Le gouvernement fédéral vient de débarquer dans le secteur de l’électricité, de compétence provinciale, avec de généreux crédits d’impôt remboursables qui sont bien accueillis au Québec, mais dont les bénéficiaires ultimes restent encore à préciser.

L’aide financière du gouvernement fédéral au développement de l’énergie renouvelable profitera-t-elle surtout aux constructeurs des parcs éoliens, à Hydro-Québec ou aux consommateurs d’électricité ? Probablement à tout le monde, estime Jean Trudel, chef de la direction financière du producteur d’énergie renouvelable Innergex.

« Pour un développeur comme Innergex, c’est du bonbon », a-t-il commenté lors d’un entretien avec La Presse.

Les nouveaux crédits d’impôt permettront de réduire le coût des projets comme les parcs éoliens qui seront construits au Québec. Ce qui ne veut pas dire que ces projets seront plus profitables pour leurs promoteurs. « Ils pourraient l’être, mais comme tout le monde va y avoir accès et qu’il y a beaucoup de concurrence dans les appels d’offres, le crédit d’impôt va être utilisé pour proposer le meilleur prix possible à Hydro-Québec », explique Jean Trudel.

Ultimement, c’est le consommateur d’électricité qui devrait en profiter, selon lui.

Des municipalités inquiètes

Le budget fédéral prévoit un crédit d’impôt remboursable pour la production, le transport et le stockage d’énergie propre à hauteur de 15 % pour les entités non assujetties à l’impôt comme Hydro-Québec, et de 30 % pour les promoteurs privés.

Comme les projets éoliens sont le plus souvent développés par un promoteur privé en partenariat avec des municipalités ou des communautés autochtones, la question se pose : lequel des deux crédits d’impôt s’appliquera et qui en bénéficiera ?

La Fédération québécoise des municipalités demande au gouvernement fédéral de préciser rapidement si les municipalités qui investissent dans des projets éoliens sont admissibles aux crédits d’impôt et au financement à taux préférentiel qui sera offert par la Banque de l’infrastructure du Canada.

« On souhaite que le fédéral confirme qu’on y a droit comme partenaires publics, dit Michel Lagacé, préfet de la MRC de Rivière-du-Loup, qui est partenaire de plusieurs projets éoliens. On croit que oui, mais on n’a pas de certitudes et on a besoin d’être rassurés. »

Hydro-Québec réserve ses commentaires

Michel Lagacé, qui est aussi président de l’Alliance de l’Est, un regroupement qui vient d’être choisi par Hydro-Québec pour livrer trois parcs éoliens de 800 mégawatts, croit que si ces projets bénéficient des nouveaux crédits d’impôt fédéraux, le prix de l’électricité qui sera payé par Hydro-Québec ne diminuera pas pour autant.

Le prix moyen offert à Hydro-Québec à la suite de ces appels d’offres est de 6,1 cents le kilowattheure et ne devrait pas changer même si le projet coûte moins cher à construire grâce à l’aide fédérale, selon lui. Le prix est convenu et tout est prévu dans les contrats qui sont sur le point d’être signés, précise-t-il. « Mais on est dans les suppositions, ajoute-t-il. Il faudra voir les détails. »

Hydro-Québec, pour sa part, réserve ses commentaires sur l’impact qu’aura l’aide fédérale sur le prix payé à ses fournisseurs pour les nouveaux approvisionnements en électricité et sur ses propres activités de développement. « Les analyses seront réalisées au cours des prochaines semaines lorsque les mesures seront précisées dans un projet de loi. Nous pourrons alors vous donner plus de détails », a fait savoir un porte-parole de la société d’État.

De l’aide qui tombe à point

Pour Nouveau Monde Graphite, qui développe un projet de mine de graphite et de transformation du minerai pour la fabrication d’anodes pour les batteries de véhicules électriques, l’aide contenue dans le budget fédéral ne pouvait mieux tomber. « Ça arrive au moment où on en a besoin pour le financement de notre projet », a fait savoir le président et fondateur de l’entreprise, Éric Desaulniers.

Nouveau Monde Graphite veut finaliser le financement de son projet, estimé à 1,4 milliard, et le crédit d’impôt fédéral de 30 % l’aidera à diminuer le coût de ce financement et à réduire ses coûts de production, précise Éric Desaulniers.

Cette mesure est exactement ce qu’on avait besoin. Ça aide toute la chaîne de valeur.

Éric Desaulniers, président et fondateur de Nouveau Monde Graphite

Nouveau Monde Graphite veut devenir le premier fournisseur à faible empreinte environnementale pour les fabricants de batteries dans sa future usine de Bécancour.

Les titres de Nouveau Monde Graphite, d’Innergex et de Boralex, qui œuvrent dans le secteur des énergies propres, ont fini la journée en hausse sur les marchés au lendemain du budget fédéral.