Les influenceurs du vol Sunwing devront déclarer la valeur de leur billet d’avion et de leur séjour à l’hôtel, affirme l’Agence du revenu du Canada (ARC). Le métier d’influenceur et de créateur de contenu est maintenant sous la loupe des vérificateurs qui surveillent les paiements en nature.

C’est avec cet exemple que l’Agence du revenu du Canada (ARC) a expliqué à La Presse que certains contribuables ne se doutent peut-être pas qu’ils doivent de l’argent au fisc.

Une équipe de l’ARC se consacre dorénavant à l’observation de l’économie des médias sociaux sur YouTube, Instagram, Facebook, Twitch, Twitter et TikTok. Elle analyse les activités des influenceurs et des créateurs de contenu de tous âges, indique Charles Drouin, de l’Agence du revenu du Canada (ARC), lors d’une entrevue en vidéoconférence.

« On surveille ce qui se passe et quand on voit des tendances, qu’il y a beaucoup de transactions à haut niveau, beaucoup d’argent qui se promène dans un secteur, on va aller creuser un peu plus », affirme Charles Drouin.

L’influenceuse championne de jeux vidéo missharvey, Stéphanie Harvey, gagnante en 2022 de Big Brother Célébrités, fait appel à un professionnel et déclare tout.

PHOTO DENIS GERMAIN, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE

Stéphanie Harvey, influenceuse, championne de jeux vidéo et gagnante en 2022 de Big Brother Célébrités

Je me suis fait auditer plusieurs fois et on me pose des questions même sur des 10 $ qui rentrent dans mes comptes, donc je suis pas mal à mon affaire.

Stéphanie Harvey, influenceuse, championne de jeux vidéo et gagnante en 2022 de Big Brother Célébrités

Outre la rémunération traditionnelle, l’ARC mentionne les revenus d’abonnement aux chaînes des influenceurs, les ventes de marchandises diverses et ce que l’ARC appelle « un paiement en nature ».

« C’est lorsque l’on reçoit des biens ou des services au lieu d’une somme d’argent. Lorsqu’on reçoit un paiement en nature, on inclut la juste valeur marchande de ce produit dans son revenu », explique Charles Drouin.

Comment déterminer si le produit a servi à rémunérer l’influenceur ? Tout est une question d’intention lorsque l’influenceur reçoit le cadeau, nuance Charles Drouin.

« Si l’entreprise m’envoie une casquette et me dit : “Tu as le choix de la porter ou non, mais je te l’envoie et je te la donne”, dans ce cas l’entreprise ne m’a pas demandé officiellement de faire la promotion », cite-t-il en exemple.

« Mais si l’entreprise me dit : “Je t’envoie une casquette, tu la portes, tu fais la promotion”, dans ce cas-là, ça devient commercial. »

Des contrats clairs

À l’agence Muze Influence, qui représente notamment Kim Rusk, Varda et Livia Martin, on s’assure d’obtenir des contrats de partenariat clairs avec les marques, explique en entrevue son président Pierre-Olivier Beaudoin.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Pierre-Olivier Beaudoin, président de l’agence Muze Influence

Quand Air Canada et Air Transat font des campagnes avec des influenceurs voyage, par exemple, pour promouvoir une nouvelle destination ou un nouveau vol, les contrats sont négociés en amont. Il y a une rémunération qui est faite au créateur de contenu en échange de visibilité.

Pierre-Olivier Beaudoin, président de l’agence Muze Influence

Pour ce qui est des envois massifs de produits et de billets d’évènements, les créateurs de contenu n’ont pas de contrôle sur ce qu’ils reçoivent, soutient Pierre-Olivier Beaudoin.

« C’est une stratégie des agences de marketing. Ce ne sont jamais des trucs qui sont demandés en échange ou avec un partenariat préétabli. Cependant, si l’influenceur a une collaboration préétablie avec un fournisseur de matériaux pour documenter des rénovations, dans ce cas la valeur des matériaux sera déclarée. »

De son côté, l’agence Clark Influence, qui conseille ses clients sur la façon de rémunérer les influenceurs lors d’une campagne, privilégie la rémunération en argent.

« Il ne faut pas que ce soit la norme d’être payé en produits gratuits, car il faut payer le loyer et les cartes de crédit », affirme Nicolas Bon, président de Clark Influence.

« Avec la professionnalisation du métier de l’influence, les influenceurs acceptent moins des objets pour rémunération, car leur travail a un coût et leur audience a un coût, et certaines marques qui offrent des services n’ont pas de produit à donner », poursuit-il, en précisant que la rémunération des influenceurs a nettement augmenté ces dernières années, études à l’appui.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Nicolas Bon, président de Clark Influence

Quand on paye les influenceurs, ça permet de faire des contrats et d’avoir une industrie plus saine et pérenne avec des règles.

