En moins de temps qu'il n'en faut pour commander un Uber, sept joueurs des Sénateurs d'Ottawa se sont retrouvés cette semaine dans un pétrin qui a ouvert les yeux de nombreux utilisateurs du taxi.

« Je peux seulement constater qu'un taxi est un très mauvais endroit pour une discussion confidentielle », souligne Guillaume Laberge, avocat chez Lavery Avocats, spécialisé notamment dans les questions de protection de la vie privée.

Plus tôt cette semaine, l'Ottawa Sun a publié une vidéo tournée à l'insu de sept joueurs des Sénateurs dans une voiture Uber à bord de laquelle ils avaient pris place, lors d'un récent séjour professionnel dans l'Ouest américain. On les y entend clairement se moquer de leur équipe et d'un entraîneur.

La publication de cette vidéo a semé l'émoi dans l'univers sportif ottavien, mais aussi suscité des questions chez certains gens d'affaires.

« Note à moi-même : ne plus jamais parler de télévision dans un taxi », a par exemple écrit sur Twitter le producteur Louis Morissette.

« Ça ne va jamais arriver dans un taxi », clame George Boussios, président de Taxi Champlain.

« Nous avons des permis. Faire une chose comme ça, on pourrait le perdre. Uber, c'est juste des gars qui sont là pour faire un peu d'argent. S'il se fait renvoyer, il va aller faire de la plomberie le lendemain. »

- George Boussios, président de Taxi Champlain

Les voitures de Taxi Champlain ne sont pas munies de caméras, selon M. Boussios. Un chauffeur pourrait néanmoins filmer ou enregistrer une conversation avec un téléphone intelligent, reconnaît-il.

« Depuis le nombre d'années qu'il y a des téléphones intelligents, ce n'est jamais arrivé. »

Plusieurs voitures de Téo Taxi sont, elles, équipées de caméras afin d'assurer la sécurité des chauffeurs. Mais les chauffeurs n'ont pas accès aux enregistrements, assure la porte-parole Jessica Théroux, et des mesures sont également prises pour en restreindre l'accès aux autres employés de l'entreprise. Théoriquement, ils ne sont accessibles qu'aux policiers.

« Contrairement à ceux d'Uber, nos chauffeurs sont des employés, rappelle aussi Mme Théroux. Cela nous permet de nous assurer de la qualité de l'expérience client. Ils doivent aussi suivre une formation de 35 heures, durant laquelle on leur rappelle que les conversations entendues ou les adresses des clients doivent rester confidentielles. Ils sont également soumis à un code d'éthique où c'est écrit noir sur blanc. »

LOI QUÉBÉCOISE

La Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, explique M. Laberge, impose plusieurs contraintes dans une situation comme celle où se sont retrouvés les Sénateurs.

D'abord, l'enregistrement lui-même ne peut être effectué qu'avec le consentement des personnes impliquées, et s'il y a un motif raisonnable, par exemple la sécurité des chauffeurs. Quant à la diffusion sans consentement, elle ne peut être faite que dans certains cas d'exception, par exemple pour prévenir un crime.

Si une telle situation devait survenir au Québec, des mesures pénales pourraient théoriquement être prises contre le chauffeur. « Mais, plus vraisemblablement, on parlerait d'une poursuite civile », estime M. Laberge.

Uber n'a pas voulu commenter la situation autrement que par une courte déclaration soumise par courriel par son porte-parole, Jean-Christophe De Le Rue.

« C'est une violation flagrante de nos lignes de conduite de la communauté d'Uber. Dès que nous avons eu connaissance de cette situation, nous avons immédiatement travaillé afin d'aider à ce que cette vidéo soit supprimée. »

Le fondateur d'Uber, Travis Kalanick, a lui-même été victime, au début de 2017, de la diffusion d'une vidéo captée par le chauffeur d'une voiture à bord de laquelle il avait pris place. Les deux hommes s'étaient affrontés sur le sujet des tarifs fixés par Uber, et M. Kalanick avait par la suite dû s'excuser de son comportement.