(Lévis) Les concurrents du chantier maritime québécois Davie sont encore favorisés de façon « vulgaire » par le gouvernement Trudeau.

C’est ce qu’a déclaré le chef bloquiste Yves-François Blanchet jeudi au sortir d’une visite du chantier maritime Davie à Lévis, juste en face de Québec. De leur côté, les libéraux n’y voient qu’une façon pour les bloquistes de « chercher la chicane ».

Rappelons que la Davie avait d’abord été exclue de la « Stratégie nationale de construction navale » du gouvernement fédéral en 2011, au profit de ses deux rivales, Seaspan à Vancouver et Irving à Halifax.

Cela disqualifiait donc Davie pour obtenir de juteux contrats de construction de navires de plusieurs milliards de dollars de la Garde côtière et de la Marine royale canadienne.

Mais finalement, le chantier québécois a été préqualifié en 2019 et a obtenu notamment le contrat de construction d’un brise-glace lourd au début de mai.

Néanmoins, en conférence de presse jeudi, le chef bloquiste a affirmé que les discussions pour finaliser le contrat ne se déroulent pas assez rapidement.

« Une petite gêne »

« Il y a un avantage vulgaire accordé à Seaspan et à Irving », a déploré M. Blanchet jeudi matin.

Cependant, malgré ses préjugés défavorables au chantier québécois, Ottawa se garde maintenant « une petite gêne » dans ses faveurs éhontées aux deux autres chantiers, selon le chef bloquiste : le fédéral n’a plus le choix désormais de faire affaire avec Davie, puisque ses deux concurrents sont débordés et n’arrivent plus à respecter les échéanciers, estime M. Blanchet.

« Le fédéral a besoin, que ça lui tente ou non, de se tourner vers la Davie, ce qui est une excellente chose. »

Flaire-t-il une manœuvre électoraliste dans les délais actuels, en d’autres mots que le gouvernement Trudeau retarde l’aboutissement du contrat pour réserver une annonce en grande pompe durant l’éventuelle campagne électorale à venir dans les prochains mois ?

« Les libéraux ne peuvent avoir de grosses annonces à faire (sur cet enjeu) parce que c’est un processus rigoureux et technique », a-t-il fait valoir.

Il ajoute toutefois que « c’est pareil à chaque élection », le fédéral fait miroiter un brise-glace, « mais ça existera quand un contrat sera signé », quand toutes les étapes auront été franchies.

« Je ne vois pas comment les libéraux pourraient arriver avec une autre promesse tirée d’un quelconque chapeau. »

Le Bloc s’attribue les mérites des derniers contrats décrochés par la Davie. « Si on n’avait pas fait les suivis insistants qu’on a faits, elle n’aurait pas eu les contrats qu’elle va probablement avoir », a dit son chef.

Un gain électoral ?

Le Bloc espère-t-il de son côté faire des gains dans la circonscription de Bellechasse-Les Etchemins-Lévis, où règne depuis longtemps le conservateur Steven Blaney ?

« On va faire le travail comme il faut pour tout le monde partout au Québec, et on va aller en Beauce où on n’a pas eu de députés depuis un petit moment, puis les gens prendront leur décision au moment de la campagne électorale », a dit M. Blanchet.

Le gouvernement Trudeau a tenu à réagir aux déclarations du chef bloquiste. Le cabinet du lieutenant au Québec du gouvernement, Pablo Rodriguez, a rappelé que les libéraux avaient accordé pour 2 milliards de contrats à la Davie « contrairement aux conservateurs » de Stephen Harper.

« On est en train de les inclure dans la Stratégie nationale de construction navale, a fait valoir le porte-parole de M. Rodriguez, Simon Ross. On vient de leur accorder un important contrat pour la construction d’un brise-glace polaire. Le Bloc peut chercher la chicane, mais nous, on’livre la marchandise’pour les travailleurs. »

Brise-glace

Le brise-glace que devrait construire la Davie, le John G. Diefenbaker, était prévu pour être attribué à Seaspan.

D’abord évalué à 721 millions, il devait être livré d’ici 2017 pour remplacer le navire amiral de la Garde côtière, le Louis-St-Laurent.

L’échéancier a toutefois été chamboulé et le budget est passé à 1,3 milliard en 2013, avant que le gouvernement Trudeau ne retire discrètement le navire du carnet de commandes de Seaspan, en août 2019.

Le chantier de Lévis a plaidé qu’il était mieux placé que Seaspan pour construire le Diefenbaker, d’autant plus qu’il est déjà en ligne pour construire six autres brise-glaces. Les deux rivaux se sont ensuite engagés dans de féroces campagnes de lobbying auprès d’Ottawa. Les libéraux ont finalement décidé de donner à chacun son brise-glace.

Des hauts fonctionnaires ont reconnu que le coût dépassera l’estimation précédente de 1,3 milliard pour le seul Diefenbaker. Cette estimation, établie en 2012, fait l’objet d’un examen depuis plusieurs années.