Bombardier ne pourra vraisemblablement pas compter sur les gouvernements Couillard et Trudeau si l'avionneur québécois est bel et bien à la recherche d'investisseurs pour ses activités aéronautiques.

« Bien franchement, je crois que dans l'industrie aéronautique, le gouvernement du Québec a fait sa part, a affirmé lundi la ministre de l'Économie, Dominique Anglade, en marge d'une annonce économique à Montréal. Nous avons fait notre part. »

Celle-ci réagissait à la publication d'un article par Bloomberg suggérant que Bombardier pourrait aller jusqu'à se délester de ses activités de construction des jets régionaux CRJ - qui sont assemblés à Mirabel - ainsi que des avions à hélices Q400, dont l'assemblage est effectué à Toronto.

Le géant Airbus figurerait parmi les acquéreurs potentiels, selon l'agence américaine, qui cite des sources anonymes.

Après avoir injecté 1 milliard de dollars US dans la C Series, « il n'y a rien sur la table en ce moment » à Québec en ce qui a trait à un possible investissement dans les programmes du CRJ ou du Q400, a affirmé Mme Anglade.

« Si [Bombardier] cherche à établir un partenariat avec d'autres entreprises, ils savent très bien où loge le gouvernement, a-t-elle dit. Pour nous, l'important, c'est de nous assurer du maintien des emplois. »

À ses côtés, le ministre fédéral de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique, Navdeep Bains, s'est montré plus prudent, refusant de commenter sur le résultat des scénarios qui seraient analysés par Bombardier.

« De notre point de vue, nous avons toujours dit que tout partenariat [pour une aide financière] visait à augmenter les investissements en recherche et développement », a-t-il indiqué.

Le prêt de 372,5 millions consenti à l'avionneur par Ottawa plus tôt cette concernait principalement la recherche et développement puisqu'il devait aider l'avionneur à poursuivre le développement de la C Series ainsi que de l'avion d'affaires Global 7000.

En ce qui a trait aux avions CRJ, Bombardier envisage un nouvel aménagement de la cabine, tandis que pour les Q400, on propose une configuration élargie à 90 places.

Mur américain

Les options qui auraient été envisagées par Bombardier surviennent à la suite de deux décisions préliminaires récentes du département américain du Commerce qui se traduisent par l'imposition de droits compensatoires d'environ 300 % sur les C Series envoyés aux États-Unis, ce qui accroît la pression sur les liquidités de l'entreprise.

Néanmoins, des observateurs de l'industrie aéronautique ont exprimé certaines réserves quant à la possibilité que Bombardier puisse décider de se départir de ses jets régionaux ou de ses turbopropulseurs Q400.

« Cela semble assez improbable pour le moment », fait valoir l'analyste Seth Seifman, de la banque américaine J.P. Morgan, dans une note envoyée par courriel.

À son avis, c'est la société d'État chinoise Comac - qui aurait déjà envisagé d'investir dans la C Series dans le passé - qui pourrait être intéressée par certaines parties de la division aéronautique de Bombardier.

M. Seifman écrit que la société chinoise pourrait être tentée d'acquérir des actifs de propriété intellectuelle ainsi que des relations d'affaires établies avec des clients existants.

Celui-ci doute également qu'Airbus soit impliquée sérieusement dans les discussions. Le géant européen est déjà actionnaire de l'entreprise ATR, qui construit des avions qui rivalisent avec le Q400 de Bombardier.

De son côté, Robert Spingarn, de la firme Credit Suisse, avance l'hypothèse que l'avionneur pourrait utiliser le produit de la vente de certains actifs pour racheter la participation du gouvernement québécois dans le programme C Series.

« Un rachat était contemplé dès le début et les modalités ont été négociées dans le cadre de la transaction initiale avec Québec [en 2015] », écrit l'analyste dans un rapport.

Le directeur du groupe d'études en management des entreprises en aéronautique à l'UQAM, Mehran Ebrahimi, s'est quant à lui demandé pourquoi l'avionneur québécois voudrait laisser aller les programmes du CRJ et du Q400.

« Ce sont des chaînes logistiques que l'entreprise maîtrise bien, a-t-il expliqué. Pourquoi s'en départir ? »

Dans son rapport annuel de l'exercice 2016, Bombardier indique avoir 52 commandes fermes de CRJ et 31 autres pour son avion à hélices.

À la fin septembre, la multinationale avait annoncé ce qui pourrait être sa plus importante commande d'avions Q400 dans le cadre d'une transaction qui pourrait atteindre 1,7 milliard de dollars US.