Il y aura un autre chapitre au feuilleton judiciaire opposant Air Canada aux ex-travailleurs d’Aveos. Le transporteur aérien souhaite porter en appel une décision de la Cour supérieure du Québec l’obligeant à dédommager les anciens salariés du spécialiste de la maintenance d’aéronefs qui a brusquement fermé en 2012.

Le 10 novembre dernier, la juge Marie-Christine Hivon a donné raison sur presque toute la ligne aux plaignants dans le cadre de l’action collective déposée par ces derniers à l’endroit de la plus importante compagnie aérienne. On parle d’un dédommagement de plusieurs dizaines de millions qui devra être déterminé plus tard.

Selon la déclaration d’appel d’Air Canada, il y a cinq aspects sur lesquels la magistrate a erré. L’entreprise établie à Montréal estime notamment que même si elle a enfreint la loi fédérale (Loi sur la participation publique au capital d’Air Canada) qui l’obligeait à maintenir ses centres de maintenance à Montréal, Winnipeg et Mississauga, cela ne constitue pas une faute civile, comme l’estime le tribunal de première instance.

« Le maintien de tels centres n’est donc pas une norme élémentaire de prudence et sa violation ne peut mener à une action en dommages », plaide Air Canada, dans des documents déposés auprès de la Cour d’appel du Québec.

Une audience est prévue le 24 janvier prochain pour se pencher sur la demande.

Longue dispute

Ancienne filiale d’Air Canada, Aveos était devenue indépendante en 2011 au terme d’un transfert d’employés. Du jour au lendemain, le spécialiste de la maintenance a mis la clé sous la porte, au printemps 2012, puisque son principal client se tournait vers d’autres fournisseurs.

La débâcle d’Aveos avait envoyé au chômage quelque 2600 personnes, dont 1800 au Québec. La fermeture avait déclenché une série de recours judiciaires contre la compagnie aérienne. Québec et Ottawa avaient tourné la page en 2016 dans la foulée d’une commande de 45 appareils de l’ancienne C Series de Bombardier. La loi ayant mené à la privatisation d’Air Canada avait été modifiée.

C’est ce qui avait incité les anciens d’Aveos à déposer une action collective.

Jean Poirier, ex-représentant syndical qui a agi à titre de porte-parole des travailleurs pendant des années, n’est pas étonné de la tournure des évènements.

C’est le contraire [Air Canada ne tente pas d’appel] qui aurait été surprenant. On continue la bataille.

Jean Poirier, ex-représentant syndical

Dans sa déclaration, Air Canada ressort des arguments qui avaient déjà été plaidés dans le passé. Ainsi, la compagnie estime qu’elle n’aurait jamais dû être condamnée puisque le transfert des employés d’Aveos s’est effectué dans le cadre d’un processus légal et encadré. Le syndicat qui représentait les employés, l’Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l’aérospatiale (AIMTA), avait consenti à des quittances. Près de 55 millions avaient été versés en indemnité.

« Dans le cadre de ce transfert, l’AIMTA a accordé à Air Canada une quittance dont le libellé énonce sans ambiguïté que le transfert des employés concernés vers Aveos ainsi que la fermeture potentielle d’Aveos font l’objet d’une transaction, plaide la compagnie. La juge a erré en concluant que l’existence de la quittance […] ne constituait pas une fin de non-recevoir complète à l’égard du recours des membres syndiqués du groupe. »

Les autres arguments du transport aérien tournent autour des délais de prescription et des dommages moraux réclamés par les plaignants. Air Canada rappelle que le tribunal de première instance avait rejeté l’argument selon lequel la compagnie avait délibérément provoqué la déconfiture d’Aveos. Le transporteur estime donc qu’il ne peut être condamné pour des dommages moraux puisqu’il n’a pas congédié les salariés du spécialiste de la maintenance.

En savoir plus
  • 90 %
    C’est la proportion des revenus d’Aveos qui étaient générés auprès d’Air Canada.
    Cour supérieure du Québec