Cette angoissante pression est plus courante qu’on le pense et peut se vivre mieux. Voici comment.

Comprenez vos dépenses

Avant même de faire un budget, il faut savoir où va notre argent, conseille la syndique Guylaine Houle.

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« La plupart de ceux qui se lancent découvrent qu’ils sous-estimaient plusieurs pôles de dépenses », dit-elle.

Le psychologue Nicolas Chevrier explique que c’est l’inconnu qui est stressant et que plusieurs personnes n’ont jamais réfléchi à leurs dépenses, car elles n’ont jamais eu à le faire.

Pour facilement comprendre ses pôles de dépenses, la conseillère Léa Saadé recommande de simplement consulter ses relevés de cartes de crédit qui présentent les catégories de dépenses. Les outils d’optimisation des dépenses des institutions financières sont aussi fort utiles, dit Léa Saadé, vice-présidente régionale, FDP, gestion de patrimoine.

Faites un budget

Environ 90 % des gens ne font pas de budget, estime Guylaine Houle. « Ils n’ont pas les outils psychologiques et émotifs pour le faire », dit-elle.

Quand on sait qu’on a peut-être un problème avec la gestion de ses avoirs, on peut faire du déni ou voir l’exercice comme une montagne, surtout quand on a peu de connaissances en finance.

Faire un premier budget, c’est souvent devoir faire le constat difficile que l’on dépense plus que l’on gagne. Et personne n’est prêt à admettre ça.

Guylaine Houle, directrice régionale chez Pierre Roy, solutions à l’endettement

Une fois fait, le budget doit être respecté et revu régulièrement. « Au moins à chacun des grands changements de la vie », précise Guylaine Houle. Qu’il s’agisse d’un divorce, d’un nouvel emploi, d’un changement de revenu, d’une retraite, d’une retraite prochaine ou d’une pression externe causée par la hausse des taux d’intérêt et l’inflation.

Débarrassez-vous de vos dettes, d’abord

Ce qui cause de l’insomnie plus que tout, ce sont les dettes, estime la syndique Guylaine Houle. « Avoir des dettes est extrêmement stressant, dit-elle. Quand tu te débarrasses de ce stress-là, tu peux y voir plus clair. » « Jamais, dit-elle, je n’ai rencontré quelqu’un qui avait repris le contrôle de ses finances et qui n’était pas plus heureux. »

Économiser plus. Et mieux

Le psychologue Nicolas Chevrier suggère quelque chose qui peut sembler contradictoire : au moment où les finances sont déjà compressées, il conseille d’économiser davantage. Ce fameux fonds d’urgence ? C’est le moment de le lancer, à un rythme réaliste. Ainsi, lorsqu’une personne anxieuse et préoccupée par ses finances ira consulter son profil bancaire, elle constatera qu’elle est dans l’action.

Ça va venir atténuer la pression de l’incertitude parce que tu es en train de faire quelque chose. C’est l’inverse de l’évitement.

Nicolas Chevrier, psychologue

La planificatrice financière Léa Saadé estime que le fonds de prévoyance devrait contenir l’équivalent de trois à six mois du coût de vie. C’est également ce qui est recommandé par l’Institut québécois des planificateurs financiers.

Soyez réaliste

Par contre, si vous vous emballez et que vous vous donnez des objectifs irréalistes, ça ne va pas du tout vous aider. Si vous créez un fonds d’urgence ou un fonds de projet avec des virements automatiques et que vous passez votre temps à aller piger dedans pour respecter vos obligations financières courantes, le projet sera décourageant.

« Mettez-vous des objectifs réalistes, que vous pouvez atteindre », confirme le psychologue Nicolas Chevrier.

Ces solutions doivent durer dans le temps, peu importe le contexte économique, car ça diminue le sentiment d’anxiété et ça nous permet de nous concentrer sur nos objectifs.

Léa Saadé, planificatrice financière

Parlez d’argent en famille

L’éducation financière commence à la maison, dans la famille immédiate, affirme le planificateur financier Pierre-Olivier Desmarais.

« Les enfants vont apprendre de l’attitude de leurs parents face à l’argent », précise-t-il.

Comment faire ? Ouvrir le dialogue, amener de nouveaux termes dans le vocabulaire familial, fuir les tabous, répond Pierre-Olivier Desmarais, qui assure que le souper de famille, très « relax », est un bon endroit pour aborder le sujet.

