Le « client d’ancrage » nord-américain de Northvolt est prêt à acheter jusqu’à la moitié de la production annuelle de son mégacomplexe québécois, qui commencera à sortir de terre cette année. Quand la jeune pousse parle de « course contre la montre » pour achever son projet, c’est aussi pour éviter que cet important contrat lui échappe.

« C’est environ la moitié de la première phase », a précisé le président de Northvolt Amérique du Nord et cofondateur de la multinationale suédoise, Paolo Cerruti, mercredi, au cours d’une rencontre éditoriale avec La Presse.

Quelques heures auparavant, cet ancien haut dirigeant de Tesla, accompagné de ses proches collaborateurs, avait fait le point sur ce projet de 7 milliards financé par Québec et Ottawa et qui a été officialisé il y a environ six mois.

En entrevue, M. Cerruti n’a pas voulu lever le voile sur l’identité de la première entreprise qui recevra les cellules de batteries produites par Northvolt sur la Rive-Sud. Cette demande émane du client, affirme-t-il. Chose certaine, la valeur de ce contrat, dont on ignore la valeur, devrait procurer de la stabilité à l’usine, qui doit commencer à produire ses premières unités vers le milieu de 2026, si tout se déroule comme prévu.

« Il y a une fenêtre commerciale qui va de 2025 à 2027, affirme M. Cerruti. C’est là que les cartes vont être redistribuées entre les différents acteurs majeurs qui vont s’installer en Amérique du Nord. Aujourd’hui, le panorama est très coréen et japonais. ».

Qu’est-ce qu’une cellule de batterie ?

Une batterie lithium-ion que l’on retrouve dans une voiture est en quelque sorte un assemblage d’unités de batterie individuelles, les cellules. Elles sont branchées en série par un circuit électronique. Le nombre et la taille de chaque cellule permettent de déterminer la quantité d’électricité qu’une batterie pour véhicule électrique est en mesure de stocker.

Les modalités du contrat avec le premier client nord-américain de Northvolt ont toutes les raisons d’inciter l’entreprise à respecter ses échéanciers. Si elle est prête à livrer des cellules et que son client n’est pas prêt à les recevoir, il devra les payer quand même. En contrepartie, si c’est le cellulier qui accuse du retard, celui-ci aura des pénalités à verser.

Des géants de l’automobile comme Volkswagen, BMW, Volvo et Scania figurent déjà sur la liste des clients du spécialiste suédois de cellules de batteries, qui a reçu pour plus de 50 milliards US de commandes fermes depuis sa fondation, en 2015.

Stabilité

La première phase du complexe de Northvolt, construit sur un gigantesque terrain de 170 hectares qui chevauche Saint-Basile-le-Grand et McMasterville, où se trouvait l’ex-usine d’explosifs de la Canadian Industries Limited (CIL), doit être d’une capacité de 30 gigawattheures. Le projet doit être capable d’alimenter l’équivalent d’un million de véhicules électriques.

Ce premier client nord-américain devrait donc, à terme, acheter l’équivalent de 15 GWh, a indiqué M. Cerruti. Compte tenu du soutien financier gouvernemental attribué à cette méga-usine, aurait-il fallu souligner plus souvent que la moitié de la production annuelle avait trouvé preneur ?

« Peut-être, répond le cofondateur de Northvolt, interrogé sur la question. Cela dit, ce qui est fait est fait. Ce qui compte, c’est ce qui est devant nous. »

Un accès, après le feu vert

Depuis son arrivée sur le sol québécois, la multinationale est talonnée par la question de l’évaluation environnementale. À l’exception de la portion de son complexe qui concernera le recyclage de batteries, les autres facettes ne seront pas assujetties à la procédure du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) – un traitement généralement réservé aux grands projets industriels. Cela irrite bon nombre de groupes écologistes et de citoyens inquiets des impacts de l’arrivée d’un complexe chimique sur la Rive-Sud.

À l’occasion de sa mise à jour, mercredi, Northvolt s’est engagée à diffuser publiquement les documents qui auront servi à obtenir chacune des autorisations ministérielles, mais une fois le feu vert obtenu. Une « douzaine » d’autorisations gouvernementales seront nécessaires. Dans l’immédiat, le cellulier attend toujours le feu vert gouvernemental pour aller de l’avant avec la construction des premiers bâtiments sur le site. Il faudra donc attendre l’aval de Québec avant de savoir ce qui avait été transmis par l'entreprise aux autorités gouvernementales.

En conférence de presse, M. Cerruti a insisté sur le geste de « transparence » de l’entreprise. Toutefois, si elle avait été soumise à la procédure du BAPE, elle aurait notamment dû préparer une étude d’impact qui aurait été publique avant le début des audiences publiques, où des citoyens ainsi que des organismes peuvent participer.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Paolo Cerruti est le président de Northvolt Amérique du Nord et cofondateur de la multinationale.

« [Les documents], vous allez les voir, se défend M. Cerruti, en entrevue. La différence, c’est que vous les aurez par tranches, au fur et à mesure que les permis seront délivrés. Le résultat est le même. »

Dans le cadre de la séance de breffage, les représentants de Northvolt ont fait savoir que le travail avait déjà débuté en ce qui a trait à la préparation de l’étude d’impact, qui devra être déposée auprès du ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCP) pour le volet du complexe qui concerne le recyclage de batteries.

Ce document devrait avoir été acheminé à Québec d’ici la fin de l’année. Northvolt aimerait que les audiences du BAPE sur cet aspect du projet se tiennent au printemps 2025.

6240

C’est la quantité d’arbres à abattre sur la portion du chantier sur le territoire de McMasterville. Cela s’ajoute aux 8000 qui ont déjà été coupés du côté de Saint-Basile-le-Grand. Les coupes doivent s’effectuer d’ici le 15 avril, avant la période de nidification d’oiseaux.

450

Nombre de véhicules lourds qui pourraient quotidiennement fréquenter le chantier lorsque les travaux de construction et d’aménagement auront débuté sur la Rive-Sud. On promet une gestion de la circulation des camions dans le secteur ainsi que de la surveillance sonore.

2025

Année où Northvolt devrait faire le point sur tout ce qui concerne le pompage et le rejet d’eau dans la rivière Richelieu. Ce système est névralgique pour le fonctionnement du complexe, puisqu’il doit servir à refroidir les équipements de l’usine. Une autorisation fédérale sera nécessaire pour pomper de l’eau.

En savoir plus
  • 2,75 milliards
    Somme offerte par Québec et Ottawa pour financer la construction de l’usine québécoise de Northvolt.
    Source : la presse
    4,6 milliards
    Somme maximale des subventions à la production offertes à l’entreprise par les deux ordres de gouvernement.
    Source : la presse