À quelques semaines de Noël, les employés des 34 magasins Centre du rasoir vivent des moments d’incertitude. L’entreprise spécialisée dans la vente et la réparation de petits appareils de cuisine vient de se placer sous la protection de la loi sur la faillite.

L’enseigne gérée par le Groupe CDREM a annoncé la nouvelle à ses 150 employés, jeudi, par courriel. Le syndic à l’avis d’intention est Roy Métivier Roberge. « Centre du Rasoir s’est vu dans l’obligation de se mettre sous la protection de la loi sur la faillite, par le dépôt d’un avis de l’intention de faire une proposition. Vous comprendrez que ce ne fut pas une décision facile », peut-on lire dans le message électronique — que La Presse a obtenu – signé par le président de l’entreprise, Patrice Demers.

« Les actionnaires considèrent que c’est la meilleure solution afin d’assurer la continuité des opérations au-delà des prochains mois », ajoute l’homme d’affaires, qui a déjà été propriétaire de la station de radio CHOI Radio X à Québec.

Je vais mettre tous mes efforts afin d’arriver à une proposition acceptable pour nos créanciers, bailleurs et fournisseurs. Celle-ci ne change en rien vos conditions de travail. Votre emploi et votre salaire ne sont pas en péril.

Patrice Demers, président

Ainsi, les magasins, dont 10 sont gérés par des franchisés, demeurent ouverts, a tenu à répéter le directeur général de l’entreprise, Alex Morency, au cours d’une entrevue accordée à La Presse. « Pour le moment, c’est business as usual. C’est notre plus grosse période de l’année. Nos magasins sont pleins de stock et on est prêts à servir nos clients. »

Retour en arrière

Mais comment l’entreprise, en pleine campagne de recrutement d’employés, comme en témoigne sa page Facebook, a pu en arriver là ? Retour en arrière.

Fondé il y a une soixantaine d’années, Centre du rasoir a vécu plusieurs changements. En 2014, l’entreprise a annoncé la fusion de ses activités avec Boutik Electrik, donnant ainsi naissance à un réseau de plus de 80 magasins. À l’époque, la majorité des boutiques étaient gérées par des franchisés. Il y a cinq ans, Centre du rasoir a décidé de revoir sa stratégie et plusieurs changements se font au sein de son équipe de direction. Le détaillant revoit alors son image de marque et devient propriétaire d’une grande majorité de ses magasins.

Or, beaucoup de « mauvaises décisions » prises dans le passé causent aujourd’hui des difficultés à l’entreprise, selon Alex Morency. « Il y a des baux de magasins qui étaient signés avec des ententes qui n’étaient pas de bonnes ententes. Et là, on écope pour ça. L’implantation du site web il y a quelques années a été mal faite. Ça nous a obligés à faire une refonte du site web l’an passé, avec une nouvelle plateforme. »

La pandémie qui a entraîné une pénurie de main-d’œuvre et des problèmes affectant la chaîne d’approvisionnement, puis finalement l’inflation ont planté le dernier clou dans le cercueil du détaillant.

La décision a été prise dans l’optique de se débarrasser des vieilles dettes du passé et de pouvoir repartir à neuf.

Alex Morency, directeur général de l’entreprise

Bien que tous les magasins demeurent ouverts pour le moment, certains pourraient fermer leurs portes. « On n’envisage pas de fermer des magasins en masse, tient toutefois à dire le directeur général. Est-ce que ça se peut que certains franchisés décident de se retirer ? Est-ce que ça se peut qu’on ferme de petits volumes ? Rien n’est exclu. »

Par ailleurs, la nouvelle récemment annoncée a peu surpris le gérant d’un Centre du rasoir qui préfère taire son identité par crainte de représailles. « J’avais un feeling que ça s’en venait, mais je ne pensais pas que ça arriverait aussi vite », confie-t-il au bout du fil. Quelques évènements survenus au cours des derniers mois lui avaient mis la puce à l’oreille. Ses heures d’ouverture avaient notamment été réduites. Les commandes, quant à elles, se sont mises à arriver au compte-gouttes. « Je reçois des articles différents en très petites quantités. »

De son côté, le syndicat des Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce (TUAC) qui représente 64 travailleurs répartis dans 13 magasins et un entrepôt n’a pas caché son étonnement. « Il y a des magasins qui ont été entièrement rénovés, qui ont changé leurs enseignes, souligne la porte-parole Roxane Larouche. On n’avait pas de signaux nous indiquant que ça n’allait pas bien. »

Avec la collaboration de Marie-Eve Fournier, La Presse