Hydro-Québec a ressorti le projet hydroélectrique de la rivière Petit Mécatina de ses tiroirs où il dormait depuis 20 ans pour le faire avancer à l’étape suivante, celle des études sur le terrain, qui commenceront sous peu.

Il s’agit de la construction de deux centrales qui transformeraient l’eau de la rivière qui se déverse dans le golfe du Saint-Laurent, à 400 kilomètres à l’est de Sept-Îles, qui ajouteraient 1200 mégawatts (MW) à la capacité de production d’Hydro-Québec.

« Le fait que nous menions des études préliminaires ne signifie pas qu’un projet sera élaboré », a précisé la société d’État dans un communiqué. Il reste que c’est la première fois qu’un nouveau projet hydroélectrique est envisagé par Hydro-Québec depuis la construction du complexe La Romaine, au tournant des années 2000.

De son côté, le gouvernement Legault est aux anges.

C’est exactement ce qu’on veut !

François Legault, premier ministre

« Sophie Brochu et Hydro-Québec viennent d’annoncer qu’ils vont faire des études préliminaires pour faire un barrage à Petit Mécatina, qu’ils vont faire plus d’efficacité énergétique, qu’ils vont rehausser aussi la capacité des barrages actuels, et plus d’éoliennes » a dit le premier ministre François Legault mardi, au moment de se rendre au Salon bleu pour la période des questions.

Ravi de l’annonce d’Hydro-Québec, le ministre de l’Énergie et de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, souligne que le Québec a besoin de 100 térawattheures (TWh) additionnels d’énergie pour atteindre la carboneutralité d’ici 2050 – c’est 50 % de la production actuelle d’Hydro-Québec. Et à son ministère, « il y a quand même 10 000 MW de projets intéressants [de la part d’entreprises], et on en a 1000 de disponibles. C’est sûr qu’il faut travailler fortement sur » l’augmentation de la production de la société d’État. Hydro-Québec et le gouvernement « convergent » vers cet objectif, a-t-il insisté.

Le projet qui fera l’objet d’études géographiques et hydrologiques « pourrait être différent de celui qui a déjà été envisagé », a fait savoir Maxence Huard-Lefebvre, porte-parole de la société d’État.

Après des rencontres avec des communautés autochtones et des chefs, le ministre responsable des Relations avec les Premières Nations et les Inuit, Ian Lafrenière, conclut qu’il y a de leur part « de la volonté de faire du développement énergétique et du développement économique, et aussi de sauver la planète, de protéger la planète. Ce sont les gens les mieux placés pour voir les impacts des changements climatiques. Ils nous l’ont bien fait comprendre. […] Des projets éoliens et des projets hydrauliques nous ont été présentés, c’est vrai, mais jamais on ne va faire la négociation sur la place publique ».

Dans le cas du projet de barrage sur Petit Mécatina, les communautés autochtones « sont prêtes à participer », « mais il n’y a rien de conclu encore », a signalé Pierre Fitzgibbon. « Clairement, il va falloir travailler avec eux autres. » Selon Ian Lafrenière, Hydro-Québec et les communautés « sont déjà en communication ensemble ».

Pierre Fitzgibbon soutient que les chefs autochtones qu’il a rencontrés sont unanimes.

[Les communautés autochtones] veulent participer avec nous comme partenaires, et pas comme bénéficiaires. Et ça, c’est un gros changement.

Pierre Fitzgibbon, ministre de l’Économie

« Je me suis montré ouvert à ça », a-t-il ajouté, tout en rappelant qu’« évidemment, c’est Hydro-Québec qui va être le maître d’œuvre ».

Il est encore trop tôt pour estimer le coût du projet et le prix de revient de l’électricité que le nouvel ouvrage produirait. Le dernier grand projet hydroélectrique du Québec d’une taille similaire est la construction du complexe La Romaine, qui s’est échelonnée de 2009 à 2022. Il a nécessité des investissements de 7,4 milliards pour produire 1 500 MW dont le coût de revient par kilowattheure est 6,5 cents.

Des besoins à satisfaire

L’annonce d’Hydro-Québec se veut un bilan du plan de match élaboré il y a un an par la présidente-directrice Sophie Brochu, qui a annoncé son départ depuis et dont la succession est toujours en suspens.

Dans ce plan, Hydro-Québec estimait qu’il faudrait ajouter 100 TWh à la capacité de production d’électricité actuelle de 200 TWh pour satisfaire à la demande générée par la transition énergétique.

À cette occasion, la PDG avait prévenu que les futurs approvisionnements coûteraient beaucoup plus cher, soit autour de 11 cents le kilowattheure, alors que les Québécois paient autour de 8 cents le kilowattheure et que le tarif industriel est plus bas encore.

Les ouvrages hydroélectriques les plus intéressants sur le plan économique ont été déjà été construits et les sites qui restent à exploiter au Québec sont plus éloignés des centres de consommation ou présentent des défis techniques.

Les études sur le terrain du projet Petit Mécatina devraient durer entre 12 et 18 mois, a indiqué hier le porte-parole de la société d’État. Hydro-Québec a précisé qu’aucun des autres sites déjà envisagés, comme la Grande rivière de la Baleine, Nottaway et Magpie, ne fait l’objet d’études préliminaires.

Hydro-Québec a aussi fait savoir qu’elle reverra à la hausse son objectif d’efficacité énergétique, fixé à 8,2 TWh l’an dernier. Elle estime maintenant pouvoir en faire beaucoup plus, ce que de nombreux intervenants avaient réclamé. Un objectif plus ambitieux sera fixé, qui se situera quelque part entre 8,2 TWh et 25 TWh, qui est le potentiel théorique d’économies d’énergie réalisables.

Selon le ministre responsable d’Hydro-Québec, Pierre Fitzgibbon, une nouvelle cible d’efficacité énergétique est rendue possible par le développement des technologies permettant de mieux isoler les bâtiments et de réduire leur consommation d’énergie.

La tarification modulée selon les heures de la journée, que le gouvernement envisage de généraliser, va aussi « inciter les gens à moins consommer, à payer moins cher, les entreprises la même chose. Il faut tout regarder », a-t-il dit.

Le plan d’Hydro-Québec prévoit aussi la modernisation de centrales hydroélectriques existantes pour en augmenter la capacité de production de 2000 MW. Trois centrales sont actuellement en rénovation, pour produire 128 MW supplémentaires, celles de Carillon, Rapide-Blanc et Outardes-2.

Enfin, le recours à l’éolien doit contribuer à aider Hydro-Québec à satisfaire à la demande croissance d’électricité renouvelable. Six projets de parcs éoliens ont été retenus à la suite d’un appel d’offres, pour une capacité additionnelle totale de 1150 MW. Un autre appel d’offres, pour 1 500 MW, est en cours et d’autres suivront, a fait savoir Hydro-Québec. L’objectif est de doubler la capacité de production éolienne de 4000 MW actuellement à 8000 MW.

Le plan stratégique d’Hydro-Québec est pour la période 2022-2026 et en annonçant son départ, Sophie Brochu a dit espérer qu’il lui survive. « Il est important de rappeler que le plan a été élaboré avec la participation de plusieurs parties prenantes internes et externes », a cru bon de rappeler Mme Brochu hier.

La PDG d’Hydro-Québec, Sophie Brochu, quittera ses fonctions le 11 avril. Comme le processus pour lui trouver un successeur est toujours en cours, le gouvernement Legault nommera bientôt un patron par intérim, fort probablement parmi les vice-présidents actuels.