« Si on ne parle jamais d’argent, oui, ça peut créer de l’angoisse », dit le planificateur, qui va jusqu’à proposer aux parents d’amener leurs enfants à des rendez-vous de gestion du patrimoine et du budget pour démystifier le rapport à l’argent.

La conseillère financière Léa Saadé, de la firme de gestion privée de patrimoine FDP, estime que cette fluidité de la discussion et des connaissances face à l’argent doit aussi avoir sa place dans le couple. Les deux conjoints doivent comprendre leur budget, dit-elle, et surtout ne pas laisser toute la responsabilité des finances familiales à la même personne.

Consultez un spécialiste

Une autre approche qui peut sembler contradictoire : payer pour des services financiers… pour économiser !

C’est aussi une action de reprise de contrôle. « Juste un contact avec un planificateur financier va être rassurant, dit Pierre-Olivier Desmarais, car on est inquiet face à ce que l’on ne comprend pas. L’objectif n’est pas de tout comprendre les marchés financiers, mais d’agir. De faire un pas en avant. »

Il faut aussi savoir que plusieurs services sont à notre disposition gratuitement, comme le réseau des Associations coopératives d’économie familiale (ACEF), qui est encore méconnu. Il y a des ACEF dans plusieurs régions du Québec.

Les institutions financières offrent aussi des services-conseils à leurs clients.

Certains employeurs le font, de différentes façons. Dans les entreprises syndiquées, c’est possible que le syndicat propose une ou plusieurs consultations avec un conseiller financier. Autrement, certains programmes d’aide aux employés offrent également ce genre de services.

Chez Homewood Santé, qui offre ces programmes d’aide dans de nombreuses entreprises, on présente le stress financier comme un trouble qui doit être pris au sérieux.

« En fait, bien qu’on puisse penser que le stress financier soit passager, des études montrent qu’il nous affecte de façon chronique, se manifestant par la maladie, des difficultés relationnelles, une dette paralysante et de l’incertitude face à l’avenir, peut-on lire sur le site de Homewood Santé. À son paroxysme, le stress financier peut déclencher l’anxiété et contribuer à la dépression. »

Revoyez vos priorités

« Qu’est-ce qui vous fait plaisir ? Vraiment plaisir ? »

C’est la syndique Guylaine Houle qui pose la question. Elle ne s’attend pas à une réponse immédiate. Bien au contraire.

Elle demande une réflexion, une introspection.

Et cette réponse vient rarement en chiffres, en argent, mais plutôt en projets ou en rêves qui coûtent de l’argent.

« La pandémie a changé notre perception du bonheur, dit Guylaine Houle, et nos priorités pour l’atteindre. On aura davantage envie de dépenser pour des moments partagés que des choses matérielles. »

En redressement financier, c’est bien difficile de multiplier les dépenses, mais il est possible de se fixer des objectifs réalistes qui permettront de continuer de rêver, malgré une pression financière.

Guylaine Houle conseille le principe des enveloppes. Ce qui permet d’économiser pour un projet précis, sans toucher les autres obligations financières.

Si c’est impossible de lancer un projet à part, on peut envisager de poursuivre l’épargne essentielle une fois l’objectif atteint pour ensuite s’offrir quelque chose qui fait plaisir et du bien.

Prenez soin de vous

« Le corps humain ne différencie pas les facteurs de stress », indique Nafissa Ismail, professeure à l’Institut de recherche sur le cerveau de l’Université d’Ottawa.

Si votre cerveau réagit à un stresseur, vos glandes vont produire du cortisol, explique cette spécialiste. Elles ne se diront pas que les taux d’intérêt vont finir par baisser. Vous devez donc réagir sans discrimination face à la raison qui cause le stress.

« Faites de l’exercice, du yoga, de la lecture », conseille Nafissa Ismail, qui admet qu’avec la pandémie, c’est une autre période d’adaptation que l’on doit vivre. La bonne nouvelle, dit-elle, c’est que durant cette pandémie, on a trouvé plusieurs loisirs et façons de se divertir qui ne coûtent rien. Ça risque donc de faire diminuer le cortisol, sans créer un nouveau stress financier…