Pour un entrepreneur qui rêve d’innovation, la toute première « usine intelligente » officiellement inaugurée ce jeudi à Montréal est l’équivalent d’un magasin de bonbons.

Robots dotés de reconnaissance visuelle, modules qui rangent, déchargent ou transportent des boîtes guidés par l’intelligence artificielle, capteurs en tous genres, on retrouve au total une vingtaine de technologies avant-gardistes dans un espace de 836 mètres carrés caché dans un parc industriel de l’arrondissement de Saint-Laurent.

« Ce qu’on voit aujourd’hui me fait très chaud au cœur, a déclaré d’entrée de jeu Pierre Fitzgibbon, ministre québécois de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie en conférence de presse. Ça va clairement permettre aux entrepreneurs de voir comment fonctionnent les innovations technologiques qui vont contribuer à accélérer la transformation numérique […] On doit innover si on veut être encore plus productifs. »

Première combinaison

Ce projet qui a nécessité des investissements de quelque 8 millions de la part de la société de conseil Deloitte Canada, en collaboration avec quelques-unes des 20 entreprises qui y exposent leurs appareils, est le quatrième du genre dans le monde, après ceux construits en Allemagne, au Japon et aux États-Unis.

C’est la première fois, en outre, qu’on y combine les technologies de fabrication et d’entreposage.

L’objectif est de permettre à des centaines d’entrepreneurs essentiellement québécois et canadiens de venir prendre connaissance, dans le cadre de visites guidées conçues sur mesure, du nec plus ultra des innovations technologiques, parfois futuristes, parfois reposant sur des appareils utilisés depuis des décennies, mais améliorés. Bref, de mousser les possibilités des « usines intelligentes » qu’on souhaite voir se multiplier au pays.

« Jamais dans l’histoire de l’humanité avons-nous eu accès à des outils aussi sophistiqués », estime avec enthousiasme Geneviève Provost, associée directrice pour la région du Québec et de la Capitale nationale chez Deloitte Canada. « Les entrepreneurs n’auront pas à visiter des dizaines de sites pour les voir à l’œuvre. »

Des fabricants comme Cisco, Cosme, E2 Solution, NuMove Robotics & Vision et Siemens s’y sont installés. Deloitte y a ajouté une technologie maison, un système de caméra qui permet la réception intelligente des produits en entrepôt.

« Dans un contexte d’incertitude économique et de pénurie de main-d’œuvre, les usines intelligentes sont plus importantes que jamais », a commenté lors de son discours Luc Rabouin, responsable du développement économique et commercial au comité exécutif de la Ville de Montréal et maire de l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal.

Selon une analyse publiée par Deloitte, en misant sur des solutions d’usine intelligente, une entreprise peut augmenter ses revenus de plus de 42 %. Les systèmes présentés à l’usine-pilote de Saint-Laurent, qui n’est pas un établissement réel de production avec des travailleurs, sont destinés à un large éventail d’entreprises. Les plus petites peuvent ainsi avoir accès à un simple chariot d’une valeur de 40 000 $ qui peut se déplacer d’une case à une autre en lisant les codes-barres et en évitant d’entrer en collision avec des humains.

Vers des tâches « plus valorisantes »

Un des modules les plus impressionnants présentés lors d’une visite guidée à La Presse est celui qui est destiné au stockage et à la cueillette des marchandises. Sur une structure d’aluminium, des robots se promènent d’une case à l’autre pour récupérer et placer sur un convoyeur les caisses, selon les ordres d’un opérateur humain. Ce système d’une valeur de 3 millions, destiné à des entreprises de taille moyenne, permet de se passer de près des deux tiers de la main-d’œuvre habituellement requise pour cette activité, dit Alan Taliaferro, associé chez Deloitte Canada et leader de ce projet d’usine intelligente. « L’expansion est peu coûteuse et le système permet un gain d’espace et d’efficacité », assure-t-il.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Un des modules les plus impressionnants présentés lors d’une visite guidée à La Presse est celui qui est destiné au stockage et à la cueillette des marchandises.

Quelques mètres plus loin, au cœur de la salle d’exposition, on retrouve un de ces bons vieux bras robotisés qui s’agite à une vitesse folle. La nouveauté, ici, c’est qu’un système de reconnaissance visuelle lui permet de manipuler des boîtes de tailles différentes et disposées de façon irrégulière pour les déposer sur un convoyeur.

« Les équipements à la base ne sont pas toujours très très nouveaux, mais on leur ajoute les plus récentes innovations en intelligence artificielle, en infonuagique, en reconnaissance visuelle, précise M. Taliaferro. On remplace ainsi les gens qui déchargeaient les camions, qui font l’inventaire, et qu’on peut affecter à des tâches plus valorisantes. »

Plus précisément, l’usine intelligente de Montréal a été conçue autour de 8 catégories d’usages qu’on estime communs à toutes les usines. Notamment, on surveille et gère la fabrication, on analyse la qualité, on y synchronise les activités, on quantifie la consommation énergétique et on y démontre des solutions de transport intelligent.