Avec le lancement la semaine dernière de Swoop, un transporteur aérien à très faible coût affilié à WestJet, le Canada compte maintenant deux lignes aériennes au rabais, et les plans pour une troisième sont en marche. Toutes ont une chose en commun : elles ignorent le Québec.

Les premiers avions de Swoop ont survolé le Québec au cours des derniers jours pour rejoindre Halifax, en provenance de Hamilton. Mais ils ne s'y poseront pas dans un avenir prévisible.

L'entreprise souhaite « utiliser des aéroports secondaires pour desservir le Québec » et « est en discussions avec certains d'entre eux », selon une porte-parole, Karen McIsaac, sans préciser lesquels. Aucun plan concret n'a encore émergé.

L'autre transporteur canadien à très faible coût déjà actif, Flair Airlines, survole lui aussi régulièrement le Québec sans s'y arrêter. Le réseau de la compagnie établie à Edmonton se concentre surtout sur l'ouest du pays, mais il inclut quand même Hamilton, Toronto et Halifax. Mais pas Montréal ni Québec. Il n'a pas été possible d'obtenir d'explications de l'entreprise.

Une troisième entreprise, Canada Jetlines, vient officiellement de reporter son entrée en service, qui avait déjà été prévue pour cet été, à 2019 au plus tôt. Elle non plus n'a pas le Québec dans ses plans pour le moment, même si ses destinations envisagées incluent la Floride, Cancún et Punta Cana.

« Je pense que le Québec a beaucoup de potentiel, mais l'aéroport Trudeau a des limites d'espace et de plages horaires. » - Lukas Johnson, président de Canada Jetlines 

« Quant à l'aéroport de Québec, poursuit celui qui est entré en poste la semaine dernière, ses frais sont très élevés. Je crois que c'est la raison pour laquelle les gens qui m'ont précédé ont écarté le Québec. »

La porte-parole d'Aéroports de Montréal, Anne-Sophie Duhamel, réfute cet argument. L'aéroport Trudeau accueille déjà deux transporteurs à très faible coût, WOW et Interjet, et s'apprête à en ajouter deux autres, Level et Norwegian. Aucun n'est canadien.

AÉROPORTS SANS AÉROGARE

Le modèle d'affaires des transporteurs à très faible coût, connus en anglais sous l'appellation d'ultra-low cost carriers ou ULCC, repose généralement sur l'utilisation d'aéroports secondaires, parce que leurs frais sont moins élevés et que leur achalandage moindre réduit les risques de retards.

C'est pourquoi ils préfèrent Hamilton et Abbotsford à Toronto et Vancouver, respectivement. Ces deux aéroports sont situés à environ une heure de route du centre-ville de la métropole voisine.

Au Québec, huit aéroports disposent de pistes assez longues pour accueillir les Boeing 737 et Airbus A320 typiquement utilisés par ces transporteurs. Outre Trudeau et Québec, trois se trouvent à distance raisonnable des grandes agglomérations de la province, soit ceux de Mirabel, Saint-Hubert et Trois-Rivières.

Les deux premiers n'ont toutefois pas d'aérogare permettant d'accueillir les passagers de ces avions. Le troisième est légèrement plus éloigné de Montréal que ne le sont Hamilton et Abbotsford de Toronto et Vancouver.

« Dans notre plan stratégique, les transporteurs à très faible coût nous intéressent », confirme néanmoins la directrice générale de l'aéroport de Saint-Hubert, Jane Foyle. L'organisme en est à sélectionner une firme avec laquelle elle pourra établir son plan directeur de développement, lequel comprendra vraisemblablement la construction d'une aérogare.

MANQUE DE MARCHÉ

Selon le professeur spécialisé en transport Jacques Roy, de HEC Montréal, il existe aussi au Québec un problème de marché pour ces transporteurs.

« Le marché des gens qui visitent leur famille ou leurs amis est beaucoup moins important », note-t-il.

Les marchés d'affaires sont aussi relativement restreints, à l'extérieur du couloir Montréal-Toronto.

« Swoop ne s'y lancera pas à moins d'y être obligé, ajoute-t-il, parce qu'elle appartient à WestJet. Les autres pourraient l'essayer, mais les cimetières sont pleins de compagnies aériennes qui se sont attaquées à ça. » 

« CanJet avait un certain succès comme transporteur vers des destinations vacances, mais quand elle s'est attaquée au triangle Montréal-Ottawa-Toronto, Air Canada a été cruelle et l'a mise en faillite. » - Jacques Roy, professeur à HEC Montréal

Professeur à l'Université de Waterloo, Robert Kerton, estime quant à lui qu'une véritable offre à très faible coût pourrait faire augmenter d'environ 4 millions le nombre de passagers annuels dans les aéroports de Québec et Montréal. Actuellement, environ 19,8 millions de passagers transitent chaque année par ces deux aéroports.

Pour Jacques Roy, cependant, les nouveaux venus auraient plus de chances de succès en reliant le Québec à des destinations vacances, plus particulièrement celles desservies par Plattsburgh et Burlington, ce qui incite plusieurs Québécois à se tourner vers ces aéroports. Mais encore là, note-t-il, il faudrait rivaliser avec Air Canada Rouge, Air Transat, WestJet et Sunwing.

Il n'est d'ailleurs pas le seul de cet avis.

« J'ai passé plusieurs années chez Allegiant, qui offrait plusieurs vols vers la Floride de Plattsburgh, rappelle Lukas Johnson, de Canada Jetlines. Je connais très bien l'appétit des Québécois pour ce genre de vols à faible coût. Ils en veulent et ils souhaiteraient pouvoir le faire avec un transporteur canadien. »