Le nombre de passagers du transport aérien pourrait doubler pour atteindre 8,2 milliards d'ici à 20 ans, a prédit cette semaine l'Association internationale du transport aérien (IATA).

Cette croissance, si elle se matérialise, ne se fera pas sans opposition, notamment dans un contexte de changements climatiques et de pressions locales contre la construction d'infrastructures.

Alexandre de Juniac, le président de cet organisme qui regroupe les principaux transporteurs aériens dans le monde, en est bien conscient et a discuté, dans son bureau montréalais, des principaux enjeux qui guettent cette industrie.

L'ENVIRONNEMENT

Le transport aérien serait responsable, selon différentes études, de 2 % à 3 % des émissions de gaz à effet de serre à l'échelle de la planète, et il est fréquemment mis au banc des accusés lorsqu'il est question de changements climatiques.

« C'est un peu incroyable, parce que nous sommes la seule industrie à avoir nous-mêmes demandé à être régulés et avoir convaincu les gouvernements de le faire », lance d'entrée de jeu M. de Juniac.

En 2016, l'industrie aéronautique s'est engagée sur deux fronts. Elle promet que dès 2020, sa croissance sera « neutre » au chapitre des émissions de carbone. Concrètement, cela signifie surtout que les transporteurs achèteront des crédits carbone pour compenser leurs émissions excédentaires. La mesure ne sera pas obligatoire avant 2027.

Le deuxième engagement cible 2050. Les émissions devront alors être réduites à la moitié de ce qu'elles étaient en 2005.

« Nous sommes une industrie sérieuse et on a pris des engagements qu'on va tenir », promet-il.

Cela ne concerne pas que les compagnies aériennes, rappelle-t-il. « Les fabricants d'avions, les équipementiers, les aéroports, les autorités de contrôle aérien, tout le monde a décidé de s'y mettre. »

Techniquement, la solution passe par plusieurs voies. L'utilisation d'avions moins gourmands est une évidence. Cela passe aussi par l'emploi de carburants alternatifs, dans lesquels l'Association demande aux gouvernements d'investir afin de déployer les infrastructures nécessaires à leur livraison jusqu'aux aéroports.

Puis vient l'optimisation des opérations, notamment par l'utilisation de routes plus courtes, la réduction des temps d'attente au sol et des techniques de plus en plus employées comme l'utilisation d'un seul moteur pour les déplacements au sol.

LES DROITS DES PASSAGERS

L'Office des transports du Canada doit produire au cours des prochains mois la première « charte des voyageurs aériens », qui édictera une série de droits des passagers.

Pour M. de Juniac, il est impératif de « trouver le bon compromis ».

« L'Europe a été vraiment très, très loin, c'est complètement excessif, dénonce-t-il. Au Brésil, les droits des passagers sont ultra, ultra contentieux. Ça suscite un climat et une relation avec le passager qui devient très mauvaise. »

Même les États-Unis ont versé dans l'excès, croit-il, en adoptant une règle qui va « à l'encontre de l'objectif » qu'elle s'était fixé.

« La règle impose de ne pas garder au sol des avions pleins, explique-t-il. Comme si on le faisait par plaisir ! Pour une compagnie aérienne, ça n'a que des inconvénients. C'est ne même pas comprendre comment ça fonctionne. Immobiliser un avion, c'est emmerdant pour une compagnie aérienne, alors un avion avec les passagers en plus, c'est au carré ! On n'a que des emmerdes !

« Et donc, ça a amené quoi ? Ça a amené les compagnies aériennes à annuler des vols. »

LE DÉVELOPPEMENT DES AÉROPORTS

Pour accueillir deux fois plus de passagers, il faudra forcément agrandir des aéroports, voire en construire de nouveaux. L'optimisation des ressources actuelles ne suffira pas, convient M. de Juniac.

« Ce qui nous inquiète, c'est que ce sont des décisions politiquement difficiles. On le sait très bien, on reconnaît que construire un aéroport, c'est un problème politique lourd. Les décisions se prennent en beaucoup de temps, elles sont très contestées. »

L'environnement, les plaintes des voisins et le coût des terrains figurent parmi les principaux obstacles.

« Il y a un vrai goulot d'étranglement et ça nous inquiète. C'est partout pareil, partout. »

Il donne notamment l'exemple du Mexique, où l'aéroport de Mexico, complètement saturé, devait être remplacé par un nouveau, dont la construction est bien avancée. Sauf que le président désigné du Mexique, qui s'apprête à entrer en fonction, a promis en campagne électorale de mettre fin aux travaux.

L'IATA, par ailleurs, n'est pas enthousiasmée par l'idée avancée dans certains pays, et écartée récemment par le Canada, de privatiser les aéroports.

« On n'est pas complètement contre, mais on n'est pas très favorables. L'expérience dans le monde est plutôt négative. En gros, les aéroports ont beaucoup augmenté leurs prix, sans qu'on voie une augmentation comparable de la qualité de service. »