Ça passe ou ça casse chez Airbus Mirabel. Les 1300 syndiqués qui assemblent l’A220 se retrouveront en lock-out dès jeudi s’ils rejettent les recommandations du conciliateur au terme d’un ultime scrutin. Celui-ci relève légèrement les hausses salariales du contrat de travail proposé.

« J’ai recherché le plus honnêtement et le plus professionnellement possible un compromis acceptable, écrit le conciliateur Gaston Boutin, dans son rapport, que La Presse a pu consulter. C’est avec cette conviction que je vous suggère fortement d’accepter cette recommandation afin d’éviter un conflit de travail. »

Ce dernier souligne que sa recommandation ne constitue pas un « jugement en faveur de l’une ou l’autre des parties ». Il ajoute avoir constaté qu’en raison « des positions rigides des parties », elles se dirigeaient vers un « conflit de travail ». Deux séances de conciliation avaient eu lieu la semaine dernière.

Si le scénario du lock-out devait se concrétiser, l’État québécois se retrouverait dans une situation délicate. Il serait alors actionnaire (25 %) d’un programme – toujours déficitaire – où l’actionnaire majoritaire, Airbus, refuserait à ses syndiqués l’accès à l’usine située dans les Laurentides.

En soirée, mardi, le cabinet du ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, n’avait pas répondu à une demande de commentaire sur l’éventualité d’un lock-out.

Sans recommandation

L’Association internationale des machinistes et des travailleurs de l’aérospatiale (AIMTA) n’a pas commenté le rapport de M. Boutin, mardi. Dans un message transmis à ses membres – des outilleurs, des soudeurs et d’autres techniciens – dimanche dernier, le syndicat indiquait prôner le « libre choix » dans le cadre du vote, qui se déroulera jusqu’en soirée, ce mercredi.

« À défaut d’une convention collective ratifiée favorablement avant le 2 mai 2024, l’employeur exercera son droit de lock-out le 2 mai », lit-on, dans le document du conciliateur.

Malgré la recommandation du syndicat de voter en faveur de l’entente de principe intervenue avec Airbus, les syndiqués l’avaient rejetée dans une proportion de 68 %. L’accord prévoyait des hausses salariales de 22 % échelonnées sur cinq ans. Les deux offres précédentes d’Airbus avaient été rejetées de manière quasi unanime par les salariés, à la recommandation de leur syndicat.

Après avoir vu Airbus se retirer de la table des négociations après le rejet de l’entente de principe, l’AIMTA avait demandé la conciliation. Le rapport de M. Boutin propose des augmentations de salaire totalisant 23 % sur cinq ans.

Dans une déclaration, mardi, le chef des ressources humaines d’Airbus Canada, Patrick Bertin, souligne que la conciliation constituait une « dernière chance » d’en arriver à un accord.

« Nous misons sur un résultat positif […] suivant les recommandations du conciliateur et pour assurer notre succès commun et éviter un conflit de travail qui ne serait bénéfique pour personne », indique-t-il.

Un envol attendu

La paix industrielle est névralgique pour l’usine québécoise de la multinationale européenne. Pour atteindre son objectif de rentabiliser l’A220 en 2026, l’avionneur doit doubler la cadence de production actuelle d’ici cet échéancier afin d’être en mesure de livrer mensuellement 14 exemplaires de l’appareil.

En 2023, 68 avions avaient été remis à des clients. Après les trois premiers mois de l’année, les livraisons de l’A220 s’établissaient à 12. Airbus a donc encore beaucoup de pain sur la planche.

Tout retard sur l’échéancier de rentabilité risque d’avoir des conséquences pour les contribuables québécois, qui détiennent 25 % de ce programme développé par Bombardier après y avoir injecté 1,7 milliard depuis 2015. En acceptant de remettre 380 millions en 2022, Québec avait pu repousser à 2030 le moment où Airbus peut racheter sa participation dans l’A220.

Plus les profits se font attendre, plus l’État québécois laissera de l’argent sur la table.

L’histoire jusqu’ici

1er décembre 2023 : La convention collective des 1300 syndiqués d’Airbus vient à échéance.

17 mars 2024 : L’offre de l’employeur est rejetée dans une proportion de 99,6 %.

7 avril 2024 : Les syndiqués rejettent la deuxième proposition d’Airbus dans une proportion de 99,9 %.

21 avril 2024 : L’entente de principe est rejetée par 68 % des membres de l’AIMTA.

25 avril 2024 : Les deux parties reprennent les discussions en présence d’un conciliateur.

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    Source : Airbus