Nicolas Bon, président de Clark Influence

Où déclarer les paiements en nature ?

Dans le cas des influenceurs qui sont partis dans le Sud en avion et ont séjourné à l’hôtel, plusieurs ont fait des vidéos tous les jours pour montrer les chambres, la plage et le vol, relate Charles Drouin. Pourquoi ont-ils fait ces vidéos-là ? questionne-t-il. Si c’est pour inviter les gens à venir à l’hôtel, l’objectif est commercial.

Si le billet d’avion du 30 décembre 2021 et le forfait à l’hôtel de Tulum n’ont pas été payés, il s’agit d’un cadeau que les influenceurs doivent déclarer dans leur déclaration de revenus de cette année, à moins de l’avoir déjà fait dans celle de l’an dernier. Au provincial aussi, tous les biens, services, cadeaux reçus en échange d’une prestation de travail doivent être déclarés.

L’influenceur devient ce qu’on appelle un travailleur autonome ou un travailleur indépendant. Des formulaires spéciaux doivent être remplis, le T2125 au fédéral et le TP-80 au provincial.

« L’influenceur doit trouver la juste valeur du produit sur le marché et l’ajouter dans ses revenus d’entreprise avec sa rémunération en argent. Ensuite, il pourra déduire des dépenses d’entreprise, explique la comptable Mylène Goyette, propriétaire de Goyette CPA inc. à Saint-Jean-sur-Richelieu.

Les revenus moins les dépenses donnent un revenu net. C’est ce revenu net qui sera imposé au même taux d’imposition que le serait un particulier en fonction de tous ses revenus. L’influenceur pourrait aussi avoir à payer le RRQ, le RQAP et le FSS.

Mylène Goyette, propriétaire de Goyette CPA inc.

Gardez toutes les traces possibles, tous vos reçus, tous vos échanges par courriel et n’effacez rien, conseille l’ARC.

« Parce que s’il y a une vérification, que l’Agence du revenu dit “vous avez fait un revenu” et vous dites “non, ce n’est pas exactement ça qui s’est passé”, plus vous aurez de documents, plus vous serez capable d’expliquer comment ça s’est passé. »

Certaines factures serviront de déductions pour dépenses d’emploi, comme le cellulaire, le forfait de téléphonie et de l’internet, le maquillage, les produits coiffants et les frais de stationnement.

Modifier sa déclaration

« Il y a des gens qui vont peut-être se lever demain en disant : “Mon Dieu, ça fait des années que je fais ça, est-ce que je dois de l’argent à l’Agence ?” C’est possible que oui et on peut modifier une déclaration de revenus d’une année précédente par internet en allant dans Mon Dossier », souligne Charles Drouin.

Vous pouvez demander des modifications pour les 10 années précédentes. L’ARC, quant à elle, peut vérifier vos déclarations des sept dernières années. Si vous avez oublié de déclarer des sommes, vous aurez une pénalité à payer et des intérêts.

Quelqu’un allègue avoir accepté des cadeaux sans savoir qu’il s’agissait d’un partenariat d’affaires ? L’ARC propose de faire appel au programme de divulgation volontaire. « On va regarder les circonstances et on va voir ce qu’on peut faire », soutient Charles Drouin.

Tout travailleur indépendant ou créateur de contenu qui souhaite avoir des informations sur ce qu’il doit déclarer ou non peut s’entretenir de façon confidentielle avec un agent de liaison. Il s’agit de prendre rendez-vous en remplissant un formulaire.

Consultez la page de l’ARC pour l’aide aux propriétaires de petites entreprises et aux travailleurs indépendants
En savoir plus
  • 37,5 %
    Pourcentage des créateurs de contenu au Québec sur TikTok qui sont étudiants. 17,8 % d’entre eux sont des créateurs à temps plein.
    Source : Étude Clark Influence 2022
    70,6 %
    Pourcentage des créateurs de contenu au Québec qui ont déjà collaboré avec une marque sur TikTok. 63,2 % d’entre eux ont perçu une rémunération dans le cadre de leur collaboration.
    Source : Étude Clark Influence 2022
  • 1,9 %
    Pourcentage des créateurs de contenu au Québec qui ont gagné plus de 100 000 $ sur TikTok. 41,3 % d’entre eux n’ont rien gagné du tout.
    Source : Étude Clark Influence 2022
    18 %
    Pourcentage des créateurs de contenu canadiens qui gagnaient plus de 100 000 $ par année en 2020
    Source : Étude Clark Influence 2020
  • 60 %
    Pourcentage des créateurs de contenu canadiens qui gagnaient moins de 30 000 $ en 2020
    Source : Étude Clark Influence 2020