C’était écrit dans ciel. La Chine délogerait les États-Unis de son piédestal et deviendrait la première économie mondiale, ce n’était qu’une question de temps. Il semble maintenant que ce ne soit plus aussi évident.

En 2010, beaucoup d’experts croyaient que la Chine deviendrait la première économie mondiale… en 2020. Plus récemment, une étude de Goldman Sachs soutenait que l’économie américaine, qui trône en tête des pays avec le produit national brut le plus élevé, serait dépassée par celle de la Chine autour de 2035.

Ça n’arrivera pas avant 2060, si ça arrive un jour, soutenait récemment un chercheur du Rockefeller Center dans le Financial Times.

On peut se demander à quoi sert de savoir qui sera le prochain « top gun » de l’économie mondiale, mais c’est une question à laquelle ceux qui aimeraient avoir la réponse sont nombreux.

Savoir d’où viendra la croissance économique conditionne non seulement les décisions d’investissement à long terme des entreprises, mais aussi les relations politiques qu’entretiennent les gouvernements.

La question est également d’importance pour le système financier international dominé par le roi dollar, qui pourrait perdre de son influence si la Chine devenait la première économie mondiale.

Les États-Unis sont en tête de ce classement depuis les années 1920, mais sous eux, la liste a changé considérablement au fil des ans. Le Japon, deuxième économie mondiale à la fin des années 1960, a été surpassé par la Chine en 2010. Le Royaume-Uni vient de se faire dépasser par l’Inde, son ancienne colonie, au cinquième rang de la liste. L’Italie a beaucoup dégringolé dans le classement.

L’hégémonie économique dépend beaucoup – mais pas seulement – de la démographie pour des raisons évidentes. Plus un pays est populeux, plus il aura des besoins de toutes sortes à satisfaire et plus la production totale de biens et de services, qui se mesure annuellement par le produit intérieur brut (PIB), augmentera.

Progression ralentie

Il n’y a pas si longtemps, les perspectives étaient assez claires : avec un taux de croissance économique autour de 10 %, la Chine avalerait assez rapidement les rangs qui la séparaient des États-Unis, dont le PIB augmentait deux fois moins rapidement. L’Inde, le pays en voie de devenir le plus peuplé du monde, qui était la 15e économie mondiale en 1990, est grimpée à la 5e place et devrait continuer son ascension, selon la plupart des projections.

La progression de la Chine est au contraire passablement ralentie par une conjonction de facteurs. Démographiquement d’abord. C’est difficile à croire pour un pays qui a interdit à ses citoyens d’avoir plus d’un enfant pour limiter sa croissance démographique, mais la population chinoise n’augmente plus et pourrait commencer à décroître dans la prochaine décennie.

Le réalignement des échanges commerciaux est un autre obstacle qui pourrait entraver la Chine dans sa marche vers le sommet du monde.

Les autres plus grandes économies du monde ont entrepris de se constituer leurs propres royaumes commerciaux pour réduire leur dépendance envers un pays perçu de plus en plus comme un ennemi.

Ça ne fait que commencer. La technologie chinoise n’est plus bienvenue nulle part, et de plus en plus de pays font front commun pour ne plus vendre à la Chine aucun de leurs outils les plus avancés sur le plan technologique.

Avec la transition énergétique, les États-Unis, le Canada et l’Europe espèrent rapatrier une partie de leur capacité manufacturière et inverser le flot des échanges commerciaux qui a tant profité à la Chine depuis 40 ans. Malgré tous les milliards qui seront investis pour y parvenir, il serait étonnant qu’on puisse éliminer la Chine de l’équation.

L’impact de ce réalignement des blocs commerciaux sur la croissance économique mondiale reste à évaluer.

En attendant, la Chine et l’Inde continuent d’avancer plus vite que les autres pays vers la position de tête. Cette année, alors que les États-Unis sont au bord de la récession, la croissance économique devrait être de 5,9 % en Inde et de 5,2 % en Chine, selon les prévisions révisées de l’Organisation de coopération et de développement économiques.