(San Francisco) Le département de la Justice des États-Unis a porté plainte mardi contre le géant de la recherche sur l’internet Google pour « monopole » sur le marché de la publicité en ligne, d’après un document judiciaire.

« Google a utilisé des méthodes anticoncurrentielles et illégales pour éliminer, ou réduire drastiquement, toute menace à sa domination sur les technologies utilisées pour la publicité numérique », assène l’autorité.

Le département de la Justice et huit États américains, dont la Californie et New York, demandent à la justice de condamner le groupe californien pour infraction au droit de la concurrence, de lui faire payer des dommages et d’ordonner la cession de ses activités liées à la vente d’espaces publicitaires en ligne.

La plainte explique que Google contrôle aussi bien les technologies utilisées par « quasiment tous les sites web » pour vendre des bandeaux ou fenêtres surgissantes (pop-up) aux marques que les outils dont se servent les annonceurs pour acheter ces espaces, ainsi que le marché où ont lieu les transactions.

« Les dommages sont clairs : les éditeurs de sites internet gagnent moins, et les annonceurs dépensent plus », assènent les plaignants.

« Bien que Google ait affaire à une concurrence accrue depuis quelques années, sa part de marché reste inégalée », note Evelyn Mitchell, analyste d’Insider Intelligence.

Selon elle, le groupe récolte plus d’un quart de toutes les dépenses publicitaires numériques et plus de la moitié des recettes publicitaires adossées aux recherches en ligne.

« Internet ouvert »

Le département de la Justice « essaie de désigner des gagnants et des perdants » dans le secteur de la publicité numérique, qui est « déjà hautement concurrentiel », a réagi un porte-parole de Google.

La société dit estimer que si le département l’emportait, son approche « ralentirait l’innovation, augmenterait les frais de publicité et rendrait plus difficile la croissance de milliers de petites entreprises et d’éditeurs ».

« La concurrence pour les recettes publicitaires est féroce en ligne et hors ligne », appuie la Computer and Communications Industry Association (CCIA) dans un communiqué.

Cette association professionnelle qui représente l’industrie estime que le département devrait prendre en compte l’ensemble du marché publicitaire, pas seulement la partie numérique.

« La position du gouvernement selon laquelle les pubs en ligne ne sont pas en concurrence avec le papier, la radio, la télévision et les panneaux dans la rue défie la raison », lance la CCIA.

Mais pour le département et les huit États, c’est bien de l’internet qu’il s’agit.

« Un internet ouvert » est « indispensable à la vie américaine », énonce la plainte en introduction.

Les plaignants font valoir que les publicités numériques sont nécessaires pour financer les sites internet, et qu’elles sont « achetées et vendues dans des volumes énormes en quelques fractions de seconde », selon un fonctionnement très différent de celui des journaux imprimés ou régies des chaînes télévisées.

« Plus de 13 milliards de publicités sont vendues chaque jour » sur le web aux États-Unis, ajoutent les plaignants.

Ils assurent que Google a abusé de sa position dominante pour exclure ses rivaux, notamment en « prenant systématiquement le contrôle d’une large variété d’outils de haute technologie utilisés par les éditeurs, les annonceurs et autres acteurs du marché ».

« Inquiet »

« Nous accusons Google d’avoir capté les revenus des éditeurs pour ses propres profits et puni ceux qui cherchaient des solutions de rechange », a déclaré la procureure générale associée Vanita Gupta, citée dans un communiqué.

« Ces méthodes ont affaibli l’internet libre et ouvert, et fait augmenter les coûts pour les entreprises et pour le gouvernement des États-Unis, y compris l’armée », a-t-elle insisté.

C’est la deuxième plainte lancée par le département de la Justice contre le groupe californien depuis l’investiture du président Joe Biden il y a deux ans. La première, qui porte sur la domination de son moteur de recherche, doit déboucher sur un procès cette année.

Google a déjà été condamné dans le passé à des amendes pour infraction au droit de la concurrence, notamment par l’Union européenne.

Aux États-Unis, l’entreprise affronte déjà des poursuites lancées fin 2020 par une coalition d’États emmenée par le Texas.

Selon leurs accusations, Google a cherché à évincer toute concurrence en manipulant les ventes aux enchères publicitaires.

« Google devrait être inquiet », constate Evelyn Mitchell. La société « pourrait être forcée de vendre une partie de son activité publicitaire ».