Shopify s’opposera à une demande de l’Agence du revenu du Canada qui exige qu’elle lui remette six ans de documents pour les magasins canadiens qui utilisent son logiciel, a indiqué lundi le chef de la direction de la société établie à Ottawa.

« Cela me semble être une tentative discrète pour dépasser les limites », a affirmé le grand patron de Shopify, Tobi Lütke, dans un message sur le réseau Twitter, vendredi soir. « Nous allons nous opposer à cela. »

Des documents de la Cour fédérale montrent que la ministre du Revenu national a commencé à demander les dossiers à l’entreprise de commerce électronique en avril.

Le gouvernement a affirmé que les dossiers étaient recherchés afin de vérifier que les commerçants canadiens respectaient la Loi de l’impôt sur le revenu et la Loi sur la taxe d’accise.

Dans un avis de demande, il a soutenu que les dossiers de Shopify comprenaient l’identité des marchands, les montants des ventes et d’autres détails de compte pertinents, mais a ajouté que « la ministre ne (connaissait) pas l’identité des marchands concernés ».

Toutes les parties concernées demandent qu’une audience d’une journée sur l’affaire ait lieu entre le 13 février et le 17 mars 2024.

Shopify n’a pas immédiatement répondu à une demande de commentaire.

Interrogée sur ce qu’elle essaie de vérifier à partir des dossiers de Shopify, l’ARC a indiqué qu’elle utilisait les informations obtenues par l’entremise des « exigences de personnes anonymes pour identifier les contribuables qui pourraient avoir été non conformes et vérifie qu’ils ont correctement déclaré leurs revenus et ont satisfait à leurs obligations de déclaration ».

« L’ARC doit obtenir une autorisation judiciaire avant d’exiger d’une tierce partie qu’elle divulgue des informations sur une ou plusieurs personnes anonymes », a affirmé la porte-parole, Hannah Wardell, dans un courriel.

Stratégie de relations publiques ?

Rick Watson, fondateur de RMW Commerce Consulting, a souligné qu’il était au courant que les autorités adressent de telles demandes aux principaux fournisseurs de services et marchés, tout en ajoutant que la longue période couverte par la demande à Shopify « fait sourciller ».

Les demandes du gouvernement aux prestataires de services comportent de faibles risques, mais peuvent valoir la peine en raison du nombre de commerçants impliqués, a-t-il affirmé dans un courriel.

« Bien qu’il s’agisse de pure spéculation, il est possible que plusieurs commerçants n’aient pas été trouvés conformes par le passé, et le gouvernement a pensé qu’il pourrait y avoir d’autres commerçants dans des situations semblables dans ce groupe, d’où la large demande. »

La demande ne signifie pas nécessairement que Shopify se soustrait à ses exigences fiscales, a-t-il expliqué, mais pourrait provenir du fait que les commerçants sont souvent peu motivés à bien comprendre les exigences fiscales et de déclaration tant qu’ils ne sont pas visés par un évènement négatif comme une amende ou une mesure d’exécution.

Il considère que les efforts de Shopify pour rendre cette affaire publique représentent une stratégie de relations publiques destinée à faire paraître l’entreprise comme amicale envers les marchands.

Cependant, a-t-il ajouté, « tout risque pour Shopify est faible et il est plus que probable qu’il y ait un plus grand risque pour un marchand individuel du point de vue de la responsabilité fiscale ».

Shopify a mis à pied des milliers d’employés au cours des deux dernières années, réduisant son effectif de 10 % l’été dernier et de 20 % de plus en mai.

M. Lütke a assumé la responsabilité de la première série de mises à pied, admettant qu’il avait surestimé à quel point la pandémie de COVID-19 accélérerait la croissance de Shopify.

Il a positionné la deuxième série de réductions comme un moyen d’aider Shopify à cesser de consacrer des ressources pour des « quêtes secondaires » et à se concentrer plutôt sur son objectif principal : faciliter le commerce.

Les mises à pied supplémentaires ont été annoncées après que le cours de l’action de Shopify a commencé à diminuer alors que les consommateurs renouaient avec leurs habitudes d’achat prépandémiques et que les valorisations technologiques chutaient, les investisseurs s’inquiétant des perspectives d’une récession.

Parallèlement aux coupes, Shopify a vendu son activité de logistique à la société de gestion de la chaîne d’approvisionnement Flexport, a réduit le nombre de réunions du personnel et a réorganisé son approche de l’emploi et de la rémunération.

Shopify a divisé les travailleurs en deux types de carrières — les gestionnaires et les artisans — avec des niveaux de rémunération équivalents, et a donné l’an dernier aux employés un « portefeuille de récompenses totales » qui leur permet de choisir entre des espèces et des options d’achat d’actions pour leur rémunération.