La pénurie de main-d’œuvre qui touche aussi le commerce de détail ne passe pas inaperçue : plus ou moins le quart des clients disent que le service s’est détérioré lorsqu’ils magasinent, selon le commerce visité.

La baisse de la qualité du service se fait sentir au moment d’acheter une perceuse à la quincaillerie ou une robe à la boutique de vêtements notamment, nous apprend un sondage du Conseil québécois du commerce de détail (CQCD). Le secteur plus large des « biens courants » est aussi particulièrement montré du doigt.

Aussi triste soit ce constat, il n’est pas surprenant, indique le directeur général du Conseil, Damien Silès, qui rappelle que le commerce de détail est en déficit de plus de 29 000 personnes au Québec.

« Ça se voit naturellement, dit-il. Quand vous sortez dans un restaurant, quand vous allez à la quincaillerie. »

Il faut toutefois noter que la majorité des clients disent que le service s’est maintenu et que plusieurs sont conscients des enjeux de main-d’œuvre que vivent leurs commerçants.

Alors, où le bât blesse-t-il ?

C’est au moment d’avoir de l’aide dans l’allée du magasin que les clients sont déçus. Plus de six participants au sondage sur dix (61 %) avouent qu’ils ont de la difficulté à trouver un conseiller qui pourra les aider.

Mais ça n’est pas tout. Une fois qu’ils ont mis la main sur un employé, 57 % des répondants disent qu’il manque de connaissances et à peu près la même proportion affirme qu’il y a aussi un manque d’encadrement.

Richard Darveau, président de l’Association québécoise de la quincaillerie et des matériaux de construction (AQMAT), connaît la chanson : un sondage CROP réalisé pour les quincailliers disait la même chose, il y a quelques mois. « On nous disait que deux clients sur trois sont déçus des compétences en quincaillerie, précise-t-il. Ça n’est pas possible d’avoir un employé joyeux, compétent, sous-payé, qui travaille des heures de fou. »

L’Association voudrait réduire les heures d’ouverture des commerces, ce qui bonifierait l’expérience client.

Réduction des heures d’ouverture

Sachant que les marchands peinent à trouver des employés, une partie des consommateurs (45 %) sont prêts à vivre avec une réduction des heures d’ouverture de leurs commerces.

Richard Darveau croit qu’il faut que l’on commence à aborder davantage cette avenue sur la place publique.

Si tu ouvres moins, tu réduis tes frais d’administration. Si tu informes comme il faut ta clientèle, normalement tu ne perdras pas de ventes. À condition que ton concurrent soit aussi fermé.

Richard Darveau, président de l’Association québécoise de la quincaillerie et des matériaux de construction (AQMAT)

« Les heures d’ouverture, c’est le nerf de la guerre », confirme Linda Goulet, présidente de Chaussures Panda, dont plus de la moitié des employés travaillent désormais à temps partiel. Inévitablement, dans les conditions actuelles, le service se détériore, reconnaît-elle. « On a de la difficulté à recruter. Et l’on se fait voler nos meilleurs employés. »

« Bien qu’on fasse tous les efforts pour que ça n’arrive pas, dit Linda Goulet, oui, il y a parfois une diminution de la qualité du service. »

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Magasineurs aux Galeries d’Anjou

Le service a beau être moins bon, les clients aiment tout de même mieux en avoir.

Lorsqu’on leur a demandé s’ils seraient ouverts à visiter des magasins sans employés, mais munis d’une application qui les aiderait à faire leurs achats, plus de huit personnes sur dix n’y adhéraient pas. Une maigre proportion de 17 % trouve cette idée acceptable.

Richard Darveau estime que c’est là l’avantage des commerçants d’ici, ayant pignon sur rue, contre les Amazon du monde : les gens veulent parler à des gens.

Davantage de magasinage en ligne

Damien Silès, du CQCD, estime que les clients adaptent leurs comportements face à l’expérience qui change dans les commerces. Par exemple, un client sur trois fait désormais du repérage en ligne avant d’aller faire ses emplettes pour être plus efficace. Et le quart des Québécois s’est carrément tourné vers le commerce en ligne, nous apprend le sondage du Conseil.

Ce changement dans les habitudes sera-t-il définitif ?

On ne parle même plus de virage numérique, mais de fracture ou de tsunami numérique.

Damien Silès, directeur général du Conseil québécois du commerce de détail

« Pendant la pandémie, les gens ne pouvaient pas se déplacer et ont acheté de façon incroyable en ligne. […] Ça fait partie des changements de paradigmes que l’on connaît aujourd’hui. »

Parmi les achats les plus populaires en ligne au Québec, la nourriture, les vêtements et les produits de beauté et produits de pharmacie. Ces conclusions sont tirées du dernier Baromètre du Conseil qui a sondé 1019 Québécois au mois d’avril sur leurs habitudes et intentions d’achat.

En savoir plus
  • 16 %
    Proportion de consommateurs prêts à fréquenter uniquement une version virtuelle de leur commerce. Près de 9 personnes sur 10 rejettent l’idée de prendre un rendez-vous avant d’aller faire ses achats.
    Source : Conseil québécois du commerce de détail
    51 %
    Un consommateur sur deux accueille favorablement les caisses libre-service et l’idée d’obtenir un rabais pour en avoir utilisé une. Une proportion semblable de personnes trouvent que le temps d’attente aux caisses s’est allongé.
    Source : Conseil québécois du Commerce de détail