Ce que craignaient depuis longtemps les armateurs qui naviguent sur le Saint-Laurent s'est finalement concrétisé mardi après-midi : un embâcle a forcé la Garde côtière à fermer la navigation sur le plus important cours d'eau au Canada, ralentissant ainsi les opérations de jusqu'à 18 navires.

Armateurs, autorités portuaires et sociétés de développement économique, entre autres, critiquent depuis des années le manque de brise-glaces dont dispose la Garde côtière et le fait qu'ils ont dans certains cas dépassé leur durée de vie utile.

Leurs prévisions, qui pouvaient paraître alarmistes jusque-là, se sont matérialisées à la suite de la vague de froid récente. L'arrêt de la navigation décrété par la Garde côtière lundi, en vigueur au moins jusqu'à ce matin, serait le plus long depuis 1993, d'après Nicole Trépanier, présidente-directrice générale de la Société de développement économique du Saint-Laurent (SODES).

« Alors que les conditions météorologiques qui ont mené à cette situation étaient prévisibles, le manque de brise-glaces disponibles force la Garde côtière à adopter une gestion réactive plutôt que proactive mettant en péril la sécurité publique et l'économie québécoise », a déploré dans un communiqué la SODES, lundi soir.

Dès mardi, la Garde côtière a dépêché trois brise-glaces pour défaire l'embâcle, situé aux environs de Sorel, en amont du lac Saint-Pierre.

« Les brise-glaces dépêchés en urgence ont été retirés de sites où leur présence était nécessaire », note toutefois la SODES.

Concrètement, selon Mme Trépanier, la présence de trois brise-glaces sur le lac Saint-Pierre signifie qu'il n'y en a plus dans le Saguenay.

Le Louis St-Laurent a justement quitté Terre-Neuve lundi pour corriger cette carence, a indiqué hier une porte-parole de la Garde côtière. Le voyage nécessite une quarantaine d'heures.

Dix-huit bateaux touchés

Selon Martin Fournier, président-directeur général des Armateurs du Saint-Laurent, il y avait hier après-midi 18 bateaux touchés d'une façon ou d'une autre par l'embâcle. Au Port de Montréal, on faisait état de trois bateaux n'ayant pu partir selon l'horaire prévu et de trois autres qui ne pourront arriver à temps.

À lui seul, le groupe québécois Desgagnés a vu quatre de ses bateaux, tous des pétroliers, perturbés par l'embâcle.

« Nous n'avons pas encore reçu d'indications de nos clients qu'ils sont en rupture de stock », a indiqué hier Serge Le Guellec, président-directeur général de Desgagnés.

« Pour tout ce qui est produits pétroliers, et parfois le minerai, les délais peuvent être essentiels », a pour sa part fait valoir M. Fournier.

Risque de réputation

À moins de problèmes survenus durant la nuit, la Garde côtière pourrait annoncer aujourd'hui la réouverture de la navigation.

« Ça voudrait dire que dans le pire des cas, des bateaux auraient été retardés de deux jours, calcule la porte-parole du Port de Montréal, Mélanie Nadeau. On n'anticipe pas d'impact réputationnel, économique ou logistique important. »

La crainte existe néanmoins chez les armateurs.

« Du point de vue du client qui utilise le transport maritime, ça soulève des questions sur la fiabilité de sa chaîne d'approvisionnement, note M. Le Guellec. D'autant que ça se matérialise parce que la Garde côtière n'a pas les équipements nécessaires. Ils doivent être confortables à l'idée qu'il n'y aura pas de bris de leur chaîne. »