Le mandat du patron du Mouvement Desjardins, Guy Cormier, est prolongé pour une période pouvant aller jusqu’à deux ans afin de permettre à la coopérative de procéder à d’importants changements de gouvernance.

M. Cormier, qui devait quitter le Mouvement Desjardins au printemps 2024, voit son mandat prolongé « jusqu’au plus tard en mars 2026 », tandis que la coopérative se prépare à séparer le rôle de président du conseil d’administration et celui de chef de la direction.

La séparation des fonctions entraîne des changements importants à un moment où la coopérative doit mettre à jour son plan stratégique 2021-2024, explique la porte-parole du Mouvement Desjardins, Chantal Corbeil, en entrevue. « Il y a beaucoup d’étapes au niveau de la gouvernance et de la réglementation qu’il va falloir faire. »

Si le départ de M. Cormier n’avait pas été repoussé, le nouveau président du conseil, qui sera nommé au printemps prochain, aurait eu la tâche de trouver rapidement un nouveau chef de la direction en période de mise à jour du plan stratégique. Le changement de gouvernance nécessitait aussi des démarches réglementaires encadrées par l’Autorité des marchés financiers (AMF).

Les membres du conseil d’administration en sont venus à la conclusion qu’une période de transition de 24 mois serait nécessaire pour assurer une transition harmonieuse.

M. Cormier, qui occupe aussi le rôle de président du conseil d’administration jusqu’au printemps 2024, n’a pas participé aux discussions des administrateurs menant à la décision d’étendre son mandat, répond Mme Corbeil.

La décision de séparer les deux fonctions occupées actuellement par M. Cormier a été prise par les membres du Mouvement Desjardins lors de son assemblée annuelle, au printemps.

Elle fait suite à une réflexion des membres et à un « souhait » de l’AMF, rappelle Mme Corbeil. « On a de nouveaux défis. Quand la gouvernance a été mise ensemble, c’était en 1994. On n’avait même pas 100 milliards d’actif. On est rendus à 400 milliards. […] On a beaucoup plus de responsabilités. »

La prochaine étape sera de choisir un président du conseil. Les administrateurs qui seront élus lors de la prochaine assemblée des actionnaires en mars choisiront qui sera le président du conseil. Le choix devrait être fait en mai 2024.

M. Cormier, pour sa part, continuera à occuper la fonction de chef de la direction « jusqu’au plus tard en mars 2026 ». Il reviendra au conseil d’administration, et non aux quelque 2000 délégués représentant les membres, de choisir le prochain PDG. Les délégués conservent le pouvoir d’élire les administrateurs.

Une bonne décision, selon deux experts

La décision de repousser le départ de M. Cormier serait la bonne dans les circonstances, selon deux experts de la gouvernance.

« Ça m’apparaît justifié de conserver une certaine transition, commente le directeur général de l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques (IGOPP), François Dauphin, en entrevue. Ça aurait fait deux nouvelles personnes qui arrivent. Elles n’ont pas nécessairement la mémoire collective. Ce sont deux nouvelles fonctions à apprendre en même temps. »

La séparation des rôles permettra aussi de libérer M. Cormier et ses successeurs de la fonction « très prenante » de président du conseil.

« On se demande parfois comment on arrive durant une même semaine à cumuler les deux fonctions quand on a une organisation de la taille de Desjardins. »

Le professeur et codirecteur du Centre d’études en droit économique de l’Université Laval Ivan Tchotourian abonde dans le même sens. Il ajoute que la séparation des rôles de président du conseil et de chef de la direction est maintenant considérée comme une meilleure pratique en matière de gouvernance.

« Le conseil d’administration joue un rôle stratégique. C’est sûr qu’en séparant les rôles, vous avez un peu de recul par rapport à la direction qui gère au quotidien. Ça permet d’apporter une plus-value avec un point de vue qui est plus macro, qui va servir la direction et l’organisation. »