Même si les temps sont difficiles financièrement pour bon nombre de Canadiens, Loblaw observe que les consommateurs ne se ruent pas davantage dans ses enseignes à bas prix comme Maxi. Au contraire, ils privilégient les supermarchés traditionnels, ce qui fait rebondir les ventes de Provigo.

Ces dernières années, les enseignes à bas prix ont gagné des parts de marché au détriment de celles dites traditionnelles, a rappelé mercredi la présidente de Loblaw, Sarah Davis, en commentant les résultats trimestriels.

« Maintenant, nous voyons le contraire pendant cette pandémie », a-t-elle dévoilé en parlant d’une « grande tendance » et d’une « dynamique intéressante à voir ».

Loblaw a enregistré une hausse des ventes comparables d’environ 10 % dans ses épiceries au premier trimestre, terminé le 21 mars. Dans les quatre semaines suivantes, elles ont aussi augmenté de 10 % par rapport à la même période l’an dernier.

Mais cette explosion des ventes n’a pas été répartie également entre les deux types de supermarchés du groupe Loblaw. Alors que les magasins traditionnels (avec emballeurs, poissonnerie, etc.) connaissent une « très forte croissance », les magasins au rabais profitent beaucoup moins de la pandémie.

Sarah Davis attribue ce phénomène, pancanadien quoiqu’un peu moins marqué au Québec, au fait que les consommateurs font désormais leurs courses à une seule adresse. 

Donc, si [les consommateurs] ne font qu’un seul magasin dans la semaine, ils veulent s’assurer qu’ils ont le meilleur assortiment.

Sarah Davis, présidente de Loblaw

Dans les supermarchés traditionnels (Metro, IGA, grands Provigo), on retrouve généralement plus de 25 000 produits sur les rayons. Cela se compare à quelque 15 000 produits dans les enseignes dites au rabais comme Maxi ou Super C.

La dirigeante soupçonne aussi les consommateurs d’être « probablement un peu moins préoccupés par les prix présentement ».

Pendant ce temps, les coûts d’exploitation de tous les supermarchés bondissent puisqu’il faut plus d’employés pour superviser l’entrée des clients, faire le nettoyage des surfaces et assembler les commandes en ligne. Ainsi, « 1711 personnes ont été embauchées juste pour les Maxi du Québec », a précisé à La Presse le grand patron de cette enseigne, Patrick Blanchette.

Des coûts additionnels de 90 millions liés à la COVID-19 ont été enregistrés par Loblaw au cours des quatre semaines ayant suivi la fin du premier trimestre.

Les coûts de la distanciation physique

Les enseignes à bas prix du groupe Loblaw, notamment les 23 Maxi & Cie du Québec, sont également frappées financièrement par un autre phénomène : la baisse des ventes de marchandise générale (casseroles, jouets), des vêtements Joe Fresh et de cosmétiques depuis deux mois.

« Ce sont toutes des catégories aux marges relativement élevées pour notre entreprise », a indiqué Sarah Davis, précisant que l’entreprise tentait de réduire ses achats de vêtements pour les prochaines saisons. La hausse des ventes en ligne ne suffit pas à compenser la baisse.

Loblaw doit aussi composer avec les hausses de prix que lui refilent ses fournisseurs. « Notre objectif est évidemment de maintenir les prix aussi bas que possible pour les Canadiens, mais je pense qu’il est raisonnable de s’attendre à une certaine inflation », a affirmé le chef de la direction financière, Darren G. Myers, sans faire de prévision.

« Il y a un tango qui se passe entre les transformateurs et les détaillants en ce moment, confirme Sylvain Charlebois, professeur à la faculté de management et d’agriculture de l’Université Dalhousie, à Halifax. Pour les transformateurs, la distanciation physique coûte très cher. Ils doivent faire des rotations, la cadence est ralentie, ils doivent changer leurs emballages pour [servir] les détaillants plutôt que l’institutionnel. »

Résultat, « les transformateurs renégocient leurs prix » en ce moment. Et certains aliments comme les œufs coûtent déjà plus cher, note l’expert. Le pain, par contre, a baissé, « car les consommateurs s’en font eux-mêmes ». Règle générale, prévoit-il, les hausses seront « étendues sur plusieurs mois pour donner le temps aux clients de s’habituer ».

Volume prévu dans « deux ou trois ans »

Entre-temps, les consommateurs voient des changements dans les stratégies promotionnelles. Le cahier publicitaire en papier de Provigo ne compte plus que quatre pages, mais la version électronique est aussi volumineuse qu’avant, assure-t-on. Chez Maxi, on mise uniquement sur le numérique, ce qui permet de faire des modifications rapides si un produit est en rupture de stock, par exemple.

« Cette conversion à l’électronique était déjà envisagée depuis un certain temps ; l’apparition de la COVID-19 a accéléré cette transition », affirme la porte-parole de Loblaw au Québec, Johanne Héroux.

Au sujet des ventes en ligne, Loblaw a précisé que le volume avait triplé. Et qu’il avait atteint celui anticipé « dans deux ou trois ans ». Au Québec, 67 Maxi ont commencé à offrir la livraison à domicile et d’autres permettent les commandes téléphoniques.

RÉSULTATS DU 1er TRIMESTRE CLOS LE 21 MARS

• Ventes au détail : 11,58 milliards (+ 10,8 %)

• Ventes comparables, secteur de l’alimentation (+ 9,6 %)

• Ventes comparables, secteur de la pharmacie (+ 10,7 %)

• Bénéfice net : 240 millions (+ 21,2 %)

• Bénéfice par action : 0,66 $

Depuis le début du deuxième trimestre 

• Ventes comparables, secteur de l’alimentation : + 10 %

• Ventes comparables, secteur de la pharmacie : - 6 %

• Coûts d’exploitation additionnels : 90 millions de dollars (pour 4 semaines)