Le rachat de la quasi-totalité des actifs de la firme de génie Groupe SM de l'homme d'affaires Bernard Poulin, accusé de fraude, complot et corruption, sera officiellement complété aujourd'hui. Un nouveau bureau de génie entièrement québécois prend le relais, soit FNX-INNOV inc., a appris La Presse.

La transaction de l'ordre de 40 millions de dollars doit obtenir l'approbation de la Cour supérieure ce matin. Il s'agit d'une vente d'actifs, et non pas d'actions. C'est ce qui permet d'écarter tous les litiges concernant le Groupe SM, qui s'était placé sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies en août dernier.

Selon le registre des entreprises du gouvernement du Québec, la firme FNX-INNOV inc. a été immatriculée officiellement le 2 octobre dernier. L'actionnaire majoritaire est une société de portefeuille québécoise administrée par François Gaudreau et Pierre-Yves Méthot, tous deux actionnaires de la société d'investissement Capital Thornhill Inc. FNX-INNOV inc. devient ainsi une filiale de Capital Thornhill. La direction des opérations est confiée à l'ingénieur Richard Hélie, spécialisé dans la réorganisation d'entreprises.

«Nous sommes convaincus que c'est une bonne entreprise. Est-ce que ce sera rentable comme une firme de génie devrait l'être? Dans la perspective du moyen et long terme, on en est convaincus. Mais à court terme, on prend le risque d'investir là-dedans et de redresser la situation», explique M. Hélie en entrevue avec La Presse.

Maintien des chantiers

La nouvelle firme de génie prend le relais des contrats déjà en marche, dont ceux du nouveau pont Champlain, de l'échangeur Turcot ainsi que du train électrique de la Caisse de dépôt et placement, le Réseau express métropolitain (REM), dans lesquels Groupe SM était impliqué. Richard Hélie assure que la transition n'aura aucun impact négatif sur ces projets d'envergure.

Il souligne également que «le carnet de commandes de la firme est en santé» et que l'Autorité des marchés financiers (AMF) a déjà accordé la certification permettant à FNX-INNOV de soumissionner sur des contrats publics. À cet égard, il précise que les questions d'éthique sont une véritable préoccupation.

«Tout ce qui est transparence, éthique et intégrité, c'est un must», affirme Richard Hélie.

À l'heure actuelle, les activités que reprend FNX-INNOV concernent, dans des proportions à peu près égales, l'environnement, les infrastructures (génie civil) ainsi que les télécommunications et les secteurs de l'énergie et des bâtiments. L'avenir se situe toutefois du côté de la combinaison des services de génie, de construction et d'approvisionnement, indique M. Hélie.

Dans l'immédiat, le défi qui attend FNX-INNOV est de trois ordres, dit son chef de la direction : stabiliser l'entreprise, construire la confiance, tant avec le personnel qu'avec les clients, et, enfin, faire croître la firme.

Complexité financière

Il était déjà connu que Capital Thornhill souhaitait acquérir le Groupe SM. La société avait sollicité Bernard Poulin dès février 2018, soit cinq mois après la mise en accusation de ce dernier ainsi que de son vice-président, l'ingénieur Dany Moreau. Les deux hommes sont soupçonnés d'avoir participé à un système de partage de contrats attribués par la Ville de Montréal, entre 2001 et 2009.

Ni M. Poulin ni M. Moreau ne sont demeurés en poste. Ils font partie de la cinquantaine de personnes qui ont été mises à l'écart ou qui sont parties de leur plein gré avant même la transaction finale. Les quelque 650 employés qui demeurent chez FNX-INNOV sont au coeur de la décision d'affaires, souligne Richard Hélie qui souligne la « qualité de leurs compétences ». «Toutes les ressources qui étaient de près ou de loin associées à la problématique financière de l'organisation ont été remerciées», précise-t-il.

Lors de la vérification diligente du Groupe SM, Capital Thornhill a été surpris par l'ampleur de la désorganisation financière. «C'était très déficient. [...] Il n'y avait pas d'états financiers vérifiés chez SM depuis trois ans. La structure était très complexe, avec 58 compagnies, dont 25 opérantes», indique Richard Hélie, qui ajoute qu'il a été difficile d'obtenir certaines informations. « On sait que les revenus sont là, mais comment ils se répercutent en rentabilité, on ne le sait pas. [...] C'est là l'élément de risque », ajoute-t-il.

Dans l'immédiat, FNX-INNOV maintiendra le siège social dans les anciens bureaux du Groupe SM, à Montréal. Quant au nom de la firme, il réfère à l'oiseau légendaire qui renaît de ses cendres, le phénix.