait encore mieux s’ils visaient 1500 $ par mois.

Un loyer de 1500 $ représenterait 29 % des revenus nets du couple pour se loger. « Ils ne seraient pas loin des 25 % recommandés. »

Le couple dit souhaiter organiser sa vie et ses dépenses en fonction des prévisions du planificateur. Sylvain B. Tremblay leur conseille de ne pas dépasser un coût de vie annuel de 63 000 $ net d’impôt, ce qui correspond à 5250 $ par mois.

Bien qu’ils ne soient pas dans les estimations de l’expert, le crédit d’impôt pour revenu de pension du fédéral et le crédit pour revenus de retraite du Québec pourront aussi être utilisés par Pierre et Ginette.

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, les prénoms utilisés sont fictifs.