Deux importants actionnaires institutionnels de Gildan soutiennent que le conseil d’administration a commis une bourde en congédiant Glenn Chamandy et demandent qu’il soit ramené aux commandes du fabricant montréalais de vêtements.

Glenn Chamandy s’est fait montrer la porte dimanche par le conseil d’administration. Cofondateur de Gildan, l’entrepreneur de 61 ans dirigeait l’entreprise depuis 2004 et était membre du conseil d’administration depuis 1984.

L’action de Gildan a perdu 11 % lundi en réaction à l’annonce du départ de Glenn Chamandy.

Turtle Creek Asset Management, un gestionnaire d’actifs torontois et actionnaire de Gildan depuis une dizaine d’années, et Bowning West, une firme d’investissement de Los Angeles, ont envoyé jeudi une lettre au conseil d’administration de Gildan pour l’exhorter à reconsidérer sa décision.

« Le conseil d’administration a commis une grave erreur en congédiant Glenn Chamandy. Nous demandons au conseil de revenir sur cette décision inexplicable, mal avisée et destructrice de valeur et de reconduire Glenn Chamandy dans ses fonctions de PDG », est-il écrit dans la missive de Turtle Creek.

Perte de « leadership »

Un des 10 plus importants actionnaires de Gildan avec une participation de 3 %, Turtle Creek se dit « consterné » par le licenciement soudain de Glenn Chamandy qui expose Gildan « à une perte importante de leadership, à une perte de connaissances institutionnelles et opérationnelles, à une détérioration du moral des employés et à une menace potentielle pour les relations avec les clients clés ».

Turtle Creek soutient que Gildan requiert un leadership « qualifié et expérimenté unique » et souligne que le congédiement de Glenn Chamandy semble avoir été fait « à la hâte, sans engagement significatif de la part des actionnaires et sans tenir compte de l’impact négatif important » sur les activités de Gildan.

L’investisseur institutionnel ontarien dit considérer Gildan comme l’une des grandes réussites canadiennes. « Au cours des 40 dernières années, Gildan est passée d’une petite entreprise familiale à une société mondiale de vêtements dont le chiffre d’affaires s’élève à plus de 3 milliards US. Elle a surpassé et dépassé de nombreux autres acteurs dans un secteur difficile et concurrentiel. »

Turtle Creek attribue en grande partie le succès de Gildan à la vision et au leadership de Glenn Chamandy. « Les actionnaires ayant été assez astucieux pour acheter des actions au moment du premier appel public à l’épargne de Gildan en 1998 ont été largement récompensés. Le prix des actions de Gildan a été multiplié par 90 depuis 25 ans », est-il précisé dans la lettre envoyée au conseil d’administration.

Également un des 10 plus importants actionnaires de Gildan avec une participation semblable à celle de Turtle Creek, Bowning West demande un siège au conseil et exige le départ de l’actuel président du conseil, Donald Berg.

Il n’a pas tout de suite été possible d’obtenir une réaction chez Gildan ni auprès de Glenn Chamandy.

Le conseil d’administration de Gildan a nommé Vince Tyra, un Américain de 58 ans, pour prendre le relais. Il doit entrer en poste à compter du 12 février. D’ici là, l’intérim est assuré par Craig Leavitt, un membre du conseil d’administration.

Dans sa lettre, Browning West se montre par ailleurs très critique du choix du successeur de Glenn Chamandy. « Il est alarmant de constater que Vince Tyra a un historique de destruction de valeur important. »

Moment opportun ?

En entrevue avec La Presse en début de semaine, le président du conseil, Donald Berg, a expliqué le départ de Glenn Chamandy par des divergences sur quelques points, mais que le principal point de discorde était le moment de l’implantation du plan de succession de l’entreprise. « Organiser une transition avec un fondateur est toujours une opération délicate. » Il semble que Glenn Chamandy n’était pas prêt à partir alors que le conseil souhaitait apporter des changements.

Donald Berg soulignait lundi que le moment est opportun pour un changement parce que l’entreprise va « très bien, gagne des parts de marché et a un bon plan en place pour les prochaines années ».

Donald Berg disait avoir tenté en vain de s’entendre avec Glenn Chamandy sur le moment où il allait prendre sa retraite afin de réaliser une transition harmonieuse.

Glenn Chamandy a fait savoir lundi qu’il n’accordait pas d’entrevue, mais a néanmoins indiqué qu’il trouve « regrettable » que sa vision de l’avenir diffère de celle des autres membres du conseil et souligné que Gildan a décidé de mettre fin à son contrat « sans motif ».

Il est possible que Glenn Chamandy ait eu un désaccord avec le conseil sur la sélection de son successeur et qu’il ait préféré un candidat de l’interne, selon l’analyste Mark Petrie, de la CIBC.